J’ai couru pendant un mois avec un casque à conduction osseuse et je me pose encore des questions

 

Pendant un mois, j'ai utilisé le casque Shokz OpenRun Pro à conduction osseuse lors de mes entraînements. Et j'ai toujours du mal à comprendre l'intérêt de cette technologie.

Le casque Shokz OpenRun Pro aux oreilles
Le casque Shokz OpenRun Pro aux oreilles // Source : Chloé Pertuis – Frandroid

Dans le domaine de l’audio, on connait bien les écouteurs intra-auriculaires ou les casques traditionnels, proposés par les constructeurs depuis des décennies. Mais un nouveau type de produit a émergé il y a une dizaine d’années : les casques à conduction osseuse. Ce type de casque n’utilise pas des transducteurs traditionnels — dynamiques ou à armature équilibrée — mais un système de vibration d’ondes sur les tempes afin de propager le son par le crâne jusqu’à l’arrière du tympan.

Depuis une dizaine d’années, Shokz — précédemment connu sous le nom d’AfterShokz — est le porte-étendard de cette technologie de casques, mais d’autres ont suivi, comme Philips, Xiaomi, Creative ou JVC.

J’avais déjà eu l’occasion d’essayer ce type de casque il y a plusieurs années et autant l’annoncer d’emblée : j’étais loin d’être conquis. Il faut dire que la nature même de ce type de casque pose de nombreux soucis pour écouter ses fichiers musicaux en profitant de la meilleure qualité possible. Entre le rendu des graves et des aigus particulièrement famélique et l’absence d’isolation passive, je peinais à voir le moindre intérêt à ce type de casque. Mais il faut souligner un point : je n’étais clairement pas la cible de ces appareils avant tout destinés aux sportifs.

Chloé Pertuis - Frandroid
Le Shokz OpenRun Pro // Source : Chloé Pertuis – Frandroid

Depuis ce premier essai, je me suis mis assidûment à la course à pied, ne serait-ce que pour tester des montres connectées et pour améliorer mes chronos. Trois à quatre fois par semaine, été comme hiver, vous pouvez donc m’apercevoir courir dans les rues ou les parcs de Paris, généralement avec une paire d’écouteurs sans fil aux oreilles. Quand Shokz m’a proposé de tester son OpenRun Pro, le modèle le plus haut de gamme de la marque, j’ai donc mis mes préjugés de côté et ai de nouveau donné sa chance au produit pendant un mois.

Un son de meilleure qualité, mais ce n’est toujours pas ça

Le principal souci des casques à conduction osseuse, comme on l’a déjà abordé rapidement, c’est leur qualité sonore. De fait, les ondes sonores ne se propagent pas dans l’air, mais directement dans les os du crâne pour atteindre l’arrière du tympan. Or, si l’air est adapté à la propagation de toutes les fréquences audibles, ce n’est pas le cas des os.

La conduction osseuse fait vibrer le crâne au niveau de la tempe
La conduction osseuse fait vibrer le crâne au niveau de la tempe // Source : Chloé Pertuis – Frandroid

Les casques à conduction osseuse vont donc être adaptés pour reproduire les fréquences médiums — et donc les voix — mais auront bien plus de mal pour les basses et les aigus qui se propagent moins bien dans le crâne. Pour les basses par exemple, cela exigerait de faire vibrer les os de manière bien plus importante, entraînant alors un inconfort certain. Pour les aigus, cela signifierait les faire vibrer à une fréquence bien plus élevée, ce qui n’est, là aussi, pas de bon aloi pour le confort d’utilisation. Surtout, la peau en elle-même vient déjà amortir en grande partie les vibrations, et donc le volume sonore.

Pour son casque OpenRun Pro, Shokz a trouvé une solution en trichant quelque peu. En fait, contrairement aux autres casques de la marque, il ne s’agit pas purement et simplement d’un casque à conduction osseuse. Le constructeur a intégré, en plus des moteurs de vibration, plusieurs transducteurs dynamiques classiques — derrière les grilles de haut-parleurs — qui sont là justement pour épauler la conduction osseuse et compenser la faiblesse des graves et des aigus. De quoi proposer un meilleur rendu, même si on est à des années-lumière de la qualité sonore proposée par des écouteurs ou un casque traditionnel.

Cela a au moins le mérite de permettre d’écouter de la musique pendant ses séances de sport et de ne pas se limiter aux seuls contenus mettant en avant les médiums, comme les podcasts. Reste que la qualité sonore est loin d’être la priorité lorsqu’on s’exerce et que ce défaut peut facilement être pardonné.

Un confort et une autonomie indéniable

Si la qualité sonore n’est pas le principal attrait des casques à conduction osseuse — pour ne pas dire qu’il s’agit de leur principal repoussoir — il doit bien y avoir une raison à leur popularité croissante. Non seulement je vois de plus en plus de mes congénères en porter durant leurs séances d’entraînement, mais même sur des chaînes YouTube spécialisées — j’ai plongé tête la première dans le terrier de la course à pied –, de plus en plus de coureurs les préfèrent aux écouteurs sans fil ou aux casques traditionnels.

Pourtant, les écouteurs sans fil étaient déjà un vrai bond en avant par rapport aux modèles filaires dont les câbles, attirés par la gravité, avaient tendance à déloger les écouteurs des oreilles. Mais en utilisant de plus en plus ces casques à conduction osseuse, j’ai compris qu’il s’agissait des dignes héritiers des casques à tour de cou que l’on connaissait il y a encore cinq à dix ans.

L'arceau en tour de cou du Shokz OpenRun Pro
L’arceau en tour de cou du Shokz OpenRun Pro // Source : Chloé Pertuis – Frandroid

Pour reprendre le cas du Shokz OpenRun Pro, il s’agit d’un casque à la fois tour de cou et tour d’oreille. L’arceau est semi-rigide et ne vient pas taper contre la nuque. De leur côté, les oreillettes se positionnent facilement autour de l’oreille extérieure pour bien s’arrimer. De fait, on a donc, même durant des exercices intenses, avec beaucoup de mouvements, un casque qui ne va pas bouger d’un fil. Et c’est là le principal intérêt de ce format : contrairement aux écouteurs sans fil qui ne sont arrimés que par des ailettes, une tige ou le format intra-auriculaires, je n’ai jamais ressenti le besoin de replacer le casque à conduction osseuse durant mes sorties. Et sans besoin de le toucher, pas d’appuis par erreur sur les zones tactiles qui vont me faire changer de piste en pleine séance VMA alors que je suis censé me concentrer sur ma séance.

Autre intérêt de cette technologie pour les plus réfractaires aux écouteurs : le conduit auditif n’est pas bouché et vous ne sentirez donc absolument aucune gêne pendant vos exercices.

Le chargeur magnétique du Shokz OpenRun Pro
Le chargeur magnétique du Shokz OpenRun Pro // Source : Chloé Pertuis – Frandroid

En plus de cela, le Shokz OpenRun Pro est un casque plutôt bien pensé pour son ergonomie, avec un unique bouton pour gérer la lecture au niveau de la tempe gauche — un clic pour mettre en pause, deux pour la piste suivante, trois pour le retour en arrière — et deux touches de volume placées à l’arrière de l’oreille droite. Le casque propose également une excellente autonomie avec dix heures annoncées. La recharge se fait facilement avec un câble propriétaire avec un connecteur magnétique.

Pas d’isolation passive, encore moins de réduction de bruit

Reste un point en particulier qui me chiffonne et m’a régulièrement poussé, pendant ce mois d’utilisation, à me tourner néanmoins vers les Bose QuietComfort Earbuds II lors de mes entraînements. Les écouteurs à conduction osseuse sont, par définition, des écouteurs sans la moindre isolation passive.

Sans même parler de réduction de bruit active, le casque laisse votre conduit auditif complètement vide. C’est un peu perturbant au début, mais on entend aussi bien sa musique que les sons extérieurs. Du moins, à condition d’être dans un environnement relativement calme.

Le Shokz OpenRun Pro ne filtre pas les bruits ambiants
Le Shokz OpenRun Pro ne filtre pas les bruits ambiants // Source : Chloé Pertuis – Frandroid

Pour reprendre mon cas personnel, j’habite à Paris et, lorsque je cours, c’est au bois de Vincennes. Mais encore faut-il que je me rende jusqu’au bois, chemin qui dure généralement une petite quinzaine de minutes. Pendant ce laps de temps, je cours donc sur le trottoir de rues au trafic plutôt dense et autant dire que, même avec le volume poussé au maximum, le casque de Shokz a peiné à suivre. C’est bien simple, je suis passé entièrement à côté d’heures de certains de mes podcasts puisque j’entendais le bruit des véhicules bien plus que celui des émissions. Quant à utiliser le casque dans un contexte plus bruyant encore, comme dans un avion ou des transports en commun, n’y pensez même pas.

Bien évidemment, ces défauts ne sont valables de prime abord que pour les personnes habitant en ville, ou tout du moins dans un cadre bruyant. À la campagne ou en montagne, si vous courez en pleine nature et loin de toute pollution sonore, la conduction osseuse peut s’avérer plus utile… et encore. Parce que c’est tout le paradoxe de ce type de casque : s’ils laissent les oreilles dégagées, c’est bien pour rester conscient de son environnement, notamment en cas de véhicule à proximité. Mais si vous avez trop de trafic à proximité, impossible alors de profiter confortablement de sa musique ou de ses podcasts.

Le Shokz OpenRun Pro
Le Shokz OpenRun Pro // Source : Chloé Pertuis – Frandroid

D’autant plus que pour rester alerte face à d’éventuels dangers, les constructeurs d’écouteurs sans fil pour le sport proposent depuis longtemps des modes transparent ou ambiant. Si tous ne se valent pas en termes de qualité du rendu sonore, ils permettent pourtant bel et bien d’utiliser les microphones des écouteurs pour entendre son environnement et ne pas risquer de se faire écraser par un véhicule qui arriverait derrière nous.

Un prix élevé pour un casque d’appoint

On en arrive à mon interrogation première après ce mois d’utilisation : pourquoi utiliser un casque à conduction osseuse à défaut d’écouteurs à réduction de bruit dotés également d’un mode transparent ?

Le casque de Shokz est très confortable et non intrusif, c’est indéniable et cela suffira pour beaucoup à se laisser convaincre. Mais pour la qualité d’écoute ou la possibilité de passer entre les sons ambiants et la réduction de bruit active, je ne compte pas troquer mes écouteurs sans fil pour un casque à conduction osseuse. D’autant plus qu’en raison de son usage limité — pour profiter d’une bonne qualité sonore ou écouter de la musique dans les transports — les utilisateurs de casque à conduction osseuse devront de toute façon acquérir un casque ou des écouteurs plus traditionnels, faisant de l’OpenRun Pro un casque secondaire. Et à plus de 150 euros, c’est un sacré investissement pour un usage que des écouteurs sans fil peuvent remplir sans problème.


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