« Savoir ce qui est légal et ce qui n’est pas légal » : on a parlé IA avec le patron du plus grand salon tech

 

Pour nous préparer doucement, mais sûrement, au CES 2024 qui approche, nous avons discuté d'intelligence artificielle avec le patron du salon de Las Vegas. Ce dernier souhaite des législations dans le domaine, mais en trouvant le bon équilibre pour ne pas gêner l'innovation.

Une image générée par Midjourney avec un prompt demandant une illustration d’intelligence artificielle // Source : Frandroid

Il ne vous aura sans doute pas échappé que l’intelligence artificielle générationnelle a le vent en poupe depuis 2022. De ChatGPT à Google Bard en passant par Midjourney et Bing Creator, la notion d’IA est sur toutes les lèvres. Évidemment, dans la continuité, l’année 2024 devrait connaître le même engouement.

Or, pour le secteur des nouvelles technologies, chaque année débute avec un événement majeur : le salon du CES qui réunit des milliers de personnes et qui donne le ton pour les tendances importantes à venir en matière d’innovations. Ainsi, l’IA a été un sujet central lors de notre discussion avec Gary Shapiro, le président de la Consumer Technology Association (CTA) qui organise le salon américain.

Un CES 2024 sous le signe de l’IA

Gary Shapiro était présent à Paris, fin septembre, pour participer au FDDay 2023, un large événement dédié aux startups. Attention spoilers : l’IA sera a priori omniprésente au CES 2024.

Permettons-nous de resituer un peu le personnage. Gary Shapiro est le patron du CES depuis 1982. Cela fait donc plus de 40 ans qu’il occupe une place de choix pour observer les évolutions du salon. Toutefois, le dirigeant s’est aussi construit une solide réputation de lobbyiste dans le monde de la Tech, intervenant encore récemment auprès des Nations unies et rencontrant plusieurs chefs d’État. En 2021, le président Emmanuel Macron l’a d’ailleurs nommé chevalier de la Légion d’honneur.

Gary Shapiro // Source : CTA

À l’approche du CES 2024, le dirigeant avait donc forcément deux ou trois choses à dire sur l’intelligence artificielle.

Législation et innovation

« En janvier dernier, déjà, on commençait à parler d’IA générative », avance-t-il. « Mais c’était encore tôt. On ne se rendait pas compte de la vitesse à laquelle ça allait être adopté ». Cela va sans dire, mais Gary Shapiro le confirme à toutes fins utiles : « il est assez clair que l’intelligence artificielle sera l’un des thèmes dominants du CES 2024 ».

Il indique par ailleurs que, d’après un sondage réalisé par ses équipes auprès de journalistes français, sur une liste de cinquante sujets, l’IA est celui qui suscite le plus d’intérêt. Or, on l’a dit, le CES donne le ton pour les innovations et les tendances à venir. Autrement dit, si vous avez l’impression que le sujet des intelligences artificielles est déjà très présent dans l’actualité, ce ressenti devrait s’intensifier dans les prochains mois et années.

Une image générée par Midjourney après lui avoir demandé d’illustrer une IA participant à un salon Tech // Source : Frandroid

Très bien. Cela dit, un cadre légal bien défini s’impose. On l’a vu, les intelligences artificielles peuvent générer des informations erronées et des images fausses pouvant induire en erreur. Se pose aussi tout un tas de questions liées au monde du travail : l’IA peut-elle remplacer certains emplois ? Quid des contenus potentiellement choquants — voire illégaux — que ces outils pourraient exposer aux internautes, notamment aux personnes mineures ? Quelles modérations peut-on et doit-on appliquer ?

Autant de questions éminemment éthiques entrent en jeu dès lors que l’on s’intéresse à l’IA puisque celle-ci promet de tout chambouler. « En tant que représentant l’industrie de la Tech aux États-Unis, je pense que notre position n’est pas de s’opposer à la législation d’un gouvernement », explique Gary Shapiro.

« On en a besoin pour savoir ce qui est légal et ce qui n’est pas légal, afin que les garde-fous soient en place ». Entre les lignes, on peut donc comprendre que, aux yeux de Gary Shapiro et contrairement à ce que l’on peut parfois entendre du côté de certaines entreprises, le fait que l’État mette le nez dedans n’est pas un frein à l’innovation. Il insiste toutefois sur l’importance de trouver un bon équilibre.

Ne pas réserver l’IA aux grosses entreprises

« Ce qui me préoccupe, c’est que si l’on se précipite et que l’on établit des règles générales qui s’appliquent à tout, on risque d’étouffer des innovations majeures », confie Gary Shapiro.

Je pense donc que nous avons besoin de la coopération des pouvoirs publics et de trouver l’équilibre entre la possibilité d’innover et la nécessité de ne pas réserver l’IA aux plus grandes entreprises qui peuvent se permettre de répondre à toutes les exigences des pouvoirs publics. Il faut également permettre aux startups de se lancer, car l’IA permettra de créer de nouvelles entreprises.

Un discours assez logique pour le patron du salon Tech le plus important au monde. Au CES 2024, comme aux éditions précédentes, le nombre de startups cherchant à se faire connaître sera forcément gigantesque. Notre interlocuteur a tout intérêt à leur montrer son soutien. « Nous sommes une plateforme qui permet aux innovateurs de rencontrer des investisseurs et des journalistes, des partenaires potentiels, des distributeurs », indique-t-il d’ailleurs.

Il va ainsi jusqu’à affirmer qu’une volonté trop zélée de réguler l’intelligence artificielle par conservatisme est « une recette pour un désastre économique ».

Innover pour tout régler ?

Cette conversation avec Gary Shapiro permet de mettre le doigt sur une épineuse question qui n’a pas fini de faire débat : l’innovation technologique est-elle forcément une réponse à tous les soucis ? Le patron du CES, avec plusieurs nuances évidemment, aura tendance à vous répondre que oui.

Il estime, par exemple, que l’IA peut apporter beaucoup dans le domaine médical et pallier le manque de personnel dans les hôpitaux. Il tient le même genre de discours sur les améliorations que permettrait l’intelligence artificielle, sur les initiatives visant à réduire l’impact environnemental des entreprises ou de certains secteurs d’activités.

Deux IA, représentées par des robots, s’affrontent // Source : Image créée par Frandroid avec Midjourney

Beaucoup d’optimisme donc que d’aucuns ne partageront pas, notamment au sujet de l’intelligence artificielle qui suscite des craintes légitimes auprès de certains travailleurs et travailleuses. En témoignent les manifestations des scénaristes à Hollywood où, entre autres revendications professionnelles, la menace de l’IA sur la préservation de certains emplois était un enjeu important.

Gary Shapiro et le CES 2024 auront à cœur de montrer ce que les nouvelles technologies et l’IA peuvent apporter pour améliorer les conditions de vie et de travail. On espère y découvrir pléthores de solutions pertinentes.


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