Les temps sont durs pour Intel qui fait face à l’une des plus grandes crises de son histoire. Le concepteur, et désormais fabricant, de processeurs est sous le feu des critiques pour l’instabilité de certaines de ses puces grand public. Dans un contexte alarmant pour le concepteur, et maintenant fabricant, de processeurs, il est toujours utile de regarder le chemin parcouru et y voir certaines similitudes avec l’actualité pressante.
Car il y a plus de 30 ans, en 1993, Intel a été l’objet de vives critiques suite à la découverte d’un bug au sein des premiers processeurs Pentium vendus au grand public. Si ce dysfonctionnement est loin d’avoir eu un impact significatif comme aujourd’hui, il a eu des conséquences punitives pour l’image d’Intel, mais bien plus positive sur le marché des processeurs.
Pentium FDIV : le bug qui a tout changé, ou presque
En 1993, Intel lance son premier processeur Pentium, l’une des premières puces accessibles au grand public alors que le marché des ordinateurs personnels en est encore à ses balbutiements avec des marques comme IBM ou Compaq. La plupart de ces PC étaient alors utilisés par des professionnels ainsi que des chercheurs, les puces Intel n’étant encore pas présentes dans les centres de données.
C’est l’un de ces chercheurs qui, en 1994, a découvert un étrange bug provoquant des erreurs de calcul sur certaines opérations de division en virgule flottante (floating point). L’histoire, relatée par le média Tedium, raconte que Thomas Nicely a mis des mois avant de découvrir que le coupable n’était autre que le processeur de son ordinateur, l’Intel Pentium premier du nom.
Le bug, présent sur certains processeurs, n’empêchait pas pour autant la puce de fonctionner, et ne concernait pas les cas d’usage plus généralistes comme la bureautique, la messagerie ou même le jeu vidéo. Mais pour les chercheurs et mathématiciens, qui furent parmi les premiers clients d’Intel à cette époque, le processeur est devenu complètement inutilisable. Il n’était plus possible de faire confiance aux résultats de recherche sans savoir si le matériel utilisé présentait un défaut de conception ou non.
Si en 1994, les réseaux sociaux n’étaient encore qu’une vue de l’esprit, la rumeur concernant un bug de calcul venant d’une puce Intel s’est répandue comme une traînée de poudre sur les groupes Usenet d’ingénieur, chercheurs et mathématiciens.
Très vite, les médias spécialisés, puis généralistes (CNN, New York Times, Boston Globe) se sont emparés de l’affaire alors que la réponse d’Intel n’a fait qu’attiser le feu aux poudres.
Le déni avant l’aveu, l’histoire se répète
Dans une posture qui nous est malheureusement familière chez les géants de la tech, le problème a tout d’abord été complètement négligé. Intel assure alors dans un communiqué que « pour la quasi-totalité des utilisateurs, cela ne pose pas de problème ». Si cette affirmation reste vraie, une autre fait grincer des dents : « Un utilisateur moyen pourrait rencontrer ce défaut subtil de précision réduite une fois toutes les 27 000 années d’utilisation ».
Mais ce n’est pas suffisant pour rassurer la communauté des chercheurs, surtout après l’aveu qu’Intel avait conscience du problème lors des phases de tests de ses processeurs avant livraison, sans pour autant le révéler à ses potentiels clients. Tout comme pour l’affaire actuelle des processeurs instables qui semblent désormais toucher à sa fin, c’est bien la confiance de ces clients qui est ébranlée par une telle posture.
À la fin de l’année 1994, Intel ne peut plus nier le problème, alors que son action en bourse prend un sérieux déficit, et provisionne près de 500 millions de dollars pour financer les remplacements des processeurs présentant le fameux bug. Pourtant, Thomas Nicely fut le seul utilisateur à avoir rencontré une telle erreur et finalement, peu de clients ont demandé un remplacement effectif de leur processeur.
Comme toute grande crise, celle-ci a eu quelques conséquences bénéfiques pour Intel comme pour le marché des microprocesseurs.
La naissance du microcode remplaçable
À cette époque, les puces x86 ne pouvaient recevoir de mises à jour du microcode, une couche de traduction faisant le pont entre les opérations de haut niveau du PC (côté utilisateur) et les instructions bas niveau. Ce code se situant au sein d’une mémoire non volatile ne pouvait, à l’époque, par être remplacé.
Le bug FDIV a sérieusement fait bouger les lignes à ce niveau, si bien que la génération suivante de processeurs Intel, les Pentium Pro en novembre 1995, a été la première à permettre le remplacement de microcode. Il est maintenant possible, via une simple mise à jour de BIOS, d’appliquer des mises à jour à ce microcode pour combler des failles de sécurité et corriger des soucis de performances ou de stabilité.
Si vous possédez un processeur Intel de 13e ou 14e génération, c’est tout ce que nous vous conseillons de faire, même s’il ne s’agit pas là d’une solution miracle. Une telle mise à jour n’aura l’effet que d’une béquille dans le cas d’un défaut de conception profond de la puce ou d’une usure matérielle engendrée par ce défaut.
Si les deux histoires sont à bien des égards radicalement différentes, on ne peut s’empêcher d’y voir un parallèle saisissant, à la fois dans la manière de gérer une crise publique, mais aussi dans ses conséquences bien souvent financières.
Dans sa grande sagesse de l’époque, le président d’Intel Andy Groove avait alors déclaré que « les mauvaises entreprises sont détruites par les crises ; les bonnes entreprises y survivent ; les grandes entreprises s’en trouvent améliorées ».
Une citation maintenant culte qui s’est même retrouvée sur un porte-clés représentant une puce Pentium défectueuse de 1994. Plus de trente ans après, Intel devra encore s’améliorer.
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