Fin 2022, Frandroid a eu l’opportunité de tester l’ABS dernière génération de Bosch sur un vélo électrique. Obligatoire sur les motos depuis 2017, ce système antiblocage de roues a encore du chemin à faire pour s’imposer comme un intournable sur les VAE. Il n’empêche : son efficacité et ses capacités nous ont tout bonnement bluffés lors de notre essai.
Après avoir exposé nos premiers ressentis, il est temps de mettre les mains dans le cambouis et de plonger dans les entrailles de ce système. De quoi est-il composé ? Comment intervient-il sur le freinage ? Existent-ils différents modes selon les usages ?
Pour aller plus loin
Mais pourquoi les constructeurs automobiles sortent des vélos et trottinettes électriques ?
Pour répondre à ces questions, les équipes de Bosch ont accepté de nous livrer des explications techniques. Ici, les éléments apportés sont intrinsèquement liés à la technologie du fournisseur allemand, qui ne fait cependant pas cavalier seul sur le marché de l’ABS pour vélo électrique.
Comme nous l’avons déjà rappelé, le constructeur italien Blubrake en a également fait son fer de lance. La finalité des différents systèmes ABS présents sur le marché reste la même : renforcer la sécurité des usagers en améliorant la qualité de freinage de nos engins.
Un ABS pour vélo électrique, ça sert à quoi ?
L’ABS est l’acronyme du terme allemand Antiblockiersystem, qui signifie système antiblocage. Vous l’aurez deviné, et vous n’êtes pas sans savoir si vous êtes motards ou automobilistes, un ABS empêche donc une roue de se bloquer lors d’une phase de freinage critique. C’est particulièrement utile dans des conditions de faible adhérence.
En cas de blocage de roue, comment un vélo ou VAE réagit-il ? Si la roue arrière se bloque, le pneu peut chasser si le sol est humide, par exemple. Dans ce cas, vous pouvez facilement perdre le contrôle de votre engin. Si la roue avant se bloque, un « soleil » peut survenir : la roue arrière décolle, l’usager passe par-dessus le guidon. C’est la chute.
Aujourd’hui, les systèmes de freinage installés sur nos deux-roues peuvent être puissants et mordants, en particulier les freins à disque hydrauliques. Dans ce cas, serrer sa manette de frein avec force entraîne un freinage extrêmement intense, qui peut provoquer un blocage de roue. Naturellement, le frein arrière est davantage utilisé que le frein avant pour éviter l’effet « soleil ».
En cas de blocage de roue arrière, l’utilisateur ou l’utilisatrice peut encore maîtriser son vélo. En revanche, un blocage de la roue avant s’avère généralement plus délicat à contrôler. Dans le cas de Bosch, l’ABS installé se situe au niveau de la roue avant. L’idée : qu’importe l’intensité de freinage, la roue ne se bloquera pas.
Sur le papier, la promesse est belle. En pratique : elle est totalement tenue. Sur sol humide, feuilles détrempées, gadoue, gravier ou herbe, le dispositif parvient à réguler le freinage avant pour apporter un temps d’arrêt court, une sécurité accrue (1/3 des accidents en VAE pourraient être évités s’ils étaient équipés d’un ABS, selon une étude de Bosch menée en Allemagne) et une dimension encore plus fun à l’expérience.
De quoi est composé un ABS pour vélo électrique ?
Dans le cas de Bosch, son système dernière génération (2022) a tout d’abord été optimisé : taille réduite de 77 % par rapport à la version précédente, pour un gain de poids de 55 %. Ensuite, le système se décline en plusieurs entités : une unité de contrôle fixée sur la fourche avant et des capteurs de vitesse sur les deux roues.
L’ensemble fonctionne de concert pour apporter la meilleure coordination possible lors d’une phase de freinage urgente. Enfin, l’écran placé sur le guidon joue un rôle plus passif : il affiche des informations sur le comportement du vélo, comme la distance de freinage lorsque l’ABS est activé.
De quelle manière l’ABS Bosch agit-il sur la roue avant et le freinage ?
Le système ABS de Bosch s’appuie donc à la fois sur des capteurs qui calculent en permanence la vitesse de rotation des deux roues, ainsi que l’unité de contrôle ABS Bosch eBike, considéré comme le cerveau du dispositif. Il est par ailleurs alimenté par la batterie du vélo électrique. Si l’accumulateur est à sec, les éléments de sécurité – dont l’ABS – continueront néanmoins de fonctionner durant durant un court laps de temps (mais pas de manière illimitée).
Comment fonctionne un capteur ABS ?
Les capteurs situés au niveau des roues ont pour rôle de mesurer la vitesse de rotation des roues et le différentiel de vitesse de rotation entre la roue avant et la roue arrière. Ainsi, lorsqu’il détecte un freinage – dans ce cas, la vitesse de rotation des roues diminue –, un système de régulation entre en jeu lorsqu’un différentiel est détecté. Ainsi, cela adapte automatiquement la fameuse force de freinage.
En fait, si le capteur détecte que la roue avant tourne moins vite que la roue arrière – dans ce cas, cela veut dire qu’elle se bloque -, alors l’ABS intervient sur le système hydraulique du frein avant : soit il le limite, soit il le libère, pour ainsi mieux réguler la pression hydraulique dudit freinage. Et tout ça de manière automatique. La pression reste par ailleurs suffisamment forte pour maintenir une qualité de freinage digne de ce nom.
Plus précisément, le processus consiste à ouvrir ou fermer à plusieurs reprises une vanne située entre la durite et l’étrier du frein. C’est cette vanne qui gère le flux hydraulique. Elle est par ailleurs reliée au cerveau électronique du système, la fameuse unité de contrôle qui chapeaute l’ensemble de cette danse.
Aussi, la vanne régule le tout en un temps particulièrement court. Si court qu’aucune impression d’à-coups – cela nous a impressionné pendant notre essai – ne se fait ressentir. Le temps de réaction entre le moment où le système perçoit le blocage et celui où la vanne s’ouvre est de 2 ms.
Conséquences : la roue avant ne se bloque pas malgré un freinage puissant. La stabilité et la manœuvrabilité du vélo sont ainsi garanties.
Combien de fois par seconde le système analyse la vitesse de la roue ?
Ici, il n’est pas vraiment question de seconde, mais de fréquence. Le capteur de vitesse présent au niveau de la roue avant va en fait s’appuyer sur un disque placé de manière parallèle au disque de frein. Sur ce disque complémentaire, une série de petits trous à intervalle régulier a été faite.
Le capteur calcule ainsi la fréquence à laquelle ces petits trous défilent. Plus les roues tournent vite, plus les calculs sont réguliers, car plus l’espace entre chaque petit trou recensé défile plus rapidement aux yeux du capteur.
En revanche, le système arrête son décompte à basse vitesse : en dessous de 6 km/h, aucune régulation ABS n’est effectuée, tout du moins dans le cas de Bosch. Ici, on considère que l’allure est trop faible pour apporter une régulation pertinente.
Et la roue arrière, dans tout ça ?
La roue arrière n’est pas pour autant oubliée, même si elle n’est pas logée à la même enseigne que la roue avant. Soyons clairs d’emblée : le système ABS de Bosch régule uniquement le freinage de la roue avant. En revanche, il va pouvoir réguler le décollement de la roue arrière dans des situations exceptionnelles.
Sur un sol à forte adhérence par exemple, un freinage avant très puissant peut entraîner le fameux phénomène du « soleil », décrit ci-dessus. L’ABS est ici en mesure de comprendre ce phénomène physique et de relâcher légèrement la pression du frein avant, pour que le cycle bénéficie d’une petite impulsion, et ainsi se remettre dans le droit chemin.
Un seul ABS, mais plusieurs modes selon les usages
Car un ABS peut être gérée de manière électronique, plusieurs modes sont disponibles selon le vélo électrique et l’usage que vous en avez. Au total, quatre modes ont été développés :
- L’ABS Touring : pour les vélos électriques de ville ;
- L’ABS Cargo : pour les vélos cargo électriques ;
- L’ABS Allroad : pour les VTC électriques et certains VTT électriques pour une pratique plus légère ;
- L’ABS Trail : pour les VTT électriques.
Chaque mode adopte des aptitudes différentes, excepté les Touring et Cargo qui proposent une régulation similaire. Ce binôme met par exemple l’accent sur la stabilité des roues durant le freinage et la régulation du décollement de la roue arrière.
Avec un longtail, transporter des enfants est monnaie courante : il convient donc d’installer un mode adapté à ce véhicule, qui doit particulièrement assurer la sécurité des passagers arrière. D’autant plus qu’un vélo cargo, de par son poids, développe une inertie plus importante : pour Bosch, se concentrer sur la stabilité de la roue avant était donc important.
A contrario, un VTTAE équipé du mode ABS Trail va bénéficier d’une meilleure réactivité au niveau du frein, d’une réduction de la vitesse accrue et d’une adaptation optimale à la nature du sol. Il convient aux cyclistes au guidon de ces engins d’être réactif et dynamique, afin d’exécuter des manœuvres plus complexes et sportives.
En revanche, la stabilité des roues et la régulation du décollement de la roue arrière sont plus en retrait sur le mode ABS Trail. Ici, on considère que le VTTiste s’appuiera davantage sur ses skills et la position de son corps pour maîtriser ces éléments.
Enfin, l’ABS Allroad semble le plus équilibré des quatre, avec un léger accent mis sur le décollement de la roue arrière. Un VTC électrique peut aussi bien emprunter des pistes cyclables en ville que des petits chemins et autres parcours de difficultés moyennes : il lui convient d’être bon dans tous les domaines.
Concernant l’ABS de Bosch, chaque mode est choisi préalablement par le fabricant selon le type de VAE : il est donc impossible de sélectionner le mode Trail sur un VAE de ville si ledit mode n’est pas disponible de série. En revanche, l’ABS Allroad et Trail peuvent très bien cohabiter en fonction du cycle et de ses aptitudes prédéfinies.
Comment chaque mode est préalablement pensé pour agir différemment ?
Pour chaque mode proposé, Bosch a intégré des paramètres spécifiques dans le système afin de les faire correspondre aux aptitudes et compétences attendues. Ensuite, l’ensemble des capteurs installés ajuste le tout selon les fameux paramètres établis. Au fond, cela ne veut pas dire que la qualité de freinage sera meilleure ou moins bonne avec tel ou tel mode : la finalité reste la même, puisque les équipements sont les mêmes.
Mais ici, un mode sera par exemple capable d’activer plus tardivement la régulation hydraulique du flux, ce qui entraînera un comportement légèrement différent par rapport à un autre où la régulation est effectuée plus tôt.
Pour le mode Trail par exemple, utilisé pour des VTT électriques, l’idée est d’apporter une bonne réactivité du frein et un freinage puissant pour réduire sa vitesse. Dans ce cas, la fameuse vanne aura tendance à se fermer plus tard, pour laisser le liquide faire pression sur les étriers et les disques. Ce faisant, l’ABS aura tendance à se déclencher un poil plus tard, mais le freinage sera tout particulièrement mordant dès le départ.
Pourquoi un ABS sur la roue avant ?
Une question légitime se pose : pourquoi développer un ABS pour la roue avant, et non la roue arrière. C’est simple : le frein avant est jugé comme plus efficace que le frein arrière, car généralement plus puissant. Aussi, le poids du corps et du vélo sont transférés vers l’avant lors d’une phase de freinage. Dans ce cas, le pneu avant est plus chargé et peut donc assumer un freinage plus brutal.
Cela fait donc partie des raisons pour lesquelles l’ABS pour vélo électrique est destiné à une roue, et pas à l’autre. Installer un tel système peut donc pousser les utilisateurs et utilisatrices à se tourner plus souvent vers le frein avant, sans crainte, afin d’en extraire les meilleures performances de freinage.
Dans tous les cas, il est fortement conseillé de ralentir avec les deux freins en simultané, qui sont conçus pour fonctionner de concert. Modulez ensuite la pression sur les manettes de frein selon l’urgence de la situation.
De la moto au vélo électrique
Pour concevoir sa première génération d’ABS pour vélo électrique, Bosch s’est tout bonnement appuyé sur le plus petit module d’ABS dédié à la moto. Pourquoi ? Car l’effort technique était plus simple et qu’un changement de design de frein faisait l’affaire pour boucler le projet.
Pour cette seconde génération d’ABS, la marque allemande est repartie de zéro pour concevoir un système 100 % pensé pour le vélo. Les challenges surmontés pour ce système ont été aussi grands que ceux rencontrés sur les motos ou les voitures.
Il a fallu à la fois optimiser l’intégration du dispositif, mais aussi diminuer le poids : c’est techniquement plus complexe et financièrement plus onéreux. Aujourd’hui, l’ABS de la firme d’outre-Rhin est compatible avec certains modèles de freins Magura ou Tektro/TRP.
Pour aller plus loin
Vélos électriques : quelles différences entre capteurs de rotation et de couple ?
À l’avenir, d’autres marques de freins devraient être compatibles avec l’ABS de Bosch, bien que la tâche ne soit pas forcément aisée : il faut en effet effectuer une série de modifications importantes, tant sur la puissance de l’étrier, le flux hydraulique, le volume de liquide ou encore la longueur du levier.
Faut-il aussi savoir qu’un ABS à un coût relativement élevé de par sa conception et sa valeur ajoutée : il faut compter entre 400 et 500 euros dans le prix global du vélo, tout du moins pour celui de Bosch. Un tel système fait indubitablement grossir le prix final d’un vélo électrique. Autrement dit : tous les modèles du marché n’y auront probablement pas droit si l’on souhaite conserver une offre entrée de gamme abordable.
En revanche, nous ne sommes qu’au début de l’ère ABS pour les vélos à assistance électrique. Avec les années, ce système pourrait entrer dans une belle phase de démocratisation, avec l’arrivée de nouvelles technologies et des baisses de prix à venir grâce à de plus gros volumes. L’avenir nous le dira.
Pour aller plus loin
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