Pourquoi 2024 sera peut-être la dernière année du bonus écologique en France

Clap de fin pour les 5 000 euros ?

 

Avec l'arrivée des voitures électriques plus "abordables", comme les Renault 5 E-Tech ou Citroën ë-C3, les subventions étatiques devraient logiquement diminuer dans les années à venir. Mais devrait-on s'y préparer plus rapidement que prévu ?

Renault Scénic E-Tech // Source : Renault

Le bonus écologique pour l’année 2024 alimente globalement toute l’actualité automobile de ces dernières semaines. Le 14 décembre dernier, le gouvernement a dévoilé une première liste de voitures éligibles au bonus, une liste que vous pouvez consulter sur notre article dédié.

Cette liste sera bien évidemment étayée de nouveaux modèles qui sortiront dans le courant de l’année. Ainsi, la Citroën ë-C3 ou encore la Renault 5-Tech seront de la partie.

En revanche, sauf surprise et changement de dernière minute, il y a des voitures qui ne devraient plus jamais être subventionnées par la France. On pense notamment à la Dacia Spring, qui reviendra au catalogue de la marque en début d’année, mais qui, pour l’instant, a disparu, tandis que la Tesla Model 3 ou encore la MG4, deux best-sellers en France, au même titre que la Spring, n’auront plus le droit à cette précieuse aide de 5 000 euros. Sauf en cas de dérogation spéciale.

Le point commun de ces trois voitures ? Elles sont fabriquées en Chine. Le gouvernement a décidé de redéfinir les contours des règles du bonus pour 2024, en intégrant des critères plus précis, voire même protectionnistes, même s’il se refuse à employer ce terme. Des mesures globalement similaires à celles prises aux États-Unis ou encore en Chine.

La MG4 n’aura plus le droit au bonus en 2024 // Source : Marie Lizak pour Frandroid

Cette nouvelle version du bonus écologique réside dans son orientation vers les véhicules affichant la meilleure empreinte carbone. Des critères environnementaux variés, tels que les matériaux utilisés, le type de batterie, la consommation énergétique de l’usine et l’impact du transport du véhicule, sont pris en compte.

Pour faire simple, si la voiture n’est pas fabriquée en Europe, elle n’a que peu de chance d’être éligible au bonus. Et ça, les constructeurs l’ont bien compris, puisque ceux qui ont des modèles concernés n’ont même pas pris la peine d’envoyer un dossier au gouvernement pour savoir si, oui ou non, ils pouvaient prétendre aux subventions. Si la Tesla Model 3 échappe au bonus, ce n’est pas le cas de son cousin technique, le Model Y, qui profite d’une fabrication en Allemagne et conserve ainsi son bonus.

L’étau se ressert-il déjà autour du bonus ?

Mais d’une manière générale, si le gouvernement a resserré les rangs vis-à-vis du bonus (environ 65 % des modèles électriques vendues en France sont encore concernés), combien de temps va-t-on devoir encore subventionner l’achat de voitures dites « plus propres » ?

Cette question mérite légitimement d’être posée, pour plusieurs raisons, et tout porte à croire que 2024 (voire 2025 avec un peu de chance…) sera la dernière année où les voitures électriques seront pourvues d’un bonus. Le gouvernement pourra éventuellement pousser jusqu’à 2025, notamment pour étendre sa mesure de leasing social, mais les montants ne seront plus les mêmes. Ceux-ci seront certainement dégressifs, dans le meilleur des cas, jusqu’à disparaître totalement.

Mais nous ne sommes absolument pas à l’abri d’une décision plus radicale. Regardons ce qui se passe chez nos voisins européens. Vous n’êtes peut-être pas passé à côté de cette actualité, mais le gouvernement allemand a décidé de mettre fin aux aides à l’achat d’une voiture électrique avec effet immédiat au 17 décembre. Mais pourquoi cette décision aussi soudaine ?

La Volkswagen ID. 2 arrivera sur le marché en 2025, et vraisemblablement sans aide étatique en Allemagne, son marché de prédilection // Source : Volkswagen

La crise budgétaire en Allemagne, déclenchée par la décision de la Cour constitutionnelle en novembre dernier, continue de faire des vagues, cette fois-ci touchant directement le secteur de l’automobile. La Cour constitutionnelle allemande avait alors annulé la réaffectation des crédits inutilisés pendant la pandémie à des investissements verts et au soutien à l’industrie, plongeant le gouvernement allemand dans une situation financière pour le moins délicate.

Si délicate que, le ministère de l’Économie a annoncé que les bonus à l’achat de voitures électriques ne seraient plus acceptés suivant cette annonce. Cette décision a suscité des réactions mitigées, mais un porte-parole du ministère a souligné que c’était une mesure nécessaire, car les fonds disponibles ne suffisaient plus pour répondre aux demandes après cette date butoir.

Comment le bonus écologique en France peut-être (déjà) sur la sellette ?

À notre sens, il y a plusieurs éléments à retenir et qui pourraient contraindre le gouvernement à supprimer les aides à l’achat pour les voitures électriques.

Pressions budgétaires

La première raison qui pourrait expliquer la disparition du bonus écologique est liée aux contraintes budgétaires auxquelles le gouvernement français pourrait être confronté. En période de difficultés économiques, les incitatifs fiscaux tels que le bonus écologique peuvent être remis en question pour alléger la pression sur les finances publiques.

Dans son budget 2024, l’État a promis 200 millions de plus pour les véhicules électriques. D’une part, pour augmenter la prime à la conversion et les barèmes des aides, et pour réviser le système de bonus-malus, d’autre part, pour introduire le nouveau leasing de véhicules électriques pour les ménages modestes. Le gouvernement annonce, en outre, un soutien supplémentaire de 200 millions pour installer des bornes électriques.

Évolution des technologies et des besoins

L’évolution rapide des technologies liées aux véhicules électriques peut également influencer la politique gouvernementale. Si de nouvelles avancées rendent les voitures électriques plus abordables sans nécessiter de subventions importantes, le gouvernement pourrait estimer que le bonus écologique n’est plus nécessaire pour stimuler le marché.

Et c’est exactement ce qui se passe aujourd’hui avec ces fameuses voitures électriques « abordables », c’est-à-dire disponibles à moins de 25 000 euros, avant bonus. On peut citer la Renault 5 E-Tech, mais aussi la Citroën ë-C3. Toujours est-il que sans ces aides, ces voitures restent toujours relativement chères en comparaison d’un modèle thermique à peu près équivalent, même si les prix de façade sont désormais joliment englobés dans des solutions de financement du type LOA / LLD.

Citroën ë-C3
La Citroën ë-C3 sera l’une des stars électriques de 2023, avec un prix abordable, même sans bonus // Source : Citroën

Répartition des ressources

Une autre considération importante pourrait être la répartition équitable des ressources. Si le gouvernement souhaite investir davantage dans d’autres secteurs tels que les énergies renouvelables ou les infrastructures de transport, il pourrait réévaluer l’allocation des fonds initialement dédiés au bonus écologique.

Et on le sait, même si Emmanuel Macron « aime la bagnole », la politique du tout voiture, c’est un peu du passé aujourd’hui. Le budget de l’État prévu en 2024 dans le secteur du transport le montre bien. La décarbonation des transports bénéficiera de 1,6 milliard d’euros de plus l’an prochain, avec environ 800 millions seront consacrés à « la première marche » du vaste plan ferroviaire à long terme validée par Élisabeth Borne en début d’année. Soit un budget quatre fois plus conséquent que la voiture.

Plus globalement, hors secteur transport, le gouvernement a annoncé un budget de sept milliards d’euros pour « verdir la France ». La partie mobilité et transport en concentre donc 1,6, le reste étant alloué à des secteurs comme le logement, les énergies ou encore la biodiversité.

Objectifs environnementaux atteints

Si la France atteint ses objectifs en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de promotion de la mobilité électrique, le gouvernement pourrait considérer que le bonus écologique a accompli sa mission et n’est plus nécessaire.

En France, sur les derniers mois, la part de marché des électriques a oscillé entre 15 et 20 %, une valeur légèrement inférieure à celle enregistrée en Europe, mais l’Hexagone tient tout de même la cadence.

Est-ce un dispositif tenable ?

Bon, globalement, nous sommes encore loin d’arriver aux 100 % de voitures neuves vendues en Europe électriques à partir de 2035 (de toute façon, les ventes de thermiques et d’hybrides neuves seront interdites), mais avec la multiplication des offres de voitures électriques sur le marché, leur part continuera d’augmenter intrinsèquement.

Il sera toutefois intéressant de voir la réaction des différents marchés les premiers mois, voire les premières années, sans subventions. Nous sommes encore loin de l’équilibre entre thermiques et électrique au niveau du prix, mais peut-être que la fin des incitations incitera (c’est le cas de le dire…) peut-être les constructeurs à revoir leurs prix.

Renault espère atteindre la parité des prix entre les voitures électriques et thermiques entre 2027 et 2028. Si l’on tient compte du prix de l’énergie et du coût pus faible d’entretien, certaines voitures électriques coûtent déjà moins chères que les thermiques.

Difficile d’imaginer la ravissante R5 E-Tech, qui se vendra certainement aussi bien qu’une Clio à terme, subventionnée de 5 000 euros à chaque vente… // Source : Renault

Ça prouvera aussi d’une part que le marché était sous perfusion, mais aussi d’autre part que les avancées technologiques dans ce domaine ont permis de baisser les coûts de production et, par conséquent, les prix pour le client.

D’une manière générale, difficile d’imaginer l’État français (et, par conséquent, les contribuables) subventionner pendant encore des années les voitures électriques qui sont amenées à se multiplier, notamment avec l’arrivée des modèles électriques « abordables » comme les Renault 5 E-Tech ou encore la Citroën ë-C3. Et que dire de la future Renault Twingo électrique promise, elle, à moins de 20 000 euros.

Ces voitures seront sans doute amenées, sur des années pleines de commercialisation, à atteindre les mêmes niveaux sur une année que les Renault Clio et Peugeot 208, c’est-à-dire entre 60 000 et 80 000 modèles par an. Nous vous laissons faire le calcul donc : 60 000 voitures, multipliées par plusieurs modèles à succès, subventionnées à coup de 5 000 euros par voiture ? Intenable.


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