Comment Tesla a réussi à baisser le prix de sa Model S sans rien changer (ou presque)

 

Les nouvelles Tesla Model S et Model X Autonomie Standard proposées à la commande ne sont qu'une illusion d'optique, puisqu'elles sont en tous points identiques à la version Grande Autonomie. Enfin, sur le plan du matériel. Car le logiciel est quant à lui bridé, pour limiter l'utilisation de la batterie. Revenons sur cette particularité de Tesla, et tentons d'imaginer un futur le constructeur offre encore plus d'abonnements.

Vous en avez sans aucun doute entendu parler : une nouvelle Tesla Model S est proposée à la commande outre-Atlantique. Enfin, elle n’a de nouvelle que le nom (Autonomie Standard), puisque rien du tout n’a changé par rapport à celle que l’on connait sous l’appellation Grande Autonomie.

En effet, Tesla a simplement limité artificiellement la capacité de la batterie du véhicule, pour que l’autonomie soit réduite. Nous en avons parlé plus en détail dans cet article, si vous souhaitez vous rafraîchir la mémoire sur la manière dont fait Tesla pour limiter les coûts.

Une voiture de plus en plus à la carte

Si Tesla commence de plus en plus à proposer une voiture qui est identique en sortie d’usine, mais qui peut se différencier des autres modèles par certaines options logicielles, ce n’est pas une nouveauté dans le monde de l’automobile.

En effet, BMW pratique notamment cette méthode, où ils vont jusqu’à proposer des sièges chauffants contre une vingtaine d’euros par mois Si vous ne payez pas, les sièges ne peuvent pas être chauffants, alors que le matériel est déjà installé. Tesla a imité quelque peu le constructeur allemand, en permettant aux premières Tesla Model 3 équipées de sièges chauffants arrière de les activer contre plusieurs centaines d’euros. Mais c’était surtout une méthode pour réduire les coûts de production à son lancement.

Si cette méthode peut parfois avoir du sens pour le consommateur — par exemple pour rester sous le seuil du bonus écologique en prix d’achat —, le grand gagnant reste le constructeur. En effet, en ne sortant d’usine qu’un seul type de véhicule, et non pas de multiples variantes, l’outillage est mutualisé au maximum.

Créer une nouvelle ligne de production ou modifier une ligne existante pour construire une Tesla Model S avec une batterie plus petite implique de s’approvisionner en batteries d’une capacité différente, potentiellement chez un autre fournisseur, puis tester ces batteries, les intégrer au véhicule, les faire homologuer, et prendre le risque de retarder la sortie du produit fini.

À la place, Tesla choisit donc une méthode déjà éprouvée par le passée sur certaines voitures, à savoir d’y mettre la même batterie que leurs grandes sœurs, mais de bluffer le logiciel embarqué pour qu’il ne voit qu’une partie de cette batterie. Auparavant, les Tesla Model S limitées logiciellement de cette manière pouvaient être légalement débridées contre un coût situé entre 10 000 et 15 000 euros.

En l’occurrence, une Tesla Model S ou Model X Autonomie Standard d’aujourd’hui coûte 10 000 dollars de moins qu’une version Grande Autonomie, et on peut aisément imaginer que si Tesla permet de débloquer l’autonomie restante dans quelques années, il faudra débourser autour de 10 000 dollars pour en profiter. Nous allons cependant nous intéresser à une autre manière de voir les choses, avec des abonnements ponctuels permettant de profiter de l’intégralité de sa batterie.

Des abonnements qui peuvent être très utiles… ou pas

Tesla propose à ce jour plusieurs abonnements ne nécessitant aucun ajout de matériel sur ses véhicules. La connectivité premium à 9,99 euros par mois, ou encore la Capacité de Conduite Entièrement Autonome (FSD) qui est disponible aux États-Unis contre 199 dollars mensuels. Nous pourrions imaginer une nouvelle manière de récolter de l’argent pour Tesla, et qui concernerait tout particulièrement les nouvelles Tesla Model S et Model X Autonomie Standard.

Il s’agirait pour Tesla de proposer à ses clients dotés d’une Tesla Model S ou Model X Autonomie Standard de périodiquement débloquer l’intégralité de la batterie, moyennant un prix à déterminer. Par exemple, il y a fort à parier que les personnes partant en road trip pour quelques jours auraient plus de facilité à payer 200 euros pour avoir pendant un mois une autonomie 20 % plus importante, que de payer 10 000 euros pour avoir cette autonomie maximale à vie.

Cependant, comme une Tesla Autonomie Standard limitée logiciellement a en effet la même batterie que la version Grande Autonomie, elle doit bénéficier de la même courbe de recharge également. En pratique, on peut donc s’attendre à ce qu’une version standard arrive à 100 % de batterie en autant de temps que la version Grande Autonomie arrive à 80 %, où ensuite la puissance de charge est considérablement réduite.

Ceci signifierait alors que lors des grands voyages, la version Grande Autonomie n’aurait qu’un petit avantage : celui lors du premier tronçon de route après le départ. Elle pourrait théoriquement parcourir plus de distance avec la charge initiale à 100 %, mais si ensuite chaque charge rapide suit la logique habituelle, elle va s’arrêter autour de 80 % puisque cela suffit pour continuer le trajet.

D’autre part, la version avec l’autonomie limitée de manière logicielle pourrait se charger à chaque arrêt jusqu’à 100 %, puisqu’elle aurait la même puissance de recharge jusqu’à 100 % que la version Grande Autonomie jusqu’à 80 %. En pratique, on se retrouverait alors avec tous les avantages d’une version Grande Autonomie en ce qui concerne la puissance de charge, sans les inconvénients d’une version avec une plus petite batterie (qui serait plus longue à charger à 100 %).

Pourquoi Tesla ne généralisera pas cette pratique

Au final, si Tesla pouvait proposer pour chaque véhicule qu’ils ont au catalogue une version limitée logiciellement en capacité de batterie, ce serait plutôt une excellente nouvelle pour les acheteurs. Comme nous l’avons vu, si la courbe de recharge est la même que la version qui n’est pas limitée, les road trips ne seront pas vraiment plus longs, et les économies réalisées à l’achat seraient assez significatives. Ceci montre encore une fois qu’une grosse batterie dans une voiture électrique n’est pas nécessaire, mais que tout réside dans le combo entre charge rapide et consommation.

L’avenir nous dira si Tesla étend ces possibilités à d’autres véhicules plutôt que de modifier ses lignes de production, mais si le constructeur se mettait à remplacer les Tesla Model 3 ou Model Y Propulsion par des versions ayant la même batterie que les Grande Autonomie, simplement limitées à 80 % de leur capacité, ce pourrait être une vraie révolution.

Imaginez plutôt une Tesla Model 3 à 10 000 euros de moins que la Grande Autonomie, soit 39 990 euros et avec 480 kilomètres d’autonomie WLTP. Sur le papier, ce serait 2 000 euros de moins que la Tesla Model 3 Propulsion actuelle, pour une dizaine de kilomètres d’autonomie perdue.

Cependant, cette Tesla Model 3 serait le graal de la berline électrique, puisqu’elle chargerait non seulement à 250 kW au maximum, mais arriverait à 100 % en moins de 30 minutes ! Pour les grands voyages, elle serait alors imbattable dans sa catégorie, et ferait beaucoup d’ombre à la Tesla Model 3 Grande Autonomie qui perdrait de son intérêt.

C’est sans doute la raison pour laquelle Tesla ne s’aventure pas là-dessus, le jeu n’en vaut pas la chandelle. Surtout que brider la capacité d’une batterie ne réduit pas son coût de fabrication. Et quand on sait qu’une batterie représente parfois 40 % du prix d’une voiture, on comprend un peu mieux pourquoi les constructeurs évitent la pratique du bridage.

Cependant, pour les Model S et X dont les chiffres de vente ont parfois besoin d’être boostés, c’est probablement la meilleure manière de faire. On imagine en effet que la marge est plus importante sur ces modèles que sur les Model 3 et Model Y plus abordables.

 


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