Je suis monté à bord du Dacia Hipster : pourquoi cette voiture électrique ultra abordable me séduit autant qu’elle m’interroge

Depuis 2021, Dacia dispose d’une voiture électrique dans sa gamme : la Spring. En bonne Dacia, elle détient encore aujourd’hui la palme de la voiture électrique la moins chère du marché, avec un prix d’accès fixé à 16 900 euros malgré ses récentes améliorations – ex-aequo avec la Leapmotor T03.

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Mais Dacia ne veut pas se contenter de ceci, et présente avec son Hipster Concept sa vision de « la voiture électrique populaire de demain ». Sa promesse : quatre vraies places dans trois mètres de long et une polyvalence suffisante pour un usage quotidien, le tout pour un tarif imbattable.

Qu’en est-il dans la vraie vie ? Dacia est-il allé trop loin dans le dénuement ? À qui cet Hipster peut-il vraiment s’adresser ? Pour répondre à ces questions, nous sommes montés à bord de cet étonnant concept.

Extérieur : cheap and cheerful

Trois mètres de long, 1,53 m de haut et 1,55 m de large : ce Dacia Hipster Concept joue décidément dans la catégorie XXS, s’intercalant entre les 2,41 mètres d’une Citroën Ami et les 3,70 mètres de la Spring.

Les designers Dacia, menés par Romain Gauvin, ont cependant tâché de rendre ce petit gabarit aussi démonstratif que possible. Ils nous proposent donc un véhicule qui joue à fond la carte du cubisme, avec d’évidentes inspirations des buggys – certains font même remonter une ressemblance avec un mini-Hummer.

Les pneus 4×4, les roues aux quatre coins de la carrosserie, les extensions d’ailes, le capot haut et court et les panneaux de carrosserie rectilignes ramènent évidemment à cet univers, mais offrent aussi beaucoup de caractère à cet Hipster.

Dacia oblige, la réduction des coûts s’illustre un peu partout sur cette carrosserie, avec des trouvailles servant aussi bien le style que les économies – ce qu’on appelle le design-to-cost.

La carrosserie en plastique teinté dans la masse rappelle la solution retenue par la Citroën Ami, les parties personnalisables se réduisent à trois pièces (les montants de porte et le museau), tandis que les feux arrière ne s’embarrassent plus de vitres de protection, remplacées par la lunette arrière. Les poignées de porte sont remplacées par une sangle en tissu.

Le style du Dacia Hipster Concept respire donc les économies de masse et d’argent, mais son style a tendance à me plaire. Il en émane une sorte de vitalité joyeuse, une insouciance qui ne se prend pas au sérieux, et qui convient très bien à l’essence de la voiture.

Habitacle : des astuces dans tous les coins

Quatre adultes ou un coffre

L’ouverture des portes du Hipster nous fait découvrir un habitacle étonnamment spacieux et lumineux, notamment grâce au toit vitré sur sa partie avant – utile pour voir les feux avec ce pare-brise aussi droit qu’éloigné. Quatre sièges nous y attendent, sous la forme de deux banquettes.

À l’avant, le dossier reprend l’idée des sièges de bureau, avec du tissu fixé sur une armature en métal – s’y asseoir est étonnamment confortable. Autre avantage, cette fois-ci pour les passagers arrière : ce dossier très bombé offre un espace aux genoux tout à fait convenable, même pour un adulte.

Pour continuer sur cette banquette, une fixation Isofix sur la place de droite permettra d’y installer un siège enfant, mais la place de gauche en est dépourvue.

Et si le coffre est quasi inexistant en configuration 4 places, avec une capacité de 70 litres, rabattre la banquette permet d’accéder à 500 litres, que Dacia illustre par la possibilité d’y installer une machine à laver. Dommage qu’elle soit monobloc : il faudra transporter au bien des enfants, ou bien des bagages.

Notons que le coffre s’ouvre en deux parties, comme un Range Rover (ou une Citroën C2 de 2003) : la carrosserie s’ouvre vers le bas, le vitrage vers le haut.

Une planche de bord à la carte

On découvre une planche de bord réduite à l’essentiel : un bloc en plastique sur lequel est fixée une colonne de direction qui regroupe la quasi-intégralité des (quelques) commandes.

Évidemment, on retrouve un volant comprenant quelques boutons de commandes (et un astucieux élastique pour retenir un ticket de parking), mais aussi le sélecteur de rapport à gauche et un écran au sommet, affichant vitesse, autonomie restante et… c’est à peu près tout.

Le dénuement est donc d’office. Les airbags conducteurs et passagers sont visibles, encapsulés dans une coque en plastique translucide, et la seule trace de modernité se trouve sur un réceptacle smartphone magnétique. L’y poser permettra de lancer une application spécifique, ouvrant l’accès à un ordinateur de bord plus poussé, mais aussi la navigation et gestion de la musique… qui passera sur une enceinte Bluetooth amovible.

Car l’habitacle du Hipster est rempli de YouClip, ces petits points d’ancrage déjà disponibles sur la gamme actuelle sur lesquels on fixe à peu près n’importe quoi : enceinte Bluetooth donc, mais aussi liseuses, porte-gobelets, accoudoirs, rangements supplémentaires, etc. De quoi se créer le Hipster dont on a besoin, sans se soucier du superflu.

En parlant de rangement, notons deux bonnes astuces. La simplicité de cette planche de bord a permis de designers de la creuser, offrant un immense bac où ranger ses affaires du quotidien – ramenant l’auteur de ces lignes à son adolescence et à la Nissan Micra K11 de sa mère, qui disposait d’une astuce similaire. Et comme la Citroën Ami, il est possible de caler un bagage cabine dans les pieds du passager, une sangle le retenant.

Exercice gratuit ou préfiguration fidèle d’une voiture de série ?

Reste à savoir ce que Dacia a derrière la tête en présentant ce concept-car. Sur le sujet, Katrin Adt, PDG de la marque depuis le 1 septembre 2025, annonce que « ce concept reflète une vision » et que « le Groupe Renault dispose des capacités pour le produire en série ».

Un échange rapide avec les différents responsables du projet permet de creuser un peu plus. Si cet Hipster devait voir le jour, chaque centime et chaque paramètre technique serait challengé.

L’autonomie cible ne devrait ainsi pas dépasser les 120 à 150 km en une charge (l’équivalent de « deux recharges par semaine ») et, bien que conçu pour être conduit avec permis, sa vitesse maximale serait limitée autour des 90 km/h – même si « on peut la faire monter à 110 km/h si on nous demande de la faire monter à 110 km/h », nous glisse-t-on.

Tout cela permettrait d’afficher un tarif « sous les 15 000 euros ». De quoi laisser suffisamment d’espace avec la Spring, actuellement proposé à partir de 16 900 euros, et dont la prochaine génération – sur la base de l’imminente Renault Twingo E-Tech – est promise sous les 18 000 euros.

Autre preuve que Dacia est encore loin d’avoir un cahier des charges définitif : les arbitrages sont encore en cours, et ce concept pourrait être vu comme une volonté de la marque d’avoir un premier retour aussi bien du public que de la presse. La climatisation ? « Les pays d’Europe du Sud en sont friands ». La charge rapide ? « Si c’est une demande client forte, alors on peut la mettre ». L’ABS ? « Cela va dépendre de la vitesse maximale ». Bref, tout n’est qu’une histoire de pondération.

Autre sujet qui va probablement être déterminant : la catégorie d’homologation de cet Hipster. Un quadricycle lourd, comme un Mobilize Duo ? La masse limitée à 450 kg obligerait à aller beaucoup plus loin dans l’allègement, le concept pesant 800 kg. Une voiture particulière ? L’implémentation de toutes les aides à la conduite légales et des normes de sécurité pèserait lourd, aussi bien sur la balance qu’à l’achat – d’autant plus que la Spring est déjà là pour ça.

Le salut pourrait provenir de la réglementation « E-Car », récemment annoncée par la Commission européenne suite au lobbyisme des constructeurs automobiles et du Gerpisa, ouvrant la voie à une catégorie intermédiaire et s’inspirant du modèle des Kei-cars japonaises – des petites voitures favorablement taxées à condition de remplir un cahier des charges drastique.

Notre avis : un objet attachant, mais vraiment utile ?

Voilà ce qu’on pouvait factuellement dire du Dacia Hipster Concept. Reste à savoir l’impression qu’il nous a laissé.

Une chose est claire : l’objet est rafraîchissant. Certes, le moindre élément respire la recherche d’économies, mais le talent de l’équipe de design a réussi à lui donner un côté très ludique et pétillant ; en un mot, aimable – la première génération de la Citroën Ami pouvait difficilement en dire autant.

La question est de savoir si nous avons réellement besoin de ce genre de véhicule. Dacia vise le marché des voitures du quotidien dans des foyers multimotorisés – celle qu’on utilise pour aller au travail, pour emmener les enfants à gauche à droite, pour aller faire les courses.

Un marché qui existe et qui reste obligatoire pour la majorité des foyers vivant en périphérie urbaine et en campagne, mais reste à savoir si le chiffre des 15 000 euros n’oblige pas à aller trop loin en termes de compromis. Ne parlons pas de l’autonomie, suffisante au quotidien, mais les renoncements nécessaires en termes de sécurité, de confort ou de praticité pourraient rebuter.

D’autant plus que le marché de l’occasion s’étoffe de jour en jour dans le domaine des voitures électriques à moins de 15 000 euros, avec des vrais coffres et des prestations bien supérieures.

Dacia a bâti son succès sur le « juste prix », en positionnant avec une acuité remarquable sa gamme sur la demande réelle de sa clientèle – d’où son resplendissant succès partout en Europe. Le Hipster réussira-t-il à se joindre à la fête ? La réponse pourrait être donnée plus vite qu’on pourrait le croire.