Photo : le mode pro de votre smartphone est-il vraiment meilleur que le mode auto ?

Les pros et les contres du mode Manuel

 
Sur les appareils photo numériques, le mode manuel permet davantage de liberté pour les photographes. Mais en est-il de même sur smartphone et que valent ces mode « pro » comparés à ce que proposent aujourd’hui les modes automatiques ?
Le mode « Photo Pro » du Sony Xperia 1 II
Le mode « Photo Pro » du Sony Xperia 1 II // source : Frandroid

Sur les appareils photo, on a souvent le choix entre plusieurs modes de prise de vue. On a par exemple un mode automatique, un mode manuel et ce qu’on appelle des modes priorité entre les deux, pour garder un paramètre en manuel, et les autres en automatique. Une fonction bien pratique pour choisir de conserver une grande ouverture — afin de réaliser des portraits — tout en laissant le soin à l’appareil de gérer les autres paramètres d’exposition.

Sur smartphone, les constructeurs ont rapidement pris le parti de proposer par défaut des modes automatiques. Mais peu à peu, on a vu apparaître des modes baptisés « Pro » ou « Manuel » pour permettre aux utilisateurs de vraiment définir par eux même les paramètres de prise de vue. Souvent plébiscités par les amateurs de photographie, ces modes ont néanmoins quelques défauts, puisqu’ils ne reposent finalement qu’assez peu sur l’ensemble des algorithmes des smartphones pour capturer la photo idéale.

Afin d’évaluer les différences entre le mode Pro et le mode Manuel, j’ai donc utilisé deux smartphones, le Samsung Galaxy S20 Ultra et le Sony Xperia 1 II. Un choix qui se justifie par le tarif identique, malgré le positionnement diamétralement opposé des deux téléphones en matière de photo : là où le Galaxy S20 Ultra joue la carte de la simplicité et des différents algorithmes pour la photo, le Sony Xperia 1 II se veut bien plus traditionnel et mise sur la photo en manuel, notamment avec son application Photo Pro. Pour chaque appareil, j’ai capturé des photos similaires, d’abord en mode automatique, puis en mode manuel, en reprenant les mêmes paramètres d’exposition (si possible) que le mode auto. J’ai également capturé le même cliché en fichier RAW sur le Samsung Galaxy S20 Ultra. Notons néanmoins que si ce mode est prévu pour le Sony Xperia 1 II, il commence tout juste à être déployé et je n’ai donc pas pu en profiter.

L’édito en vidéo

Les photos à contre-jour

L’un des principaux avantages de la photographie sur smartphone est la gestion du HDR. Il faut dire que contrairement à un appareil photo traditionnel, un smartphone ne se contente pas de capturer un seul cliché, mais va en prendre plusieurs pour composer l’image finale. C’est ce qu’on qualifie généralement de photographie computationnelle et c’est utilisé dans plein de contextes différents, que ce soit pour les photos de nuit, pour le zoom ou pour le HDR.

Dans le cadre du HDR, le mode automatique des smartphones va ainsi pouvoir le gérer directement en mode automatique. Ce n’est malheureusement pas possible en mode pro ou manuel.

Photos du Samsung Galaxy S20 Ultra (mode automatique à gauche, mode manuel à droite) :

Mode automatique (1/350s, 50 ISO)
Mode manuel (1/350s, 50 ISO)

Photos du Sony Xperia 1 II, (mode automatique à gauche, mode manuel à droite) :

Mode automatique (1/1600s, 64 ISO)
Mode manuel (1/800s, 64 ISO)

Dans les deux cas, le constat est le même : le mode automatique va gérer le HDR quand le mode pro n’en est pas capable. C’est plutôt logique, parce que le mode pro ne va capturer qu’un seul cliché. Dès lors, l’exposition ne va se faire qu’avec les paramètres manuels programmés dans l’application photo. La main va donc être raisonnablement éclairée, bien qu’elle soit dans l’ombre, mais le ciel sera quant à lui complètement blanc. On notera cependant que certaines parties des doigts sont surexposées sur la photo en mode automatique et que certaines aberrations chromatiques (les lignes bleues ou violettes) apparaissent autour des bâtiments. Cela n’arrive pas en mode automatique, puisque le smartphone va alors détecter la très forte plage dynamique (l’écart entre la zone la plus lumineuse et la plus sombre) et prendre plusieurs clichés à plusieurs expositions différentes.

En théorie, une solution pour capturer une image en HDR à l’aide du mode pro serait d’enregistrer le fichier au format RAW sur le S20 Ultra. Il s’agit d’un fichier contenant toutes les données de l’image, non compressées, afin de permettre une retouche plus profonde a posteriori à l’aide d’un logiciel dédié. Pour l’image suivante, j’ai donc développé le fichier RAW en essayant au mieux de m’approcher du rendu du mode automatique.

Photo jpg extraite du fichier RAW du Samsung Galaxy S20 (1/350s, 50 ISO)

Comme on le voit, si j’ai pu récupérer la balance des blancs grâce au fichier RAW, ce n’était pas le cas du ciel bleu. Cela s’explique par le fait que le ciel était bien trop lumineux pour pouvoir enregistrer la teinte qui a été comprise comme étant du blanc avec le mode manuel.

La réduction de bruit numérique

Un autre élément sur lequel les smartphones ont su se démarquer en quelques années, notamment sur le segment haut de gamme, est celui des photos en basse lumière, et notamment les photos de nuit. Dans les faits, les photos de nuit chez beaucoup de constructeurs — notamment chez Huawei — reprennent le même principe que le HDR. Il s’agit en effet de prendre plusieurs clichés à différentes expositions pour atténuer les éventuelles sources de lumière et déboucher les zones les plus sombres.

La photo de nuit va cependant poser quelques problèmes supplémentaires. C’est le cas de la montée en sensibilité ISO. En effet, plus un capteur va monter en sensibilité, plus il sera sensible au bruit numérique, ces fameux pixels bleu, vert ou rouge qui peuvent apparaître dans les zones les plus sombres. Pour compenser, les smartphones intègrent désormais un système de réduction de ce bruit. Pour ce faire, ils vont enregistrer plusieurs clichés et éliminer ces pixels disgracieux s’ils ne sont pas présents sur les autres photos.

Photos du Samsung Galaxy S20 Ultra (mode automatique à gauche, mode manuel à droite) :

Mode automatique (1/4s, 2000 ISO)
Mode manuel (1/4s, 1600 ISO)

Photos du Sony Xperia 1 II (mode automatique à gauche, mode manuel à droite) :

Mode automatique (1/4s, 2000 ISO)
Mode manuel (1/4s, 2000 ISO)

Dans l’ensemble, on a assez peu de différence dans le traitement du ciel d’une photo à l’autre. On pourra apercevoir un peu plus de bruit numérique sur la photo en mode manuel du Xperia 1 II, mais cela ne vient pas particulièrement choque l’oeil.

Du bruit numérique qui peut être supprimé en RAW

On ne peut en revanche pas en dire de même de la photo telle qu’elle a été capturée en mode RAW par le Samsung Galaxy S20 Ultra :

Ce bruit numérique présent dans le cliché en RAW, mais pas dans l’image JPG qui ressort du mode manuel vient en fait confirmer que la réduction de bruit n’est pas effectuée qu’en mode automatique, mais également avec le mode manuel.

On notera également qu’il est possible de réduire le bruit sur un fichier RAW a posteriori à l’aide d’un logiciel de développement comme Adobe Lightroom.

Fichier RAW issu du mode manuel du Samsung Galaxy S20 (fichier RAW interprété par Lightroom à gauche, fichier RAW développé à droite) :

Fichier RAW interpété par Lightroom
Fichier RAW corrigé dans Lightroom

Le zoom hybride

Depuis quelques années, les constructeurs de smartphones ont développé ce qu’ils qualifient de zoom hybride. Il s’agit généralement de l’utilisation du zoom optique, souvent limité à x2, x3 ou x5, ainsi que du capteur photo principal, doté d’une large définition, pour pousser davantage le zoom sans perte et proposer ainsi un zoom allant parfois jusqu’à x5 ou x10 sans perte.

C’est le cas notamment sur le Samsung Galaxy S20 Ultra. Le smartphone est en effet doté d’un téléobjectif permettant d’opérer un zoom optique x5 par rapport au module principal, ainsi qu’un zoom numérique x100, avec perte de qualité, et un zoom hybride x10 sans perte. Le Sony Xperia 1 II est quant à lui limité à un simple zoom optique x3.

En mode automatique, il est plutôt simple de passer d’un module et d’une focale à une autre sur le smartphone de Samsung. Il suffit pour cela d’appuyer sur l’icône de petit sapin en bas de l’écran puis de sélection « 10x ». En mode manuel, c’est en revanche une autre paire de manches : il vous faudra écarter vos doigts sur l’écran jusqu’à arriver au seuil maximal de x10.

Photos du Samsung Galaxy S20 Ultra (mode automatique à gauche, mode manuel à droite) :

Zoom x10 en mode automatique (f/3,5, 1/50s, 250 ISO)
Zoom x10 en mode manuel (f/1,8, 1/50s, 250 ISO)

C’est flagrant à quel point les différences sont importantes cette fois entre le mode automatique et le mode manuel, mais cela s’explique assez facilement lorsqu’on se penche sur l’ouverture focale utilisée pour chaque cliché. En mode automatique, c’est un objectif ouvrant à f/3,5 qui a été utilisé, soit le téléobjectif x5. En mode manuel, c’est l’objectif principal, ouvrant à f/1,8 qui a été utilisé. Cela explique non seulement la différence de luminosité entre les deux photos, mais également le manque de définition.

Le Samsung Galaxy S20 ne permet ainsi pas de changer d’optique en mode manuel et se contentera de proposer des clichés capturés avec l’objectif grand-angle principal.

Le mode portrait

L’une des principales innovations apportées ces dernières années par la photo sur smartphone concerne le mode portrait. Il s’agit en fait de proposer des clichés avec un visage ou un sujet net, mais un arrière-plan flou. Une manière de simuler, de manière logicielle, les photos prises avec des appareils photo dotés de larges capteurs, ou avec un objectif à grande ouverture focale, malgré la petite taille des capteurs de smartphone.

Puisqu’il s’agit d’un traitement logiciel, le mode portrait ne va pas être aussi bien géré par le mode manuel, qui se charge uniquement de la prise de vue avec les paramètres intégrés, qu’avec le mode automatique — grâce à l’IA ou l’optimiseur de scène — ou le mode portrait dédié.

Photos du Samsung Galaxy S20 Ultra (mode portrait à gauche, mode manuel à droite) :

Mode portrait (1/100s, 160 ISO)
Mode manuel (1/90s, 160 ISO)

Comme on pouvait s’y attendre, le mode manuel ne permet pas de gérer automatiquement le flou d’arrière-plan comme le fait le mode portrait.

Notons néanmoins qu’avec le temps, les constructeurs de smartphones et de capteurs photo proposent désormais des capteurs de plus en plus grands. Sur le Galaxy S20 Ultra, Samsung a par exemple intégré un capteur de 1/1,33 pouce. On se rapproche désormais de la taille des capteurs d’appareils compacts experts comme le Sony RX100.

De quoi laisser imaginer, à l’avenir, un mode portrait qui sera géré automatiquement par les caractéristiques optiques de l’appareil photo, sans besoin de traitement logiciel. On pourra alors profiter de véritables effets bokeh y compris sur le mode manuel.

Le mode cliché nocturne

On a déjà parlé de l’un des deux critères qui permettent de prendre des photos en basse lumière : la sensibilité ISO. Le second n’est autre que la vitesse d’obturation. Plus la prise de photo est lente, plus vous pourrez capturer de lumière. Ça explique notamment pourquoi les modes photo de nuit des smartphones vous demandent de rester immobile pendant 2 à 10 secondes.

Seulement, le mode nuit sur les appareils photo de smartphone va même un peu plus loin, puisqu’en plus de prendre la photo avec une exposition longue, il va également compenser les mouvements. Contrairement à ce qu’on va avoir sur un appareil photo numérique classique, nul besoin de poser le smartphone sur un trépied, la prise de vue peut se faire à bout de bras, le smartphone viendra annuler les tremblements.

Malheureusement, cette compensation de mouvement qui est permise par le mode cliché nocturne ne l’est pas en mode manuel. Pour cet exemple, j’ai utilisé le Samsung Galaxy S20 Ultra, puisque le Sony Xperia 1 II ne dispose pas de mode nuit.

Photos du Samsung Galaxy S20 Ultra (mode nuit à gauche, mode manuel à droite) :

Mode nuit (1/3s, 3200 ISO)
Mode manuel (4s, 1600 ISO)

À titre de comparaison, voici également la photo du Samsung Galaxy S20 Ultra en mode automatique :

En raison des tremblements de la main — que j’ai volontairement accentués pour illustrer le propos — on va constater du flou sur les deux photos capturées en mode manuel et en mode nuit. Cependant, on arrive à un résultat bien différent entre les deux clichés.

En effet, là où la photo prise en mode manuel va être complètement floue, ce n’est pas le cas pour celle prise en mode nuit. Le Galaxy S20 Ultra a en effet compensé certains mouvements et la zone centrale de l’image est bien plus nette. Le flou va être surtout visible sur les bords de l’image, là où le smartphone n’a pas pu viser tout du long en raison des mouvements.

Un mode manuel limité inhérent aux smartphones

Le mode manuel va avoir un intérêt particulier sur les appareils photo, qu’ils soient hybrides, reflex ou compacts. En effet, il va permettre de modifier les trois critères d’exposition de l’appareil : la vitesse d’obturation, la sensibilité ISO et l’ouverture focale.

Sur ces trois paramètres, seulement deux peuvent néanmoins être modifiés sur smartphone : la vitesse d’obturation et la sensibilité. L’ouverture focale est quant à elle fixe sur l’écrasante majorité des smartphones, à l’exception de quelques anciens appareils de Samsung qui proposent une ouverture variable entre deux valeurs. Une fonctionnalité qui a cependant disparu sur les derniers Galaxy S20.

Le module photo du Samsung Galaxy S20 Ultra
Le module photo du Samsung Galaxy S20 Ultra // Source : Frandroid

En l’absence de véritable possibilité de modifier l’ouverture focale d’un smartphone, que ce soit pour l’augmenter ou la diminuer — notamment pour augmenter ou diminuer le flou d’arrière-plan — le mode manuel proposé sur les téléphones est encore aujourd’hui limité.

Il va certes permettre de découvrir les principes de la photographie en s’amusant à modifier tel ou tel paramètre pour voir en quoi il va influer sur la photo. Néanmoins, il n’apportera finalement que peu davantage par rapport au mode automatique des appareils photo.

L’intérêt du smartphone, c’est son instantanéité

Surtout, son utilisation va à l’opposé du principal avantage du smartphone pour la photo : c’est le meilleur appareil photo puisque c’est celui que vous avez toujours avec vous. Il a également l’avantage de proposer des fonctionnalités censées améliorer considérablement l’expérience utilisateur grâce à une flopée d’algorithmes. Contrairement à un appareil photo, la photo sur smartphone ne repose pas que sur un ensemble de caractéristiques d’exposition.

Utiliser le mode pro, ou le mode manuel, d’un smartphone, c’est prendre le risque de passer trop de temps à modifier les réglages et donc de passer à côté du moment que vous souhaitiez capturer.


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