
Cela fait bien longtemps que le protocole Bluetooth s’est imposé comme le standard incontournable s’agissant de connecter un appareil audio sans fil à un smartphone. Avec les consoles et PC de jeu en revanche, l’histoire reste très, trop, compliquée. D’une part, il y a le simple constat que bien rares sont les machines de jeu prenant en charge l’audio Bluetooth. Face aux PS5 et Xbox Series X/S qui se dispensent de toute forme de compatibilité, les Switch 1 et 2 font figure d’exceptions !
D’autre part, le fait que même avec les machines compatibles, la liaison audio Bluetooth a généralement un défaut fatal pour l’utilisation en jeu vidéo : la latence, c’est-à-dire le décalage entre le moment où le signal audio est envoyé par l’appareil émetteur et le moment où il est restitué par l’appareil récepteur. À ce problème, il existe aujourd’hui des solutions… et Nintendo a malheureusement choisi de n’en employer aucune pour sa nouvelle console.
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Bluetooth 5.2 ne veut pas dire compatibilité LE Audio et LC3
Début avril, avant même l’annonce officielle des caractéristiques de la console, plusieurs observateurs se sont réjouis, un peu précipitamment, de voir des documents de la FCC (l’agence américaine de régulation des télécommunications) semblant confirmer que la Switch 2 embarquait une connectivité Bluetooth 5.2.
Cette version de la norme est en effet justement celle qui a intronisé la couche protocolaire LE Audio, et avec elle le nouveau codec LC3 (Low Complexity Communication Codec). Parmi les multiples avantages théoriques de ce dernier, se trouve le fait qu’il permet un encodage et un décodage ultra rapide, et donc une réduction très significative de la latence totale de diffusion. A priori, une fonctionnalité salutaire pour une console de jeu dernier cri.
Seulement voilà : présence dans les caractéristiques ne veut pas dire implémentation obligatoire dans tous les appareils se réclamant du bluetooth 5.2 ou ultérieur. Comme la plupart des organismes de standardisation de son genre, le Bluetooth SIG ne fait, avec chaque nouvelle version du Bluetooth, que proposer des nouvelles fonctionnalités. Certaines sont obligatoires, mais la plupart sont optionnelles, et c’est dans cette deuxième case que se range le LC3/LE Audio.
En l’occurrence, nous pouvons l’affirmer avec certitude : nulle trace de Bluetooth LE Audio sur Nintendo Switch 2. On le vérifie très simplement en essayant de relier des écouteurs Sony Inzone Buds, dont la connectivité Bluetooth ne peut justement employer que le LE Audio. Le constat est sans appel : la console s’avère incapable de détecter les écouteurs.

Pourquoi certains utilisateurs affirment avoir perçu une réduction de la latence
Pourtant, en se baladant aujourd’hui sur Reddit ou d’autres plateformes communautaires en ligne, il n’est pas difficile de trouver des avis d’utilisateurs qui assurent tout de même avoir perçu une réduction de la latence sur leur console flambant neuve.
Simple effet placebo ? Peut-être pour certains, mais pas forcément. Il y a tout de même une petite nouveauté dans la prise en charge de l’audio Bluetooth sur Switch 2 par rapport à sa devancière : elle est certes toujours uniquement compatible avec l’ancien protocole A2DP, mais peut au moins employer le codec AAC, et non plus le seul codec SBC (obligatoire en Bluetooth).
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Dans l’absolu, l’AAC n’est pas un codec conçu pour optimiser la latence. Mais simplement parce qu’il est un peu plus moderne que le SBC, de meilleure qualité, et très largement pris en charge par les sources Bluetooth aujourd’hui, il n’est pas rare que les casques et écouteurs embarquent des circuit de décodage AAC « haute performance », au point d’assurer un décodage sensiblement plus rapide que celui du SBC.
De notre côté, nous avons pu le mesurer par exemple avec un casque Sony WH-1000XM4. Sur le menu de la console, nous chronométons le délai entre l’appui sur un des boutons directionnelles et l’émission des premières ondes du clic indiquant le passage du curseur sur une autre tuile.

En AAC, on constate effectivement une réduction du délai de 20 ms par rapport au SBC (ce dernier codec pouvant être forcé en activant le mode « priorité à la connexion stable » du casque via son application mobile). La différence est là… mais elle est marginale, puisque l’on part d’une latence totale de 330 ms en SBC. Avec le même casque branché en filaire, via mini-jack, directement à la console, le délai total ne s’élève qu’à 98 ms en moyenne ; à ce stade, il est uniquement imputable à la latence des contrôles et du système interne de la console, et non à une quelconque latence de diffusion audio : le son est parfaitement synchronisé à ce qui se passe à l’écran. On en conclut donc que, que ce soit en SBC ou en AAC, la communication Bluetooth avec le casque est responsable à elle seule de plus de 200 ms de latence additionnelle.
Ces valeurs sont à prendre de façon illustrative, et pas absolue : elles varieraient si on les répétait avec d’autres casques. Un AirPods Max par exemple s’avère un rien plus réactif, avec un délai moyen mesuré de 287 ms (190 ms de latence propre). Mais elles sont représentatives de ce qu’est l’expérience avec la vaste majorité des casques et écouteurs Bluetooth, dont la latence en SBC ou en AAC descend très rarement en dessous de 150 ms, presque jamais en dessous de 100 ms.
Pour référence, les principaux organismes de télévision européen et américain (UER et ATSC) recommandent respectivement que le retard du son sur l’image ne dépasse pas 60 ms ou 45 ms pour ne pas être perçu comme une gêne. Pour la lecture de vidéos « linéaires », concilier la latence du Bluetooth avec cette exigence de synchronisation n’est pas difficile : il suffit à l’application de lecture de retarder légèrement l’affichage de la vidéo, et le tour est joué.
Mais le jeu vidéo, du fait de sa nature interactive, ne peut se contenter d’une telle rustine.
Des manières de contourner le problème… dont la manette Switch 2 Pro ne fait pas partie
Alors pour avoir de l’audio sans fil basse latence avec la Switch 2, il faut se tourner vers d’autres solutions. La première à laquelle on pourrait penser, au moins pour le jeu en mode TV, est de se contenter d’un « semi-sans fil », et d’utiliser la prise casque présente sur la manette Switch 2 Pro – c’est justement l’une des nouveautés de cette dernière par rapport à la manette Switch Pro de première génération.
Sauf que non : elle présente elle aussi une latence tout bonnement inacceptable. Quand la manette est elle-même connectée sans fil à la console, et toujours en mesurant le décalage entre une action sur la manette et sa répercussion sonore, on relève un délai de… 263 ms en moyenne, à peine moins qu’avec notre AirPods Max en Bluetooth !

C’est d’autant plus désolant que les autres consoliers n’ont pas ce problème : les manettes Xbox utilisent un protocole radio propriétaire incluant de la communication audio à très basse latence (moins de 35 ms), tandis que manettes PS5 utilise la base d’une connexion Bluetooth mais avec une surcouche protocolaire entièrement propriétaire, qui permet là encore des transmissions audio sans aucun délai perceptible.
Pour notre Switch 2, il n’existe donc plus qu’une issue de secours à envisager : un casque de jeu sans-fil employant un adaptateur USB, avec lequel il pourra communiquer via son propre protocole sans fil basse latence.
Ici, la bonne nouvelle est que la Switch 2, comme la Switch 1, prend en charge le standard USB-Audio Class 1, et fonctionne donc avec la majorité des casques s’annonçant comme compatibles PlayStation et/ou PC. Pour reprendre par exemple le cas de nos Sony Inzone Buds susnommés, leur petit dongle USB-C trouve sa place à merveille sur le port supérieur de la console, que ce soit en mode TV ou en mode portable, et l’on peut alors profiter d’une latence audio inférieure à 30 ms, et donc imperceptible.

Peut-on reprocher à Nintendo de ne pas faire des efforts que personne d’autre ne fait ?
Ces constats sont frustrants parce qu’on espérait que la Switch 2 fasse avancer la cause du Bluetooth pour le jeu vidéo. Ceci dit, si l’on veut se permettre de reprocher à Nintendo de faire preuve de mauvaise volonté, l’honnêteté nous oblige alors à signaler qu’il est très loin d’être le seul responsable de la situation actuelle. La première entreprise qui a prétendu vouloir faire bouger les choses, dès le début des années 2010, était Qualcomm, d’abord avec son codec AptX Low Latency et maintenant avec l’AptX Adaptive. Mais sa politique de licensing ultra-conservatrice a empêché ces technologies de se répandre comme elles auraient pu.
Pour ce qui est du LC3/LE Audio, malgré sa facilité apparente d’intégration pour les fabricants de matériels (puisqu’il fait partie de la spec Bluetooth, il ne demande pas le paiement d’une licence additionnelle), son adoption est pour l’instant d’une lenteur éreintante : du côté appareils sources, quelques smartphones Samsung, Google et Sony, rien de plus ; s’agissant des appareil récepteurs, Sony est la seule grande marque à avoir adopté le format, pour ses derniers casques et écouteurs des familles Inzone et 1000X (par exemple le tout récent WH-1000XM6). »

Pendant ce temps, les branches PlayStation et Xbox de Sony et Microsoft sont trop heureuses de vendre à prix d’or leur licence « officielle » à des fabricants de casque gaming dédiés pour s’impliquer dans le développement d’un standard industriel. Mieux vaut ne pas trop s’attarder sur les machines Windows, ordinateurs comme consoles portables : la gestion de l’audio Bluetooth par l’OS PC de Microsoft est légendairement catastrophique, et même si Windows 11 est techniquement capable de fournir du LC3/LE Audio, les conditions matérielles sont si drastiques (CPU Intel de dernière génération sur un chipset Intel de dernière génération associé à un modem Bluetooth Intel de dernière génération, sinon point de salut) qu’on peut tout aussi bien considérer cette compatibilité inexistante. Comme souvent, le Steam Deck de Valve est le meilleur élève de la classe, ou en tout cas le moins mauvais : il prend en charge plusieurs codecs AptX dont l’AptX Low Latency (qu’il faut cependant prendre la peine d’aller activer dans le mode desktop de SteamOS) ; encore faut-il posséder un casque lui aussi compatible, et ils sont rares.
Bref, la Switch 2 n’est qu’une énième opportunité manquée pour l’audio Bluetooth de se montrer enfin pertinent dans le petit monde du jeu vidéo, et l’on commence à désespérer de voir un jour les choses changer.
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