9 septembre 2014, Cupertino : Apple présente l’Apple Watch première du nom lors de sa keynote de rentrée. À l’époque, la montre connectée d’Apple est présentée davantage comme une extension de l’iPhone plutôt que comme un appareil de mesure à des fins de santé. Neuf ans plus tard, tout a changé : si la complémentarité avec l’iPhone est toujours d’actualité, l’Apple Watch se veut aussi comme un outil de santé. Les fonctions se sont multipliées et en 2023, on note l’arrivée de la prise en charge du suivi de la santé mentale sur la Watch Series 9. Cependant, il reste un capteur qui n’est pas intégré dans l’Apple Watch et sur lequel le fabricant travaille depuis des années : le capteur de glucose. Récit de cette histoire industrielle qui n’a (toujours) pas abouti.
Pour aller plus loin
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Le capteur de glycémie : une volonté de Steve Jobs née en 2011
Pour comprendre d’où vient la volonté d’Apple à résoudre des problèmes de santé publique, il faut remonter en 2011 comme le raconte Bloomberg. À cette époque, Steve Jobs lance un nouveau projet : Avolonte Health, une start-up qui s’installe discrètement à Palo Alto, à quinze minutes du siège social d’Apple. Alors, des ingénieurs sont recrutés, sans qu’ils sachent sur quoi ils vont travailler avant. En réalité, ils doivent mettre au point un appareil non invasif de mesure de la glycémie. Les enjeux étaient grands, puisque seuls les principaux dirigeants de la firme étaient au courant de ce qu’était Avolonte Health. L’idée était d’éviter à tout prix les fuites autour de cet appareil, avec pour nom de code « E5 ».
Les quelque 537 millions de personnes diabètes à travers le monde doivent régulièrement utiliser un autopiqueur, un appareil qui vient piquer le doigt pour mesurer leur taux de glycémie. De nombreux fabricants tentent depuis des années de créer un appareil qui ne nécessite pas de piquer, sans succès. De son côté, Apple souhaitait réaliser cet exploit à temps pour la présentation de l’Apple Watch : certains pensent d’ailleurs que la vision de Steve Jobs a été altérée à sa sortie. La fonctionnalité maîtresse de la montre aurait dû être le glucomètre d’Avolonte, qui n’a toujours pas vu le jour.
Une mesure qui pourrait finir par arriver dans l’Apple Watch
Pour l’instant, les centaines de millions de dollars et les équipes de chercheurs ont commencé à porter leurs fruits. La technologie retenue est la spectroscopie d’absorption dans l’infrarouge à ondes courtes. L’appareil de mesure projette en fait des lasers (de la lumière) à travers la peau. Grâce à l’intensité de la réflexion sur le capteur de la lumière dans le liquide interstitiel entre les vaisseaux sanguins et les cellules qu’ils desservent, on peut calculer la concentration de glucose dans ledit liquide. Une technique non invasive : pas de piqure, simplement de la lumière.
Pourtant, tous les problèmes techniques ne sont pas réglés. Il faut s’assurer que le capteur fonctionne avec toutes les teintes de peau et tous les groupes sanguins. Apple voudrait également que l’appareil fonctionne indéfiniment, sans devoir remplacer certaines pièces ou consommables (les autopiqueurs demandent des bandes qu’il faut remplacer). Le constructeur aurait testé le dispositif sur des centaines de personnes pour le moment, mais serait à des années de pouvoir être commercialisé. En effet, sa taille serait conséquente, de l’ordre de celle d’un iPhone. C’est mieux que de précédents prototypes, mis c’est encore beaucoup trop gros.
Ce qui semble probable, c’est que le capteur de glucose finisse par sortir un jour. La question en suspens, c’est est-ce qu’il permettra d’évaluer de manière fiable la glycémie ou non. Si c’est le cas, Apple pourrait chercher à obtenir les autorisations pour en faire un dispositif médical (ce qui entraîne des préoccupations réglementaires en plus des limites technologiques). Si ce n’est pas le cas, Apple pourrait quand même en faire un outil de prévention du diabète. Autre question : le capteur sera-t-il finalement intégré dans l’Apple Watch ou sera-t-il intégré dans un accessoire dédié ? Une rumeur pressentait son arrivée dans l’Apple Watch Series 7, ce qui s’est révélé faux.
Apple veut faire de la prévention et non du soin : les limites sont aussi philosophiques
Enfin, Apple étant dans la prévention, elle cherche à prédire le moment où une personne peut devenir diabétique. Le diabète de type 2 est effectivement considéré comme une épidémie mondiale : on estime que 537 millions de personnes sont concernées et comme le rappelle le ministère de la Santé, la Fédération internationale du diabète que le nombre de malades « devrait atteindre 700 millions d’ici 2045. » On comprend pourquoi l’entreprise la plus riche du monde y voit un futur marché à gros potentiel.
Au final, Apple n’a pas pu lancer son capteur de glucose sur l’Apple Watch en 2014, à cause de « problèmes d’approvisionnement en composants, des problèmes de batterie et de fiabilité, et le problème très réel de les faire tenir dans les espaces restreints ». C’est pour cela qu’à ses débuts, la montre connectée était davantage un complément du smartphone qu’un traceur de santé.
Selon les informations de Bloomberg, si Apple a investi énormément dans ce projet-là et dans le suivi de santé et la prévention des maladies, il y aurait un sentiment d’inachevé. La stratégie aurait été « court-circuitée par des désaccords philosophiques, une culture du conservatisme et les réalités technologiques. » C’est probablement parce que le point de départ d’Apple la limite trop à la prévention plutôt qu’au soin. D’ailleurs, la firme aurait réfléchi à installer des cliniques médicales dans ses Apple Store, avant de faire machine arrière.
Pour aller plus loin
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Traiter des maladies est plus difficile pour des raisons réglementaires : les législations de tous les pays sont plus strictes que pour la « simple » prévention. Il y a aussi des questions de protection des données, ou sur la fiabilité des données récoltées. De plus, ce serait prendre des risques pour la santé de ses clients, voire pour leur vie. Cette question serait un point de tension entre les différents responsables d’Apple. Bloomberg rapporte que « les ingénieurs et les médecins de l’entreprise ont longtemps été confrontés à la crainte des dirigeants qu’une mauvaise expérience médicale avec Apple ne ternisse la perception de l’entreprise. »
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