La nouvelle combine des constructeurs auto peut coûter très cher aux clients, y compris sur les voitures d’occasion

 
Et si votre voiture se transformait selon vos envies ? Grâce aux options à la demande, les constructeurs proprosent désormais des voitures capables d’évoluer au gré des besoins. Une petite révolution technologique qui pose aussi des problèmes sur le coût, la propriété et l’avenir du marché de l’occasion.

Et si votre prochaine voiture était déjà équipée de toutes les options possibles… mais qu’il fallait les « débloquer » à la carte ?

Bienvenue dans l’ère des « Features on Demand » (FOD), ou en français « Fonctionnalités à la demande ». Cette pratique, qui tend à se démocratiser sur le marché de l’automobile, promet de transformer la manière dont les constructeurs conçoivent, produisent et vendent leurs véhicules.

Mais elle soulève aussi de vraies questions : à qui profite vraiment cette flexibilité ? Et quel sera l’impact sur le marché de l’occasion ?

Ne confondez pas FOD et mises à jour « over the air » (OTA). Les deux reposent sur une connexion sans fil, mais leur logique est bien différente. L’OTA permet d’améliorer le logiciel du véhicule, c’est-à-dire corriger un bug, affiner un système d’assistance ou ajouter une fonction de confort.

Le FOD, lui, va plus loin : il ouvre la voie à une personnalisation commerciale du véhicule. Concrètement, un constructeur peut précharger en usine toutes les options disponibles sur un modèle, comme la navigation GPS, les sièges chauffants, des assistances à la conduite (ADAS)…

Ces fonctionnalités restent dormantes jusqu’à ce que le conducteur décide de les activer, moyennant un paiement unique, un abonnement mensuel ou même une formule à l’usage.

Comment cela fonctionne-t-il concrètement ?

Imaginez : vous partez en vacances à l’étranger ? Activez temporairement le système de navigation premium. Vous prêtez votre voiture à un collaborateur ? Débloquez les aides à la conduite pour un long trajet. Une fois l’option inutile, vous la désactivez et ne payez plus rien.

Cette logique « à la carte » bouleverse le modèle de la personnalisation à la commande, qui impose aujourd’hui des délais de production longs et une complexité logistique importante.

Avec le FOD, les véhicules sortent d’usine standardisés, et c’est le client qui décide, après coup, du niveau d’équipement qu’il souhaite. En d’autres termes, les voitures sortent d’usine avec quasiment toutes les options, sans qu’elles soient activés. Plus simple et moins coûteux à gérer en termes de production.

Une opportunité… et un casse-tête pour les constructeurs

Sur le papier, le modèle est séduisant : il simplifie la production et ouvre une nouvelle source de revenus récurrents, comparable à un service de streaming. Mais pour les marques, l’équation économique reste délicate.

Installer de série tous les capteurs et composants nécessaires représente un coût important. Si les clients n’activent pas ces options, l’investissement est perdu. À l’inverse, des tarifs trop élevés risquent de décourager l’achat.

Trouver le bon équilibre entre accessibilité et rentabilité sera donc le défi de ces prochaines années, et dans ce contexte très délicat économiquement parlant, les constructeurs tâtonnent encore et ne jouent pas encore tous avec le feu.

Prenons des exemples un peu plus concrets. Mary Barra, la patronne de General Motors, n’a pas tourné autour du pot lors de la présentation des derniers résultats du géant américain, relayée par Automotive News.

Le système de conduite semi-autonome Super Cruise, un dispositif de niveau 2 capable de gérer vitesse, direction et dépassements, est en passe de devenir un pilier de la stratégie financière du groupe. Comment ?

Proposé gratuitement pendant trois ans à l’achat, le Super Cruise devient ensuite un service sur abonnement. Et visiblement, les conducteurs y prennent goût : selon General Motors 20 % des clients renouvellent l’expérience en payant pour conserver la fonction. Pour le groupe, le potentiel est colossal : jusqu’à deux milliards de dollars de revenus annuels pourraient être générés à terme d’après leurs propres estimations.

Mary Barra se montre toutefois prudente : ces projections s’étalent sur cinq ans, à un moment où la technologie sera largement déployée sur l’ensemble des marques du groupe. Mais l’objectif est clair : faire du logiciel une nouvelle source de profit durable.

Un abonnement, mais pas pour tout et n’importe quoi

Le phénomène n’est pas propre à General Motors. Chez Tesla, la “Connexion Premium” se facture 9,99 euros par mois, donnant accès à des services de divertissement, de navigation enrichie ou encore au mode Sentinelle. Et pour la conduite autonome, la facture grimpe en flèche : 3 800 euros pour l’Autopilot amélioré, 7 500 euros pour la version complète. Pour les deux dernières, on peut assimiler ça à des options traditionnelles que l’on prendrait plus tard.

Mais ces pratiques ne font pas toujours l’unanimité. Certains constructeurs, à l’image de BMW ou Tesla, ont tenté de facturer des options déjà présentes physiquement dans la voiture, comme les sièges chauffants du côté de chez BMW en 2022 mais, mauvaise idée : la pilule est mal passée auprès des clients, qui refusent de payer pour déverrouiller des fonctions… déjà intégrées. Le constructeur bavarois a donc tout simplement décidé de stopper ce service quelques mois après son arrivée.

Audi a été l’un des premiers constructeurs à proposer ce service en 2020 sur son SUV e-tron. Le système s’est démocratisé sur les derniers modèles de la marque, comme le Q6 e-tron ou encore la nouvelle A6 éponyme, et il est possible d’activer des options comme la commutation automatique des feux de route ou encore les feux matricielles à LED. Les clients ont simplement à se connecter à l’application MyAudi, à renseigner les informations de leur voiture et de payer ou s’abonner ensuite à l’option souhaité.

Et nous parlons des constructeurs premium, mais ce ne sont pas les seuls. Skoda, sur son nouvel Elroq, à savoir son modèle électrique le plus accessible, propose aussi ce système, non sans amorcer une certaine frustration chez certains clients. Par exemple, certaines couleurs de LED au niveau des portières sont disponibles à la demande moyennant 29 euros, non pas par mois cette fois, mais à vie, simplement pour débloquer une fonction déjà présente dans l’auto.

Mais au fait, combien ça coûte ?

La gamme d’options proposées par les constructeurs allemands Mercedes, BMW, Porsche et Audi est particulièrement variée. Parmi les choix les plus fréquents, on retrouve des fonctionnalités liées à la navigation.

Mercedes se distingue notamment par un catalogue d’options très étendu. Par exemple, le système In Car Office permet de rédiger des e-mails via commande vocale et de se connecter automatiquement lors de conférences téléphoniques. Ce « bureau mobile » est proposé à 1,90 euros par mois ou 19 euros par an.

Toujours chez Mercedes, l’option des roues arrière directrices permet de réduire le rayon de braquage jusqu’à un mètre, facilitant ainsi les manœuvres dans les parkings étroits. Cette fonctionnalité est facturée 48,90 euros par mois, 489 euros par an ou 1 169 euros pour trois ans.

Du côté de Stellantis, le constructeur travaille sur le lancement de son propre programme d’options à la demande. Pour l’instant, une seule option par abonnement est disponible : un système de navigation, au tarif de 99 euros par an. D’autres offres devraient être annoncées prochainement.

Chez Renault, la nouvelle R5 E-Tech propose bien des abonnements après achat, mais qui concernent des services et non pas des déblocage de fonction déjà présentes dans la voiture.

Pour notre Skoda citée plus haut, la commutation automatique des feux de route est, par exemple, facturée 294 euros à vie, avec un mois d’essai histoire de vous mettre l’eau à la bouche et vous habituer à cette solution, avouons-le, bien confortable la nuit quand vous croisez quelqu’un.

Mieux encore, Volkswagen propose aussi pour certains de ses modèles ID. un boost de puissance moyennant 750 euros. L’intervention ? Rien de spécial, un débridage électronique de la puissance du moteur. Un changement de ligne de code, rien de plus.

Chez BMW, l’option des sièges chauffants coûtait à l’époque un peu moins de 20 euros par mois, mais comme énoncé plus haut, ce service n’a pas fait long feu.

Dans une interview accordée à Autocar, Pieter Nota, membre du conseil d’administration de BMW chargé des ventes et du marketing, a reconnu que « le service n’était pas très bien accepté par les clients », précisant que beaucoup avaient « l’impression de payer deux fois ». Une perception logique : pourquoi débourser un supplément mensuel pour activer un équipement déjà présent physiquement dans le véhicule ?

Le constructeur bavarois ne renonce pas pour autant à son modèle d’abonnement, mais le recentre sur des services à plus forte valeur ajoutée. Désormais, l’effort portera sur les fonctions logicielles évolutives, comme les aides à la conduite ou les systèmes de stationnement automatisé. Des domaines où les clients, selon BMW, se montrent bien plus enclins à sortir la carte bleue après l’achat du véhicule.

Le marché de l’occasion en ligne de mire

Le FOD pourrait aussi rebattre les cartes du marché de l’occasion. En théorie, ces véhicules offriraient un niveau d’équipement moyen supérieur, puisque toutes les fonctions restent disponibles, prêtes à être activées.

Un acheteur d’occasion n’aurait plus à choisir entre deux configurations figées : il pourrait simplement activer ce dont il a besoin. Résultat : des valeurs résiduelles plus stables et une attractivité renforcée.

À lire aussi :
Revente express ou galère : le classement des voitures électriques d’occasion en 2025

Car oui, quand vous revendez votre voiture, les options activées ne sont pas attitrées au châssis du véhicule, mais bien à un compte utilisateur. De ce fait, au moment de la vente, le vendeur réinitialisera les options qu’il avait sélectionné pour arrêter de payer. Les constructeurs pourront ensuite les proposer au nouveau propriétaire et donc perpétuer sur le long terme, voire même sur toute la durée de vie du véhicule, une source de revenus.

À condition toutefois que les constructeurs garantissent une transparence totale sur les fonctionnalités accessibles dans chaque modèle, sous peine de créer de la confusion, voire de la méfiance, chez les acheteurs.

Une évolution inévitable ?

Pour certains analystes, le FOD représente la prochaine grande étape de la digitalisation dans le petit monde de l’automobile. En libérant la voiture de ses contraintes physiques et en introduisant une logique de service, les marques pourraient fidéliser leurs clients bien au-delà de l’acte d’achat initial.

Mais des doutes subsistent évidemment, sachant que trop de monétisation pourrait susciter un rejet. Qui a vraiment envie de payer un abonnement pour des sièges chauffants qu’il croyait inclus, tout en sachant qu’il doit déjà gérer une dizaine d’abonnements dans son quotidien, entre celui lié à Internet, le mobile, les plateformes de streaming, sans compter les différentes assurances… De quoi rapidement perdre le fil de son budget.

Et les principaux concernés, les clients, ils en pensent quoi ? Selon une étude menée par S&P Global Mobility, les automobilistes ne rejettent pas totalement le principe de l’abonnement… à condition qu’il apporte une réelle valeur ajoutée. Navigation améliorée, conduite semi-autonome, mises à jour logicielles : ces fonctionnalités suscitent un intérêt. En revanche, payer pour des options comme le chauffage des sièges ou le démarrage à distance reste difficile à avaler.

Et le scepticisme persiste : une enquête de Cox Automotive révèle que seuls 21 % des acheteurs de voitures connaissent les services d’abonnement embarqués. Plus de la moitié des sondés estiment que ces offres ne sont acceptables que si elles permettent de réduire le prix d’achat initial. Pire encore, près de 70 % des clients envisageraient de changer de marque si certaines fonctions devenaient payantes au mois.


Rejoignez-nous de 17 à 19h, un mercredi sur deux, pour l’émission UNLOCK produite par Frandroid et Numerama ! Actus tech, interviews, astuces et analyses… On se retrouve en direct sur Twitch ou en rediffusion sur YouTube !

Recherche IA boostée par
Perplexity