Voici le premier vélo à hydrogène français, on vous explique pourquoi c’est une mauvaise idée

 

Une flotte de triporteurs électriques alimentés à l’hydrogène a été mise à la disposition d’enseignes alimentaires d’Issy-les-Moulineaux. Sauf que cette énergie, comme pointée du doigt par le GIEC, n’est pas une solution viable et une alternative pertinente aux batteries à lithium pour les véhicules légers. On vous explique pourquoi.

velo cargo hydrogène
Source : Issy Media via Le Parisien

Fin octobre, la ville d’Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine) a attiré le feu des projecteurs médiatiques. Plusieurs enseignes alimentaires de la commune ont en effet fait appel à une flotte de triporteurs électriques alimentés à l’hydrogène, afin d’effectuer des livraisons auprès de leurs clients.

Les quatre vélos cargos mis à leur disposition ont été construits par Pragma Mobility, filiale de Pragma Industries. Pourtant, et comme l’ont souligné plusieurs ONG et autres organismes officiels, l’hydrogène – souvent présentée comme la solution d’avenir pour nos véhicules électriques – n’est clairement pas la solution miracle.

Il convient tout d’abord de rappeler quelques grands principes relatifs à l’hydrogène. Ce gaz n’a de sens que s’il est produit proprement : on appelle ça de l’hydrogène vert ou hydrogène décarboné. Or, sa production dite propre (issue de l’électrolyse de l’eau) doit provenir d’une énergie bas-carbone, comme les énergies renouvelables ou le nucléaire.

Le fait est qu’à l’heure actuelle, cette énergie est essentielle et avant tout utilisée pour les autres usages du quotidien partout sur le territoire. En 2020 en France, l’hydrogène vert ne représentait qu’une toute petite partie de l’hydrogène produit par chez nous : à hauteur de 5 %. Pour le reste, l’appellation hydrogène bleu, gris ou jeune est utilisée.

De l’énergie verte au programme

Les vélos cargos de Pragma Mobility vont-ils s’alimenter avec une telle énergie propre ? À l’avenir et dans l’idée, oui. Le groupe va faire appel à la société Hype – spécialisée dans les taxis à hydrogène –, qui fournira une station de recharge au début de l’année 2023.

Sur son site, Hype explique vouloir « accélérer le déploiement de son réseau qui comptera 7 stations hydrogène opérationnelles fin 2022 – début 2023, couplées à une capacité correspondante de production locale d’hydrogène vert dès 2023 ». Il s’agit donc ici d’hydrogène vert qui profitera à ses triporteurs électriques.

Les taxis hydrogène d’Hype

Pour ce faire, Hype va faire appel à McPhy pour construire une « nouvelle station de 800 kg/jour et un électrolyseur d’une capacité de 2 MW, permettant d’associer dès 2023 les capacités correspondantes de production locale d’hydrogène vert ».

Pour autant, la fameuse « station propre » attendue début 2023 n’est pas d’actualité pour le lancement des fameux triporteurs. En attendant, ces derniers s’alimenteront auprès d’une « station temporaire dans le centre technique, dont un opérateur assurera le fonctionnement », lit-on dans Le Parisien, sans plus de précisions sur la manière dont l’hydrogène est produit.

Nous avons contacté Pragma Mobility à ce sujet, qui nous a répondu : « La station temporaire (en place jusqu’à janvier) est alimentée par hydrogène gris. À partir de janvier 2023, nous installerons une station, alimentée par hydrogène vert ». La période sur laquelle de l’hydrogène gris est fourni est donc relativement courte.

L’hydrogène est-il pertinent pour des vélos électriques ?

Outre ces petits enjeux de calendrier, l’hydrogène en tant que tel et aussi propre qu’il puisse être a-t-il du sens pour un vélo électrique ? Pas vraiment. Premièrement, l’ONG américaine EDF (Environmental Defense Fund pour Fonds de Défense Environnemental) pointait du doigt dans une récente étude la dangerosité de l’hydrogène en cas de fuite.

Ce genre de fuite peut intervenir lors de son transport, du remplissage des réservoirs et de son utilisation, et serait extrêmement néfaste pour la planète, selon l’EDF. Par ailleurs, le GIEC recommande dans une récente étude de réserver les batteries à lithium pour les véhicules légers et d’explorer la piste de l’hydrogène pour les véhicules lourds.

Un vélo se classe clairement dans la première catégorie. Le GIEC estime que l’hydrogène vert doit donc servir au domaine maritime, aérien et ferroviaire (bateaux, avions et trains), car sa production est très demandeur en énergie dans sa phase de production.

Aussi, et comme nous l’expliquions dans un récent article, l’efficacité énergétique d’une voiture électrique est d’environ 60 à 80 % contre 10 à 30 % pour son homologue à hydrogène, en raison du caractère très gourmand en énergie de la technique par électrolyse. Sur un trajet identique, un véhicule avec batterie lithium consomme ainsi largement moins d’électricité.

Une énergie moins efficace

Certes, le sujet ne concerne pas les voitures électriques, mais les vélos électriques. Il n’empêche, ce constat vaut aussi bien pour les cycles branchés avec batterie comparés à un vélo à pile alimenté par de l’hydrogène. Les écarts sont certes proportionnels, mais la finalité reste la même.

La question étant : pourquoi faire un vélo à hydrogène, quand bien même l’hydrogène produite est verte ? Dans un dossier de presse disponible sur son site, Pragma Mobility estime que les batteries utilisées dans les véhicules légers (vélos électriques, scooters électriques) sont très difficiles à recycler, et ce à cause de leur grand nombre et leur petite taille.

Pourtant, le recyclage des batteries lithium est aujourd’hui une réalité dans le domaine des voitures électriques. Dans son rapport d’impact 2021, Tesla affirmait pouvoir recycler jusqu’à 92 % des matériaux utilisés dans une batterie. Et nous parlons ici de plusieurs centaines de milliers de voitures par an.

De son côté, Volkswagen a annoncé le lancement d’un projet d’envergure permettant le recyclage quasiment à l’infini des matériaux présents dans les batteries Lithium-ion des véhicules électriques. On se demande pourquoi le secteur des vélos électriques batterie ne pourraient pas en profiter autant. Mais surtout, l’entreprise française intègre, elle aussi, une batterie au lithium-ion dans ses vélos… de taille beaucoup plus faible que sur un VAE, il est vrai.


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