Un scandale invisible : pourquoi l’Europe paie des milliards pour couper la production d’électricité verte

 
Les réseaux électriques européens ne sont pas du tout adaptés aux panneaux solaires et aux éoliennes. C’est la conclusion d’un rapport accablant qui réclame des modifications en urgence.
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Photo de Thomas Despeyroux sur Unsplash

L’Europe veut accélérer sur les énergies renouvelables, mais ses réseaux électriques restent à la traîne. Un paradoxe qui pourrait coûter cher à la transition énergétique du continent.

« Les réseaux électriques européens ne parviennent pas à suivre le rythme de la transition vers les énergies renouvelables » : c’est la conclusion sans appel d’un rapport publié ce 13 mai par Beyond Fossil Fuels, en collaboration avec Ember, E3G et l’IEEFA (Institute for Energy Economics and Financial Analysis) et relayé par Contexte.

Selon cette étude, près de 1 700 GW de projets d’énergie renouvelable (solaire et éolien) ou hybrides (avec stockage) sont aujourd’hui en attente de raccordement au réseau électrique dans 16 des 28 pays européens étudiés. Un chiffre vertigineux : c’est plus du triple de la capacité nécessaire pour atteindre les objectifs climatiques de l’Union européenne à l’horizon 2030.

Un goulot d’étranglement structurel

Ce n’est pas une question de volonté politique ou d’investissements dans la production : l’électricité verte est là, prête à être injectée dans le réseau. Le problème vient du maillon intermédiaire : les gestionnaires de réseaux de transport d’électricité (GRT). Le rapport pointe une planification obsolète, une gouvernance inadaptée et un manque d’alignement avec les objectifs climatiques.

Sur 34 opérateurs analysés, seulement 5 planifient un réseau compatible avec la neutralité carbone d’ici 2035. Pire, 11 ne font même pas référence aux objectifs climatiques dans leur feuille de route. Résultat : des capacités renouvelables brident faute d’infrastructure, et les producteurs sont indemnisés… pour ne pas produire.

Des prix négatifs de l’électricité

En 2024, 7,2 milliards d’euros ont ainsi été versés à titre d’indemnités dans seulement sept pays (dont la France, l’Allemagne, la Pologne ou encore le Royaume-Uni) à cause de réductions forcées de production liées à des congestions sur le réseau. Un gaspillage à grande échelle, symptomatique d’un modèle dépassé.

C’est ce qui se passe lorsque l’électricité est à prix négative sur les marchés. Soit parce que le réseau n’est pas en capacité d’absorber cette énergie produite. Soit parce que la consommation est plus faible que la production. Mais le stockage (batterie, hydrogène ou avec des barrages hydrauliques) pourrait permettre de réduire ces situations.

Pire : le rapport fait référence à des projets zombies, porté par des entreprises qui font de la spéculation. Des projets qui sont là pour tenter de se faire de l’argent, au risque de ne jamais sortir de terre. Une perte de temps pour tout le monde.

Une situation urgente

Pour sortir de cette impasse, les auteurs du rapport plaident pour une révision des mandats des régulateurs et des GRT, qui doivent être mis au service des objectifs climatiques. Autre proposition structurante : la création d’un organisme public indépendant chargé de la planification énergétique, comme le National Energy System Operator (NESO) mis en place récemment au Royaume-Uni.

Cette publication arrive dans un contexte tendu : une panne géante a affecté fin avril la péninsule ibérique, touchant l’Espagne, le Portugal et même une partie du sud de la France.

La raison de la panne n’est pour le moment pas connue, mais cela illustre toutefois la fragilité actuelle des infrastructures. Mais aussi la nécessité de moderniser en urgence le système énergétique européen si l’on veut réellement sortir des énergies fossiles.


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