Voici une nouvelle preuve que l’affaire qui oppose Huawei aux États-Unis peut avoir des répercussions bien au-delà du seul secteur technologique. Le feuilleton connaît un nouveau rebondissement où Taïwan occupe le premier rôle. De quoi ajouter de l’huile sur le feu d’un dossier géopolitique déjà brûlant face à la Chine.
En effet, comme le relaie Reuters, le gouvernement taïwanais a ouvert une enquête contre quatre entreprises du pays soupçonnées d’entretenir des liens illicites avec des sociétés liées à Huawei. Dans le même temps, Taipei envisage « des règles plus strictes sur des technologies clés ». Une initiative potentiellement lourde de conséquences. Pour savoir pourquoi, il faut forcément un peu de contexte.
L’embargo américain contre Huawei
Pour rappel, Huawei est sous le coup d’un embargo des États-Unis depuis 2019. Un embargo très sévère qui s’est durci progressivement pour empêcher, entre autres, deux choses fondamentales :
- l’entreprise chinoise ne peut plus collaborer avec des entreprises américaines telles que Google sans une licence spéciale ;
- Huawei ne peut plus s’approvisionner en composants auprès d’entreprises, même non étasuniennes, si ces derniers exploitent une technologie américaine.
Ainsi, les smartphones de Huawei qui jouissaient d’une forte popularité, notamment en Europe, sont privés du Play Store et de plusieurs applications populaires. En plus de cela, il est devenu très compliqué pour la firme de concevoir des téléphones tant les fournisseurs se font rares.
Du côté de Washington, les services de renseignement accusent Huawei d’exploiter ses infrastructures réseau pour mener des activités d’espionnage pour le compte de Pékin. Le tout, dans un contexte de relations très tendues entre les deux superpuissances que sont les États-Unis et la Chine.
La contre-attaque de Huawei
Avec tous ces obstacles, Huawei a évidemment souffert. La firme est carrément passée en mode « survie » tout en réduisant drastiquement sa présence en Europe, marché pourtant prometteur pour le groupe.
Toutefois, ces derniers temps, Huawei semble préparer une offensive globale qui confirmerait plusieurs d’un signe avant-coureur d’un retour en force. Un récent smartphone, l’impressionnant Huawei Mate 60, symbolise bien cet élan retrouvé. Ce dernier signe notamment le retour de la 5G sur les smartphones, de quoi attirer de fortes suspicions autour de sa puce Kirin 5G 9000 S.
Comment Huawei a-t-il réussi à intégrer une puce 5G malgré tous les problèmes qu’il rencontre sur ses lignes d’approvisionnement après un embargo pensé pour étouffer totalement l’entreprise ? La réponse se trouve peut-être du côté de Taïwan.
Ce qui est reproché aux entreprises taïwanaises
Il faut rappeler que Taïwan est LE pays incontournable dans le marché des semiconducteurs. L’État insulaire y occupe la position de leader mondial et de très loin. Ainsi, le géant national TSMC produit, à lui seul, environ un quart des semiconducteurs vendus dans le globe.
L’enquête ouverte ne concerne cependant pas TSMC. Les quatre entreprises visées sont Topco Scientific, L&K Engineering, United Integrated Services and Cica-Huntek Chemical Technology Taiwan. Et s’il n’est pas interdit pour les firmes taïwanaises d’avoir des activités en Chine continentale, elles n’ont pas le droit d’y produire des technologies jugées sensibles. Leurs investissements sur place doivent en outre respecter un ensemble de règles strictes.
Or, c’est précisément sur ces points que les quatre sociétés dans le collimateur de Taïpei — et surtout de Wang Mei-hua, la ministre de l’Économie — auraient fauté, bien qu’elles nient toutes en bloc. Dans un article précédant celui de Reuters, Bloomberg indiquait que les entreprises en question auraient travaillé main dans la main avec Huawei pour construire des infrastructures dédiées à la fabrication de puces.
Qui sait ? Il s’agit peut-être là d’un pan du fameux réseau secret d’usines que ce serait constitué Huawei pour contourner l’embargo américain, mais ce ne sont que des suppositions à l’heure actuelle. En revanche, si les accusations s’avèrent, il y aura fort à parier qu’il y a un lien direct entre ces usines et le renouveau des puces Kirin de Huawei.
L’enjeu majeur entre Taïwan, les États-Unis et la Chine
La domination dont Taïwan jouit sur le marché des semiconducteurs est une garantie de survie inestimable pour cet État. En effet, tous les produits électroniques dépendent de ce secteur. Sans ces puces, pas de smartphones, pas de voitures électriques et pas même de technologies de pointe dans l’armement. Cela incite évidemment les États-Unis, le grand allié, à maintenir plus que jamais la protection qu’il offre à Taïpei. Un enjeu majeur face à la Chine qui revendique toujours plus ardemment sa souveraineté sur Taïwan.
C’est d’ailleurs aussi en partie ce rôle clé dans les semiconducteurs qui permet à Taïwan de continuer à faire des affaires avec Pékin qui, malgré des tensions militaires immenses et qui ne cessent de croître, reste le premier partenaire commercial de l’île. Nombreux sont les navires chinois à passer chaque jour par le gigantesque port de Kaohsiung, tout près du détroit de Formose.
Bref, vous l’aurez compris, l’embargo américain contre Huawei représentait déjà un tortueux méli-mélo économique, politique et technologique. Voilà qu’on y ajoute désormais l’épineuse problématique de Taïwan. La situation déjà mal embarquée peut donc devenir encore plus délétère. Ça promet.
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