Comment j’ai dégooglisé ma vie — Épisode 2 : à quoi ça ressemble une vie sans Google et pourquoi se lancer ?

 
Quitter les services des géants du net nécessite souvent de faire quelques compromis, de changer ses habitudes et parfois même de repenser son rapport au numérique. Mais c’est aussi un acte libérateur pour peu qu’on l’aborde avec le bon état d’esprit. Voici les belles surprises et les déconvenues que j’ai rencontrées dans mon parcours d’émancipation numérique.
Crédit : David RevoyLet’s leave planet GAFAM NATU BATX ») – Wikimedia Commons – CC BY 4.0

Dans le premier épisode de cette série, nous faisions l’annuaire des solutions alternatives aux services Google et plus globalement à ceux des géants du web. Mais « dégoogler », comme on dit, ne consiste pas à remplacer simplement une application par une autre. C’est un processus actif dans lequel il faut s’impliquer, quitte à en accepter parfois les déboires.

Pour aller plus loin
Comment j’ai dégooglisé ma vie — Épisode 1 : les applications et les outils indispensables

En guise de deuxième épisode, nous parlerons donc plus de la philosophie, de ce que ça implique, des raisons qui peuvent justifier de s’embarquer dans cette aventure et des guides que l’on peut trouver en chemin pour nous aider dans cette longue quête.

Pourquoi se passer de Google ?

Il existe probablement autant de raisons de chercher son indépendance numérique qu’il existe d’internautes sur la planète. Néanmoins, il est possible d’identifier quelques-unes des grandes tendances qui justifient de se lancer dans cette expédition.

La vie privée

Probablement une des raisons les plus répandues, la protection de sa vie privée est un des arguments majeurs pour se détacher de certains géants comme Google. À tel point que même Apple s’en est emparé pour faire sa propre pub.

Que ce soit les révélations d’Edward Snowden il y a 10 ans, les craintes pour ses données personnelles soulevées par le scandale Cambridge Analytica quelques années après ou l’envie d’échapper aux grandes IA avides de données d’aujourd’hui, matériellement, les raisons ne manquent pas.

Crédit : Cnil

Et à l’argument éculé qui consiste à dire que, si l’on n’a rien à cacher, on n’a rien à craindre, il est facile d’y opposer une réflexion sur l’importance de garder un espace privé en ligne (après tout, on ne vit pas non plus dans des maisons tout en verre) ou sur les risques d’un dénuement total face à des gouvernements possiblement autoritaires. « Qu’on me donne 6 lignes écrites de la main du plus honnête homme, j’y trouverai de quoi le faire pendre », déclarait, de manière totalement apocryphe, le cardinal Richelieu.

L’envie de faire jouer la concurrence

Il existe aussi une raison moins évidemment politique de chercher au-delà des services des géants du web : celle de faire jouer la concurrence. Même les plus ardents défenseurs du modèle capitaliste voient dans la concurrence une bonne chose. Face à des entreprises qui sont aujourd’hui régulièrement accusées (et condamnées) de comportement anticoncurrentiel sur leur propre territoire, l’envie d’aller voir ailleurs peut se faire sentir.

Surtout que les solutions offertes par les géants du web ne sont pas forcément les meilleures. Elles sont certes pratiques, car intégrées à un écosystème confortable, mais le web regorge d’outils très bien pensés pour peu que l’on cherche un peu.

Le désaccord politique

À mi-chemin entre les deux raisons évoquées plus haut, cette raison tient plus à ses convictions personnelles. Dans mon cas, par exemple, le virage conservateur pris par les pontes de la Silicon Valley m’empêche de profiter sans remords des services offerts par ses entreprises.

Dans un monde où la plupart des services web sont gratuits, voter avec son portefeuille peut paraître contre-intuitif, mais cela reste un moyen valable de montrer son désaccord avec un certain modèle dominant.

La philosophie du « dégooglage »

Si vous vous êtes lancé dans un parcours de désalignement par rapport aux services des géants du web, il est important de garder quelques idées et quelques grands principes en tête.

Un marathon plus qu’un sprint

Se défaire de l’emprise des géants de la tech sur sa vie numérique n’est pas une mince affaire et ne se fait pas en un claquement de doigts. N’essayez donc pas du jour au lendemain de bousculer toutes vos habitudes et de dire adieu à tous vos services Google. C’est le meilleur moyen de tout laisser tomber en 3 semaines.

Pour aller plus loin
Voici la solution française publique pour vous faire oublier Google Docs, Gmail et Meet

Allez-y progressivement. Remplacez les services les uns après les autres, après vous être bien assuré que les alternatives choisies vous conviennent. Accordez-vous des pauses et trouvez l’équilibre qui vous convient le mieux. Le dégooglage est un marathon plus qu’un sprint et chaque petite donnée qui ne part pas sur des serveurs californiens a déjà un petit goût de victoire.

Repenser ses usages

On touche ici sans doute au conseil le plus important de tout le principe de dégooglage : celui d’accepter de remettre en question ses usages. Lorsqu’on a été conditionné à une certaine manière de faire pendant des années, il n’est pas facile de bouleverser son quotidien. Que ce soit simplement dans l’acclimatation à certaines nouvelles interfaces logicielles ou plus symboliquement dans son rapport pécunier au web.

La page de résultat Kagi diffère un peu de celle de Google. Une affaire d’habitude // Crédit : Frandroid

En effet, bon nombre des alternatives listées dans l’épisode précédent de cette série requièrent de payer quelques deniers pour en tirer pleinement parti. Face à des géants qui ont quasiment toujours offert leur service gratuitement, cela peut être difficile à avaler. Cependant, c’est le prix pour protéger ses données personnelles ou pour avoir des outils de qualité. Des services comme Kagi ou Proton Mail le prouvent.

Malheureusement, cela signifie aussi que ces démarches sont plus complexes à entamer pour les plus précaires, mais c’est un débat autrement plus complexe.

Accepter que ce soit parfois moins bien

S’il existe pléthore d’outils pour remplacer ceux des GAFAM, il faut bien avouer que tous ne sont pas aussi efficaces ou intuitifs que ceux qui dominent le marché aujourd’hui. Les milliards investis dans l’expérience utilisateur ou la disponibilité des services sont parfois difficiles à égaler. Dégoogler c’est donc parfois accepter des applis qui moulinent, des interfaces moins léchées ou des services qui plantent parfois.

Le magasin d’application Aurora Store est, par exemple, plus instable que le Google Play Store. Mais cela lui donne presque un certain charme, celui d’un service bricolé, un peu rebelle, loin des machines de guerre que sont les serveurs des GAFAM. On pourrait même arguer que cela redonne une certaine matérialité au numérique, loin de l’image magique et éthérée que nous vendent les géants du web. Une démarche quasi écologique finalement.

Les outils de la dégooglisation

Si les services listés dans l’article précédent ne vous conviennent pas, aucun souci. Ils sont le fruit d’un parcours personnel qui favorise certains aspects et certaines problématiques numériques plutôt que d’autres (avec notamment un tropisme axé sur le logiciel libre). Il existe heureusement de nombreuses ressources pour vous aider dans votre parcours de dégooglage.

Framasoft

Association française de promotion du logiciel libre, Framasoft met à disposition une plateforme particulièrement bien faite pour celles et ceux qui veulent découvrir des alternatives aux services de Google et des GAFAM en général.

Sobrement nommé « Dégooglisons-Internet », le service met à disposition tout un tas de service concurrent à ceux des géants du web. La plupart sont hébergés directement sur les serveurs de l’association pour en faciliter l’accès.

L’outil « Dégooglisons Internet » de Framasoft // Crédit : Framasoft

Il est aussi possible d’aller jeter un œil du côté des CHATONS (un acronyme signifiant « Collectif des Hébergeurs Alternatifs, Transparents, Ouverts, Neutres et Solidaires ») pour trouver d’autres associations ou entreprise proposant le même genre de service.

Alternative to

Très souvent croisé en haut de mes résultats Kagi lors de mon parcours de dégooglisation, le site Alternative-to est un immense moteur de recherche listant des centaines d’alternatives pour chacun des outils offerts par les GAFAM.

Très bien pensé, le site vous permet de filtrer les solutions vous correspondant le plus avec un astucieux système de filtre. Ainsi, vous pouvez trouver la solution qui est le plus adaptée pour vous, que ce soit en raison de l’OS que vous utilisez ou de votre volonté de vous tourner vers des logiciels libres, par exemple.

European Alternatives to

Devenu populaire après l’élection de Donald Trump, le site European Alternatives liste, comme son nom l’indique, tout un tas de services européen qui peut remplacer ceux des géants américains.

Utile pour celles et ceux qui veulent faire vibrer leur fibre europatriotique en ces temps de guerre économique.

Le site European-Alternatives // Crédit : Constantin Graf

Reddit

Mondialement connue, la plateforme Reddit regorge de forums dédiés à la dégooglisation et aux alternatives libres et respectueuses des données personnelles. On peut citer par exemple r/degoogle qui rassemble quasiment 300 000 membres ou encore r/Privacy et r/fossdroid. Pratique pour découvrir des services que l’on ne voit pas forcément ailleurs.

Ces communautés sont aussi à l’origine du site Privacy Guides qui regroupe de nombreuses solutions pensées pour améliorer la protection des données personnelles.


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