Signal : l’application est-elle à l’abri des dérives ? Des employés s’inquiètent

 

Signal séduit un grand nombre d’utilisateurs, car cette application de messagerie instantanée est bien moins intrusive que WhatsApp. Toutefois, des employés s’inquiètent en interne de ce succès et des dérives qui peuvent en découler.

Signal et WhatsApp
Les applications de messagerie Signal et WhatsApp // Source : Frandroid

Signal est en plein boom grâce à la polémique qui entoure WhatsApp et la manière dont Facebook récolte les données de ses utilisateurs. En se posant comme une alternative plus respectueuse de la vie privée, la plateforme de messagerie instantanée a enregistré un très grand nombre de nouveaux inscrits.

De son côté, Facebook a promis de mieux expliquer sa nouvelle politique de confidentialité pour tenter de rassurer son monde. Il faudra donc observer si la tendance continue ou si l’intérêt pour Signal se tasse.

Un succès fulgurant

Quoi qu’il en soit, à l’heure actuelle, le service plébiscité par Edward Snowden et Elon Musk réussit à bien jouer ses cartes pour apparaître comme le trublion qui vient embêter le géant Facebook et son poulain WhatsApp.

Or, le succès fulgurant de Signal commence à inquiéter certains employés interrogés par The Verge et Platformer dans le cadre d’une enquête intitulée « La bataille au sein de Signal ». Les personnes citées craignent en effet de voir apparaître quelques dérives.

Signal Foundation et l’objectif des 100 millions

Tout d’abord, il faut savoir que les activités de l’application sont gérées par la Signal Foundation, une organisation à but non lucratif qui repose sur un prêt de 50 millions de dollars de Brian Acton — ancien cofondateur de WhatsApp — et sur les dons des utilisateurs.

Or, plusieurs membres de l’équipe de Signal indiquent que pour devenir autosuffisante, l’application a besoin de fidéliser 100 millions d’inscrits. Selon les prédictions de la direction, ce palier permettra en effet de faire en sorte que les dons couvrent les coûts de développement.

Ainsi, même si Signal n’a pas du tout le même modèle économique que l’ogre Facebook qui a besoin des données de ses utilisateurs, la plateforme a besoin d’œuvrer efficacement pour être téléchargée par le plus grand nombre.

Il est donc important de garder cela en tête : Signal est aussi motivé par des intérêts économiques, et c’est tout à fait normal. Toutefois, c’est pour cette même raison que certains employés craignent quelques dérives sur le long terme.

Le chiffrement jusqu’au bout

Signal se démarque par le fait que les conversations sont pleinement chiffrées de sorte que la plateforme elle-même ignore le contenu des messages échangés. Un avantage des plus pratiques pour certains journalistes, lanceur d’alertes, activistes dissidents ou même hommes et femmes d’affaires soucieux de ne pas mettre à risque certaines discussions confidentielles.

Toutefois, suite à l’attaque du Capitole aux États-Unis, des employés craignent que Signal deviennent aussi un repaire pour des groupes extrémistes et violents. A priori, cela ne semble pas encore être le cas, mais ce qui inquiète en interne est l’inaction des dirigeants en ce qui concerne l’établissement de conditions d’utilisation.

« Ce n’est pas une stratégie »

Le PDG Moxie Marlinspike semble en effet très peu enclin à établir ce genre de règle. Un ancien membre de la Signal Foundation, Gregg Bernstein évoque ainsi une fois où ce sujet a été évoqué lors d’une visioconférence. « La réponse a été : si et quand les gens commencent à abuser de Signal ou à faire des choses que nous pensons être terribles, nous dirons quelque chose ».

Tant que quelque chose ne devient pas une réalité, la position de Moxie [Marlinspike] est de ne pas y faire face. On pouvait voir beaucoup de mâchoires tomber. Ce n’est pas une stratégie — c’est juste espérer que les choses ne tournent pas mal.

De son côté, Brian Acton — l’ex de WhatsApp et actuelle grande figure de Signal — est connu pour sa politique non interventionniste. Il s’est toujours opposé au fait qu’une plateforme puisse surveiller le comportement de ses utilisateurs et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle il désavoue WhatsApp aujourd’hui après l’avoir vendu à Facebook.

Les personnes interviewées par The Verge et Platformer ont peur, qu’in fine, cette philosophie ne nuise à l’image de Signal.

De la cryptomonnaie sur Signal ?

Par ailleurs, afin de faire grossir sa base d’utilisateurs, Signal opte pour une stratégie assez classique : proposer régulièrement de nouvelles fonctionnalités. C’est ainsi que, après avoir requis obligatoirement un numéro de téléphone pour créer un compte, le service a permis de s’inscrire en créant un pseudonyme unique dans le but de protéger encore mieux l’identité des personnes.

Une idée intéressante sur le papier, mais en interne, d’aucuns regrettent qu’aucun dispositif n’ait été pensé en marge de cette fonctionnalité pour lutter contre les potentielles usurpations d’identité.

Autre point d’inquiétude : la cryptomonnaie. Le PDG Moxie Marlinspike aimerait en effet adopté le MobileCoin sur Signal et explique que cela permettrait de faciliter les dons envers la fondation tout en garantissant une excellente confidentialité des transactions.

Là encore, des employés estiment que cette ambition pourrait être dangereuse puisque l’intégration de ce système de transaction pourrait attirer des criminels cherchant à se faire payer en toute discrétion. En outre, cela pourrait potentiellement alerter certains États qui tenteraient alors d’imposer des régulations strictes.

« Si nous décidions d’intégrer des paiements dans Signal, nous essaierons de réfléchir sérieusement à la manière de le faire », déclare cependant Moxie Marlinspike.

Bataille de points de vue

Le PDG défend un peu plus son point de vue sur le développement du service de messagerie instantanée. « Je veux qu’en tant qu’organisation, nous fassions très attention à ne pas rendre Signal moins efficace pour ce genre de mauvais acteurs, si cela devait également rendre Signal moins efficace pour les types d’acteurs que nous voulons soutenir et encourager », clame-t-il en parlant notamment d’asymétrie qui pourrait affecter les utilisateurs normaux.

Son ancien collaborateur, Gregg Bernstein, n’est pas d’accord. Voici ce qu’il répond.

Personne ne dit qu’il faut changer fondamentalement Signal. Il y a des petites choses qu’il pourrait faire pour empêcher que Signal ne devienne un outil favorisant des événements tragiques, tout en protégeant l’intégrité du produit pour les personnes qui en ont le plus besoin.

En tant qu’utilisateur, on espère toutes et tous que les bonnes décisions seront prises. Mais s’il est facile de dire cela, il est bien plus difficile de déterminer quelles sont justement les bonnes décisions en question.


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