
L’entrée en vigueur le 20 juin 2025 de l’étiquetage énergie obligatoire pour les smartphones et tablettes en Europe devait clarifier les choix des consommateurs. Mais derrière ces notes de A à G se cache une bataille méthodologique intense, révélée par un document technique d’Apple qui pointe du doigt les ambiguïtés du règlement européen.
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Apple dénonce un système défaillant et sabote volontairement ses propres notes
Dans un document de 44 pages publié ce 20 juin 2025, Apple ne mâche pas ses mots : « nous ne croyons pas que les méthodes de test de durabilité prescrites soient véritablement représentatives de scénarios réels« .
Ce document n’attaque pas le système directement, mais il vise à apporter des précisions sur la méthodologie de test choisie par Apple.
La firme de Cupertino va néanmoins assez loin en révélant avoir volontairement dégradé ses scores par précaution. « Tous les modèles d’iPhone, en juin 2025, ont obtenu la note A pour l’efficacité énergétique. Cependant, en réponse aux ambiguïtés des méthodes de test, nous avons choisi d’être conservateurs et de volontairement rétrograder nos résultats au niveau B le plus élevé« , explique Apple dans son rapport. Cette démarche illustre le manque de confiance du constructeur dans un système qu’il juge fondamentalement biaisé.

La critique la plus virulente porte sur les tests de résistance aux chutes. Apple affirme que « les modes de défaillance spécifiques les plus courants observés lors de nos tests ne correspondent pas aux données réelles des clients sur le terrain« . Plus troublant encore, l’entreprise américaine révèle avoir fait tester ses produits par trois laboratoires indépendants, avec des résultats variant de trois lettres de notation entre eux.
Malgré tout, Apple soutient le principe de la réglementation mais critique les méthodes :
« Nous soutenons les réglementations qui stimulent l’innovation et l’action sur la longévité, l’efficacité énergétique et l’environnement. Apple s’engage à se conformer aux exigences d’étiquetage énergétique pour smartphones et tablettes selon le nouveau règlement européen 2023/1669. »
Le conflit technique qui change tout : l’allocation des ressources réseau
Au cœur de la polémique se trouve un paramètre technique méconnu mais essentiel : le « Full Resource Allocation » (FRA). Ce réglage des simulateurs de réseau 4G force les smartphones à transmettre en permanence des données, même quand ce n’est pas nécessaire. Apple a choisi de le désactiver, contrairement à d’autres laboratoires.

« Les clients sur les réseaux cellulaires n’ont pas la possibilité d’activer le FRA, donc tester avec cette fonction activée n’est pas réaliste« , justifie Apple. Le constructeur explique que ce paramètre « existe uniquement à des fins de test dans les simulateurs de réseau pour permettre aux fabricants de tester les vitesses de transfert de données« .
Cette décision technique n’est pas anodine : selon Apple, l’activation du FRA peut dégrader les scores d’environ une lettre entière. Xavier Frere de SmartViser, l’entreprise qui a aidé l’Union européenne à développer le protocole, confirme indirectement cette divergence : « on recommande un ensemble de paramètres, mais ils peuvent ne pas les suivre car nous ne sommes pas un organisme de certification » dans notre interview.
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SmartViser défend le protocole face aux critiques d’Apple
Du côté de SmartViser, entreprise bretonne qui commercialise les solutions de test utilisées par les constructeurs, on assume pleinement les choix méthodologiques. « Nous on a nos recommandations pour que ce soit cohérent entre toutes les marques« , explique Xavier Frere. L’entreprise se trouve dans une position particulière : elle a participé à l’élaboration du protocole européen et vend maintenant les outils pour l’appliquer.

Contrairement à Apple qui dénonce les ambiguïtés, SmartViser adopte une approche pragmatique. « Toutes les marques ont envie qu’il y ait de la cohérence entre toutes les marques« , souligne Xavier Frere, qui reconnaît néanmoins que certains paramètres restent à l’interprétation des testeurs.
La divergence d’approche est flagrante : là où Apple voit des failles systémiques justifiant une auto-censure de ses scores, SmartViser considère que les recommandations suffisent à assurer la cohérence.
Apple tient cependant à préciser sa position : la firme affirme soutenir le principe même de cette réglementation européenne. « Nous soutenons les réglementations qui stimulent l’innovation et l’action sur la longévité, l’efficacité énergétique et l’environnement », indique Apple dans son document.
L’objectif du rapport technique publié n’est pas de remettre en cause la légitimité de l’étiquetage, mais d’expliquer les choix méthodologiques face à un règlement qui « offre la possibilité d’utiliser différentes méthodes d’essai, créant inévitablement des variations selon l’interprétation des fabricants. »
Des enjeux qui dépassent la simple notation
Apple dénonce notamment une échelle de notation qui « désavantage clairement les appareils plus avancés et performants » pour les tablettes, où un iPad Pro de 13 pouces est noté sur la même échelle qu’une tablette d’entrée de gamme de 7 pouces.

Le constructeur américain va jusqu’à questionner la légitimité même de ses propres notes : « nous ne croyons pas que nos scores finaux rapportés issus des tests prescrits par l’UE soient indicatifs de la véritable durabilité de l’iPhone et de l’iPad« . Une position radicale qui remet en cause l’ensemble du système européen.
L’auto-déclaration des scores, surveillée par des contrôles aléatoires, reste un autre point de tension. Comme l’explique Xavier Maupu : « c’est de l’autodéclaratif, personne ne vérifie jamais, sauf les autorités de surveillance du marché qui peuvent reprendre des outils et refaire les tests« . Un système que certains jugent insuffisant pour garantir la fiabilité des informations communiquées aux consommateurs.
Apple contre l’UE
Cette offensive d’Apple contre l’étiquetage énergétique s’inscrit dans un contexte plus large de tensions croissantes avec l’Union européenne. La firme américaine accumule les griefs contre la réglementation européenne : obligation d’adopter l’USB-C sur tous ses appareils, ouverture forcée de l’App Store aux magasins tiers avec le Digital Markets Act, amendes répétées pour abus de position dominante. Chaque nouvelle directive européenne semble directement viser le modèle économique fermé d’Apple.
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