Tesla : pourquoi certains nouveaux modèles rechargent moins rapidement ?

 

Tesla aurait-il un souci avec la charge rapide de ses Model 3 et Model Y ? C'est ce que nous allons voir dans ce dossier qui récapitule les différences au niveau de la charge des premières voitures électriques de la marque aux toutes dernières. Mais attention, il existe des exceptions, et notamment celles dotées de batteries LFP.

Ionity à droite, Superchargeur Tesla à gauche // Source : Bob JOUY pour Frandroid

Dossier actualisé le 30 mars 2023 avec un ajout concernant les batteries LFP (Tesla Model 3 Propulsion et Tesla Model Y Propulsion).

Les voitures électriques de la marque Tesla sont parmi les championnes de la charge rapide, mais pas nécessairement pour les raisons que l’on imagine. En effet, si l’on considère purement la puissance moyenne d’une charge classique de 30 minutes, elles sont loin d’impressionner les Kia EV6 ou autres Hyundai Ioniq 5 de ce monde.

Fort heureusement, leur efficience (consommation assez faible) leur assure des longs voyages rapides, où les pauses de recharge n’ont pas besoin de se multiplier par rapport à d’autres voitures qui chargent plus vite, mais qui consomme plus. Toutefois, un phénomène assez inédit se produit depuis plusieurs années : les Tesla rechargent de moins en moins vite.

Nous allons revenir sur ce sujet en détail, en tentant d’apporter quelques éléments de réponse expliquant pourquoi les nouvelles Tesla ne parviennent plus à charger aussi rapidement que les anciennes.

Les promesses d’une Supercharge très rapide

Tesla est bien connu pour son réseau de chargeurs rapides : les Superchargeurs. Avec une puissance de recharge annoncée à 250 kW par borne, les Superchargeurs représentent pour beaucoup l’assurance de parcourir l’Europe sans aucun tracas. Sur le site internet de Tesla, ils sont d’ailleurs mis en avant comme un gros avantage des véhicules, comme le montre l’illustration de la Tesla Model Y ci-dessous.

La Supercharge de la Tesla Model Y // Source : Tesla

Ainsi, il est indiqué que la puissance de recharge maximale est de 250 kW, et qu’une charge de 15 minutes permet d’ajouter jusqu’à 275 kilomètres d’autonomie. En pratique, nous avons déjà confronté ces chiffres à la réalité lors de nos essais de la Tesla Model Y Grande Autonomie ou de la Tesla Model Y Performance, et il ne faut pas prendre au pied de la lettre ce que Tesla annonce.

Tout d’abord, si les 250 kW sont bel et bien atteignables théoriquement sur les Tesla Model Y Performance ou Grande Autonomie, ce n’est pas le cas de la Tesla Model Y Propulsion, qui est limitée à 170 kW au maximum. En outre, les 275 kilomètres annoncés en rechargeant 15 minutes concernent la Tesla Model 3, et non la Tesla Model Y, qui est annoncée à 241 kilomètres rechargés en 15 minutes.

De plus, cette estimation du nombre de kilomètres rechargés en 15 minutes est bien entendu à prendre au sens du cycle de consommation mixte WLTP, et non pas en kilomètres réellement parcourus. En effet, en 15 minutes de Supercharge et en conditions parfaites, une Tesla Model 3 ou Model Y aura rechargé environ 35 kWh, ce qui représente 170 kilomètres d’autoroute tout au plus, ce qui est assez éloigné des 275 kilomètres annoncés.

Comme nous l’avons déjà rappelé dans notre dossier sur les véhicules qui rechargent le plus rapidement, une Tesla a une puissance de charge moyenne qui avoisine seulement les 100 kW sur une charge de 10 à 80 %, ce qui est très éloigné des 250 kW affichés comme étant la puissance maximale autorisée. Il est ainsi important de bien garder en tête que les promesses d’une Supercharge, aussi rapide soit-elle, ne représentent pas la réalité du terrain.

Les plus rapides sont les plus anciennes

Les Tesla sont bien connues pour être des ordinateurs sur roues, qui bénéficient de mises à jour fréquentes visant à améliorer l’expérience utilisateur. Malheureusement, cela ne s’applique pas nécessairement sur tous les composants de la voiture, comme nous le rappelle encore récemment la disparition du radar ou des capteurs à ultrasons des Tesla Model 3 et Model Y.

Ce constat contre-intuitif s’applique aussi à la vitesse de charge, puisque les Tesla les plus rapides à charger ne sont pas les plus récentes. Nous avions particulièrement mis en avant cela lors de notre essai de la Tesla Model Y Grande Autonomie en 2021, qui était à l’époque bien moins rapide à charger qu’une ancienne Tesla Model 3 Grande Autonomie de 2019.

 

Les différences entre une Tesla Model 3 de 2019 et une Model Y de 2021 en Supercharge // Source : Bob JOUY pour Frandroid

En pratique, c’est jusqu’à 35 % de temps de charge en plus pour une Tesla Model 3 ou Model Y neuve pour une session de charge classique, par rapport à une autre voiture similaire, produite en 2019, il y a près de quatre ans. Cette perte de vitesse de charge rend l’avantage des chargeurs les plus rapides bien moins importante sur les Tesla neuves, pour lesquelles il n’y a que peu de différences entre un Superchargeur V2 (limité à 150 kW) ou un Superchargeur V3 (limité à 250 kW).

À titre d’exemple, en conditions idéales, nous avons ajouté 28 % de batterie avec une Tesla Model Y Performance sur une borne limitée à 150 kW en 10 minutes, et 30 % de batterie sur une borne limitée à 250 kW. Cette absence de différence significative, alors même que Tesla implante de plus en plus de Superchargeurs V3, semble surprenante, mais nous allons voir qu’il y a sans doute des raisons qui expliquent les régressions sur les vitesses de charge des nouveaux packs de batterie.

Profitons-en pour rappeler que l’avantage des Superchargeurs v3 est aussi à trouver ailleurs. Ils ne partagent pas leur puissance maximale entre eux, et il est donc possible de recharger à la puissance la plus élevée sur chaque borne même si la station est remplie de voiture électrique qui font le plein. Contrairement aux Superchargeurs v2 qui partagent leur puissance.

Dans la pratique, la recharge de 10 à 80 % passe d’environ de 25 à 30 minutes sur les nouvelles Tesla équipées de batteries NMC. Dans le détail, c’est la plage 10 à 60 % qui connaît la plus forte baisse, en passant de 15 à 20 minutes sur les modèles les plus récents. Passer de 60 à 80 % prend à peu près le même temps sur les différentes versions, soit 10 minutes.

Le cas particulier des batteries LFP

Si certaines Tesla arrivent à tirer leur épingle du jeu au niveau de la charge rapide, ce sont grâce à la chimie particulière des batteries qu’elles embarquent. Plus particulièrement, il s’agit des Tesla Model 3 Propulsion et Tesla Model Y Propulsion, dotées de batteries Lithium-Fer-Phosphate (LFP). Nous avons un dossier dédié aux différences entre toutes les batteries de voitures électriques sur le marché si vous souhaitez en apprendre plus sur le sujet.

En substance, les batteries LFP arrivent à maintenir une puissance moyenne de charge légèrement plus élevée que les batteries NMC (que l’on retrouve sur les Tesla Model Y et Model 3 Grande Autonomie et Performance, ainsi que sur les Tesla Model S et Model X) à capacité équivalente. La difficulté de comparaison chez Tesla vient du fait que les batteries LFP des versions Propulsion sont des batteries de 60 kWh, contre 80 kWh pour les Grande Autonomie et Performance.

Toujours est-il que charger de 10 à 80 % en Tesla Model Y Propulsion prend tout juste 25 minutes en conditions idéales, alors que sur nos essais de Tesla Model Y Performance, cet exercice demandait plutôt 30 minutes. En pratique, une Tesla Model 3 ou Model Y Propulsion arrive à tenir une moyenne de 100 kW sur une Supercharge de 10 à 80 %, ce qui est autant qu’une version Performance ou Grande Autonomie, pourtant équipée d’une batterie plus grosse.

C’est pourquoi les versions d’entrée de gamme de Tesla restent d’excellentes voitures pour voyager, tant elles arrivent à combler le manque de capacité de batterie par une recharge qui ne s’éternise pas. Enfin, une autre particularité des batteries LFP leur permet de profiter de charges rapides même lorsque le niveau de batterie est assez élevé. Il est possible de se brancher à près de 60 % de batterie et de voir la puissance de charge talonner le maximum admissible par la voiture pendant quelques instants, ce qui permet de récupérer les premiers pour-cent de batterie extrêmement rapidement.

Pour cela, il est nécessaire que la batterie soit très bien pré-conditionnée, puisque les batteries LFP sont plutôt sensibles à la température. Enfin, la puissance de charge après 80 % de batterie ne chute pas drastiquement, ce qui leur permet de se recharger jusqu’à 95 % ou plus assez efficacement. Nous avons notamment testé une recharge de 58 % à 98 % en 19 minutes sur une Tesla Model Y Propulsion, chose impensable sur une Tesla Model Y Performance par exemple, qui nécessite une durée bien plus longue d’immobilisation.

Un problème d’approvisionnement qui oblige à s’adapter

Avant l’année 2020, les volumes de production de Tesla lui permettaient de s’approvisionner en batteries chez un seul fournisseur, qui était Panasonic. La montée en puissance du constructeur l’a incité à recourir à différents fabricants de batteries pour pouvoir équiper tous ses véhicules. Ainsi, le géant de l’industrie LG a été parmi les premiers à répondre aux exigences de la firme d’Elon Musk, et produit des batteries pour les Tesla Model 3 et Model Y depuis le courant de l’année 2020.

Plus récemment, le fabricant chinois CATL est également devenu un fournisseur de Tesla, notamment pour les versions Propulsion de ses Model 3 et Model Y, qui sont devenues rapidement les variantes les plus produites.

Dès l’arrivée des batteries LG à bord des Tesla Model 3 de 2020 et 2021, les clients ont commencé à constater des puissances de charge rapide qui étaient plus faibles qu’auparavant. Il semble que Tesla ait, à l’époque, accepté des batteries qui étaient moins performantes que les anciennes Panasonic, pour parvenir à livrer suffisamment de véhicules cette année-là.

En effet, il est probable que les exigences de Tesla aient dû être revues à la baisse, faute de quoi il n’y aurait pas eu assez de batteries fournies uniquement par Panasonic pour équiper l’ensemble de la production de la firme d’Elon Musk. La force de Tesla est toutefois de pouvoir mettre à jour à distance sa flotte de véhicules, notamment pour contrôler la courbe de recharge une fois qu’assez de données ont été accumulées.

C’est ainsi pourquoi après de nombreux mois, la puissance de recharge en pointe a été augmentée sur les packs de batteries LG des Tesla Model 3 et Model Y de 2021. Tesla a donc mis sur le marché des véhicules dotés de nouvelles batteries, et a augmenté la puissance de charge quelques mois après, après avoir récolté assez de données pour s’assurer de la fiabilité des cellules. Cette politique risque bien de continuer d’exister chez Tesla, tant que les problèmes d’approvisionnement se poursuivront.

Cette stratégie permet en effet au constructeur américain de répondre à la forte demande des consommateurs, tout en livrant à ces derniers un véhicule qui répond au cahier des charges initial, c’est-à-dire se recharger rapidement… sans donner de chiffres vraiment plus précis.

Est-ce un problème qui va être corrigé ?

Depuis l’introduction des batteries de plusieurs fournisseurs en 2020, il n’y a eu que peu d’évolution, au point où les véhicules capables de charger le plus rapidement restent les plus anciennes, datant de l’année 2019. De nos jours, Tesla a bien trop de modèles de batteries différentes dans toute sa gamme pour avoir des ressources à consacrer sur l’optimisation de chaque profil de recharge.

C’est pourquoi nous retrouvons maintenant des profils de recharge identiques pour les différentes batteries des Tesla Model 3 et Model Y, et non plus une optimisation particulière pour chacune, dès sa sortie. Sur les Tesla Model S et Model X, il a d’ailleurs fallu attendre bien plus longtemps pour voir une amélioration de la puissance de Supercharge.

En effet, les Tesla Model S et Model X européennes sorties depuis 2020 ne chargeaient qu’à 150 kW au maximum jusqu’à la fin de l’été 2022, où une mise à jour leur a enfin permis de profiter d’une puissance de charge plus élevée. Les mêmes véhicules livrés aux États-Unis pouvaient depuis le début charger à pleine puissance, ce qui montre que régler ces désagréments n’est pas dans les priorités de Tesla.

Une Tesla Model S en Supercharge // Source : Bob Jouy pour Frandroid

À l’époque où Tesla n’avait qu’un modèle de batterie à gérer, tout était plus simple : le profil de charge rapide était étalonné parfaitement pour la batterie en question, et était appliqué à toute la gamme. Cela correspondait également à une époque où Tesla n’avait pas le droit à l’erreur, et devait conquérir une clientèle pour se faire connaître.

Mais désormais, la demande excédant l’offre, Tesla peut se permettre de baisser ses exigences pour parvenir à livrer toujours plus de véhicules chaque trimestre. Qui plus est, cette régression au niveau de la vitesse de Supercharge ne semble pas affoler la clientèle, qui n’est impactée que lors des grands Trajets, et avec une durée de charge en hausse de quelques minutes.

Nous estimons à environ quinze minutes de perdues pour un trajet de 800 kilomètres environ, entre une voiture équipée d’une batterie de 2019 et une de 2022. Ceci est assez peu significatif pour que Tesla décide de corriger le souci de manière urgente. Qui plus est, malgré une puissance de charge inférieure à la concurrence, l’efficience des Tesla leur permet de faire partie des véhicules les plus rapides pour tailler la route, même face à des constructeurs ayant fait le choix des architectures 800 volts comme les Kia EV6, Hyundai Ioniq 5 ou Porsche Taycan.

Enfin, l’arrivée future des batteries révolutionnaires de Tesla au format 4680 pourrait sonner un nouveau départ pour la firme, qui réaffirmerait sa supériorité dans le domaine de la charge rapide si les puissances acceptées augmentent significativement. Mais pour le moment, les Tesla d’aujourd’hui chargent moins rapidement que celles d’hier.


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