On est montés à bord de la Togg T10X, une voiture électrique qui n’en est pas une mais qui arrive en France

Un « smart device » sous Android

 

Lors du CES 2024, Togg, le nouveau constructeur de voitures électriques basé en Turquie a dévoilé la berline T10F sous forme de prototype. L’intérieur est très similaire à la déclinaison SUV, le T10X, déjà commercialisé. Nous sommes montés à bord de cette dernière et avons été bluffés par le système d’infotainement sous Android. Entièrement créé d’une page blanche par Togg, il n’est toutefois pas dénué de tous défauts.

Togg T10F
Togg T10F

Lancer une nouvelle marque de voitures électriques est un sacré challenge. On a pu le voir avec Fisker et sa Ocean dont les premiers acheteurs essuient quelques plâtres. VinFast a également du mal à faire monter en régime sa production et à proposer un rapport qualité/prix aussi bon que les principaux acteurs du marché. Et alors, qu’en est-il de Togg ?

Togg T10F
Togg T10F

Ce nouveau constructeur automobile turc vend depuis 2023 une voiture entièrement électrique, qui prend la forme d’un SUV. La Togg T10X. Lors du CES 2024, nous avons pu approcher sa nouvelle sœur, la T10F au format berline. Pour le moment, cette dernière est encore à l’état de prototype et nous n’avons donc pas pu rentrer dedans. Mais, la bonne nouvelle, c’est que Togg avait également amené sur le stand le fameux SUV T10X fonctionnel.

Nous avons eu le droit à une démonstration qui nous empêchait de contrôler l’intégralité des fonctions de la voiture. Mais nous avons pu échanger avec un journaliste turc qui a pu essayer la voiture en octobre 2023 pour en savoir un peu plus.

Une voiture électrique sous Android… pas Automotive

Avant d’entrer dans les détails, il faut savoir que Togg a entièrement développé, depuis une page blanche, la partie infodivertissement de ses voitures. Une information qui nous a clairement fait peur. On a directement pensé à Fisker avec son OS lent, peu réactif et au design brut.

Mais Togg a eu la bonne idée de s’associer à des entreprises spécialisées dans le secteur, en prenant des parts au sein de celles-ci, notamment avec Tilde Sound Art pour le design et la technique. Mais aussi des entreprises spécialisées dans les jeux vidéo pour intégrer, à l’avenir, des créations vidéoludiques, comme sur une Tesla par exemple.

Et cela semble avoir été une bonne idée. Nous avons pu discuter avec un ingénieur en charge de l’infotainment qui nous a précisé que la base technique est Android. Mais attention, ce n’est pas Android ou Google Automotive mais AOSP (Android Open Source Project). Comprenez par là que Togg a pris la base gratuite et open-source de Google, sans aucun service (on ne trouve pas Google Maps ni le Play Store par exemple) ni d’API pour faciliter la vie des développeurs.

Un choix très étrange, qui se traduit dans les faits par l’absence de compatibilité avec Android Auto et Apple CarPlay, ce qui aurait permis d’accéder facilement à toutes les applications compatibles d’un smartphone. À la place, vous avez affaire à un magasin d’applications propre à la marque.

À la question de savoir s’il était facile de porter une application Android Automotive vers l’OS maison de Togg, la réponse a été négative. Une raison de plus de douter du choix de Togg, qui va devoir séduire les développeurs, pour qu’ils fassent l’effort de proposer leur application sur les voitures Togg.

Utiliser Android Automotive aurait permis à Togg de se simplifier drastiquement la tâche, puisqu’en quelques clics, le constructeur aurait pu proposer le Play Store et ses nombreuses applications. La marque turque a préféré faire bande à part pour pouvoir proposer une expérience unique, adaptée au triple écran (sur une immense dalle de 29 pouces) et optimisée, pour, nous dit-on, éviter tout ralentissement.

Un système graphiquement aboutit, qui laisse sur la faim

Et il est vrai que ça en jette. Il est possible d’afficher, sur l’écran central de la voiture, trois applications différentes côte à côte. Par exemple, la navigation GPS, la musique et les informations sur la voiture. On trouve aussi bien sûr un combiné d’instrumentations de 12 pouces derrière l’écran. Ah, et un troisième écran prend place sous l’écran central, au niveau du sélecteur de vitesses. Son rôle ? Naviguer dans les menus.

Pour le moment, l’ensemble tourne avec une puce QNX de BlackBerry. C’est assez fluide, mais la navigation du petit écran semble parfois à la peine. L’ingénieur avec qui nous avons discuté nous l’a confirmé, et espère que l’arrivée des puces Snapdragon de Qualcomm sur la berline T10F résoudra ce problème.

À l’arrêt, l’immense écran peut vous proposer une expérience digne, en partie, d’une salle de cinéma. Si l’écran est très long, il n’est pas très haut. C’est un choix finalement assez peu adapté aux projections de série en 16/9, et encore moins de films au format cinémascope.

Sur les côtés, on compte deux autres écrans. Ils servent à projeter l’image des rétroviseurs caméra qui se trouvent de part et d’autre de l’automobile. Togg n’est pas allé jusqu’au bout (comme le fait Fisker ou Renault) en proposant un rétroviseur caméra central. Dommage pour une marque qui ne veut pas qu’on parle de « voiture » mais « d’appareil intelligent » (smart device).

Vous pensez que l’IA (intelligence artificielle) est un mot à la mode pour donner envie à des produits qui ont peu de valeur ajoutée ? Nous aussi, et Togg en fait un usage plus ou moins modéré pour ses voitures. Il est question de radio IA et de caméra IA. L’idée derrière tout ça ? Proposer des stations de radio « fictives » qui diffusent des sons créés par IA. Pour la caméra, il s’agit d’utiliser le capteur type « selfie » logé dans le rétro central pour créer un genre d’œuvre d’art au résultat qui prête au débat comme vous pouvez le voir ci-dessous.

Togg va-t-il percer ?

La grande question est maintenant de savoir si Togg réussira son objectif : prouver que ses voitures sont plus que des voitures, et mieux que la concurrence en termes d’infotainment, des dires du patron turc. La tâche est quand même rude, avec Google Automotive, et l’arrivée prochaine de la nouvelle version d’Apple CarPlay.

On espère aussi que la fiche technique de la berline Togg T10F sera revue à la hausse avant sa commercialisation en 2025. Car comme nous l’avons vu dans l’actualité d’annonce, même en 2024, certaines données comme l’autonomie, la recharge rapide ou la consommation laissent à désirer. Ce qui est aussi le cas avec son SUV actuellement commercialisé, dont l’autonomie varie, sur le cycle d’homologation mixte WLTP entre 314 et 523 km.

Alors oui, l’autonomie n’est pas forcément le critère numéro 1 d’une voiture électrique maintenant que le réseau de recharge européen est bien étoffé. Mais il faut alors pouvoir compter sur une recharge ultra-rapide. Et avec un 20 à 80 % réalisé en 28 minutes, on peut facilement être déçu et y voir là une plateforme déjà dépassée.

Il faudra aussi attendre de connaître les prix en euros de ces deux nouvelles voitures électriques avant de donner un avis sur leur sort probable. Mais entre les constructeurs allemands, français, chinois et américains, Togg devra frapper fort pour se faire une place sur le marché européen. Un marché qui ne sera pas aussi bienveillant qu’en Turquie, forcément un peu patriote avec son constructeur national comme le prouvent les 177 000 précommandes cumulées en 12 jours pour le SUV T10X.

Un chiffre qui laisse toutefois pantois, surtout lorsqu’on sait que les précommandes réclamaient un acompte de l’équivalent d’environ 2 000 euros. Et que Citroën saute de joie avec 10 000 réservations de sa ë-C3 électrique abordable en Europe en deux mois. Où est le loup ?


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