La voiture électrique en France n’a jamais été aussi populaire. En effet, les chiffres d’immatriculations continuent de croître année après année, et nous arrivons aujourd’hui à plus de 2 millions de voitures branchées sur les routes. Dans un pays comme le nôtre où l’électricité est majoritairement décarbonée, elle prend tout son sens dans la transition écologique et énergétique actuelle.
Toutefois, cette transformation du parc automobile s’accompagne d’interrogations qui peuvent être légitimes : quel est l’impact énergétique de cette évolution majeure ? En d’autres termes, ne court-on pas à la catastrophe si tout un chacun se met à recharger sa voiture électrique en même temps ? Le défi des années à venir consiste bel et bien à évaluer, gérer et optimiser la consommation totale d’énergie induite par le remplacement des véhicules thermiques en électriques.
Une idée reçue selon laquelle la demande d’énergie des véhicules électriques ne pourra être comblée par l’infrastructure existante est pourtant assez loin de la réalité. D’autres postes de consommation, notamment le chauffage, sont bien plus énergivores et potentiellement difficiles à satisfaire. En France, tout semble prêt pour répondre à la demande, grâce à un mix énergétique varié et robuste, bien que quelques adaptations pourraient être nécessaires en période de pic de consommation.
Nous allons voir ce que représente aujourd’hui la consommation des voitures électriques, et imaginerons la suite, notamment à l’aide des données fournies par RTE. Et si la voiture électrique n’était pas un problème pour le réseau, mais plutôt une partie de la solution ?
L’infrastructure de recharge en 2024 consomme-t-elle beaucoup ?
L’Avere publie mensuellement son baromètre national des infrastructures de recharge ouvertes au public, où nous apprenons notamment qu’il y a plus de 150 000 points de recharge ouverts au public au 31 octobre 2024. Nous pourrions alors imaginer qu’avec si peu de chargeurs par rapport au nombre de voitures en circulation, ces derniers vont être surchargés, et donc consommer énormément d’énergie. La réalité ne pourrait en être plus éloignée.
En effet, en octobre 2024, la consommation totale des points de charge en France était estimée à 45,9 GWh par l’Avere. En face, RTE montre une consommation environ 740 fois plus importante sur le mois. En d’autres termes, la consommation des points de charge en octobre 2024 en France ne représentait pas plus de 0,14 % de la consommation électrique du pays.
Ces chiffres sont toutefois à modérer : ils ne prennent pas en compte la charge à domicile, mais là encore il est facile de montrer qu’elle ne serait pas significative pour le moment. En prenant des majorants pour toutes les entités, et donc en considérant qu’une voiture électrique parcourt 1 000 km par mois, en consommant 18 kWh aux 100 km et en imaginant qu’il y en a 2 000 000 à recharger à domicile, la consommation totale mensuelle atteint 0,36 TWh.
Cela représente autour de 1 % de la consommation mensuelle totale du pays. Encore une fois, cette quantité est un grand majorant, puisqu’elle exclut de nombreux cas, mais elle permet de donner un ordre de grandeur sur ce que consomme la recharge à domicile des voitures électriques aujourd’hui. Sur une année, nous pourrions l’estimer à 4,5 TWh, ce qui va permettre de la comparer à d’autres postes de consommation.
Le plus gros poste de consommation au niveau des usages résidentiels — le chauffage — consomme plus de 40 TWh par an, soit 70 fois plus que la consommation des points de charge décrits par l’Avere, ou 9 fois plus que notre estimation de la consommation liée à la recharge de 2 000 000 de voitures électriques à domicile. Si vous souhaitez en apprendre plus sur la répartition de la consommation en France, EDF a une infographie disponible ici.
Quel est l’impact sur le réseau de la charge des voitures électriques ?
Comme vu plus haut, la consommation actuelle des voitures électriques est assez faible, en ne représente dans le pire des cas qu’un centième de la consommation totale. Cependant, ce qui inquiète parfois, ce n’est pas tant la consommation moyenne, mais plutôt celle en pointe. En l’occurrence, alors que lorsque l’on branche son smartphone à la maison, ce sont quelques dizaines de watts tout au plus qui sont instantanément appelés, si on branche sa voiture, ça peut être 1 000 fois plus.
En imaginant des millions de voitures électriques qui seraient branchées en même temps, court-on à la catastrophe ? Non. RTE a déjà évoqué en détail ce scénario, en le découpant en de multiples hypothèses dont les conclusions sont visibles ci-dessous.
Dans le cas le plus pessimiste, 48 TWh seraient consommés par an par les véhicules électriques, qui seraient au nombre de 8,2 millions en 2035. En plus de celà, il y aurait 1 million de véhicules électriques autonomes partagés, et 156 000 véhicules lourds électriques. Cette consommation serait alors plus élevée de 20 % par rapport à la consommation actuelle du chauffage résidentiel par exemple.
Pour autant, RTE n’imagine aucunement un souci pour répondre à cette demande, et la raison est assez simple : la consommation totale n’augmenterait pas significativement, étant donné que d’autres domaines vont réduire leur consommation d’ici 2035.
Outre la consommation totale, l’impact des voitures électriques sur le pic de consommation hivernal est également source d’inquiétude. Comme vous pouvez le voir sur les différentes hypothèses plus haut, dans le pire des cas, il y a 8 GW d’appel de puissance supplémentaire.
RTE explique ce pic dans son scénario, en précisant qu’il suffit que les charges des voitures électriques soient mieux pilotées à domicile (55 % de charges pilotées, contre seulement 40 % dans le scénario) pour éviter ce pic. En pratique, ce scénario imagine donc que la plupart des conducteurs de voitures électriques commencent leur charge en rentrant du travail, à des heures où le système est déjà en tension. En réalité, dès aujourd’hui, beaucoup profitent des heures creuses la nuit pour recharger. Il y a fort à parier qu’en 2035, ce sera encore plus le cas.
Nous avons consacré un dossier dédié aux conclusions du rapport de RTE sur la mobilité électrique à venir ici, si vous souhaitez en apprendre plus sur le sujet.
Les voitures électriques sont la solution, pas le problème
Il est admis que d’ici une dizaine d’années, la consommation des véhicules électriques devrait représenter environ 10 % de la consommation totale française. Il est important de mettre ce chiffre en comparaison avec d’autres données sur la consommation électrique. Par exemple, entre 2000 et 2010, la consommation française a augmenté de plus de 10 %, et le réseau a su s’adapter sans aucun souci.
Il y a des raisons d’être optimiste quant à l’impact des véhicules électriques sur le réseau, car comme le rapelle RTE, cela devrait présenter une bonne opportunité pour accélérer la transition énergétique. Avec plus de 22 heures par jour où une voiture est immobile en moyenne, cela fait quasiment 95 % du temps où la batterie de la voiture électrique peut être utilisée pour autre chose que rouler.
Il s’agit des technologies de recharge bidirectionnelles connues sous le nom de V2G, V2H ou encore V2L, et qui peuvent permettre aux voitures immobiles et branchées de servir de tampon, pour absorber l’électricité quand il y en a trop, et la restituer au réseau quand il n’y en a plus assez. C’est notamment le cas de la Renault 5 E-Tech.
Tout ceci va commencer à se développer dans les années qui viennent, et nous constatons déjà que l’état d’aujourd’hui ne sera pas celui de demain. Par exemple, les heures creuses devraient être modifiées d’ici 2026, notamment en période estivale, pour lier plus fidèlement la consommation aux tarifs. Ce n’est qu’un des nombreux leviers qui permettront à RTE de s’assurer d’un approvisionnement correct en électricité, sans tension sur le réseau, pour toute la France.
La consommation des véhicules électriques n’est pas source d’inquiétude
Vous l’aurez compris, il n’y a pas lieu de s’alarmer vis-à-vis de la consommation des véhicules électriques en France. Que ce soit aujourd’hui, avec autour de 2 millions de voitures branchées, ou dans dix ans avec jusqu’à 15 millions selon les prévisions les plus réalistes, le réseau électrique national est bâti pour pouvoir y faire face.
Les pouvoirs publics ont toutefois leur rôle à jouer, non seulement en incitant les particuliers à passer à l’électrique, mais aussi en proposant des ajustements tarifaires qui sont en adéquation avec les capacités réelles de production. Cela passe aujourd’hui par un ajustement des heures creuses pour mieux coller à la réalité, et pourquoi pas demain à des tarifs négatifs pour revendre l’électricité contenue dans la batterie de sa voiture si le réseau en a besoin.
L’avenir devra être fait de voitures électriques combinées aux énergies renouvelables pour s’assurer une mobilité décarbonée, et si ces deux conditions sont réunies, il y aura bien plus de leviers de gestion du système électrique qu’aujourd’hui.
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