
L’ancien patron de Renault-Nissan vient de lâcher ce que tout le monde pense tout bas dans l’industrie.
Dans une interview donnée à Legend depuis son exil libanais, Carlos Ghosn ne mâche pas ses mots : les constructeurs chinois sont « extraordinaires » et représentent une menace existentielle pour les marques européennes moyennes. Renault, Nissan, Mitsubishi ? « Ça me fend le cœur », avoue-t-il. L’homme qui a sauvé Nissan de la faillite et bâti l’Alliance observe aujourd’hui le naufrage en direct. Et son diagnostic est brutal : « Maintenant c’est une question de vie ou de mort« .
Avec plus de 150 marques actuellement commercialisées, la Chine est bien décidée à se faire une place de choix sur le marché automobile mondial.
Quand Carlos Ghosn teste une Xpeng
Voilà une image savoureuse : l’ancien patron de la troisième alliance automobile mondiale qui emprunte des voitures chinoises pour le weekend. Les distributeurs libanais lui prêtent des Xpeng, des BYD, des Range Rover ou des Mercedes pour avoir son avis. Gratuitement. Parce qu’ils ont « la chance d’avoir quelqu’un qui connaisse bien à domicile« .
Le verdict de l’homme qui a vendu 10 millions de voitures par an ? « Extraordinaire. » Pas « pas mal », pas « intéressant ». Non : extraordinaire.
Et Carlos Ghosn sait de quoi il parle. Il a managé des dizaines de lancements de modèles, négocié avec des gouvernements, restructuré des usines sur trois continents. Quand il dit que les Chinois font du bon boulot, ce n’est pas de la politesse diplomatique. C’est un constat technique froid.
« Un véritable danger » : la formule qui tue
Carlos Ghosn ne s’embarrasse pas de nuances : les constructeurs chinois sont « un véritable danger pour les marques moyennes« . Renault, Nissan, Mitsubishi, Peugeot, Citroën, Opel et consorts sont dans la ligne de mire.
Pour aller plus loin
L’invasion chinoise de l’automobile en Europe : la part de marché des constructeurs chinois explose en 2025
Pourquoi « moyennes » ? Parce que les marques de luxe (Mercedes, Audi, Ferrari, Maserati) ont encore une marge de manœuvre. Le prestige, l’histoire, le savoir-faire allemand ou italien. Ça compte encore. Pour combien de temps ? Carlos Ghosn le concède : « Les Chinois ont bien dit qu’ils allaient monter en gamme« . Ils vont venir chercher tout le monde.
Si vous n’avez pas un leadership de taille, vous avez cette vague déferlante chinoise qui vous arrive avec de la technologie, des coûts, de la logistique, une ambition, un support inconditionnel par l’État chinois.
Mais pour les marques du milieu, celles qui ne peuvent ni jouer sur le prix (impossible de battre les Chinois) ni sur le luxe (elles n’en ont pas les codes), c’est maintenant.
La liste des avantages chinois selon Ghosn :
- Technologie de pointe (batteries, software, électronique)
- Coûts imbattables
- Logistique efficace
- Ambition débordante
- Support inconditionnel de l’État chinois
En face ? Des constructeurs européens « managés par des gens qui n’ont malheureusement pas le niveau. » Aïe. Carlos Ghosn ne cite personne, mais on imagine bien qui il vise.
Renault-Nissan : « Ça me fend le cœur »
Le passage le plus dur de l’interview, c’est quand Ghosn parle de son ancienne maison. « Ça me fend le cœur de les suivre. » L’homme qui a sauvé Nissan en 1999, qui a fait de l’Alliance un géant mondial, regarde aujourd’hui le naufrage.
Le bilan depuis 2018 (l’année de son éviction) :
- Volumes en chute
- Ambitions revues à la baisse
- Technologie à la traîne
- Action Renault : -50%
- Action Nissan : -67%
Mais le pire, pour Ghosn, c’est l’arnaque : « L’Alliance n’existe plus, contrairement à tout ce qu’on nous raconte ». Renault et Nissan font semblant de bosser ensemble, mais dans les faits, chacun tire de son côté. Les synergies promises ? Mortes. L’achat en commun pour négocier les prix ? Fini. Les plateformes partagées ? Au point mort.
« On a trompé les employés et les actionnaires« , lâche-t-il. Direct.
Nuance importante : Renault a quand même sorti une gamme électrique cohérente (R5, R4, Mégane, Scénic, Twingo, Alpine). Mais est-ce suffisant face à BYD qui vend 15 fois plus de voitures électriques ? On verra dans 2-3 ans.
« Maintenant c’est une question de vie ou de mort »
Carlos Ghosn a toujours dit qu’il fallait être novateur dans l’automobile. Mais avant, « ça passait encore. » Aujourd’hui ? « Ça ne passe plus. »
La vague chinoise n’est pas une menace théorique. BYD est déjà le premier constructeur mondial de voitures électriques (on a d’ailleurs pu voir leurs dernières modèles). Xpeng (prononcez « Chipeng », il existe dessus dans l’interview) développe des systèmes de conduite autonome qui rivalisent avec Tesla. Nio propose des batteries échangeables en 5 minutes. Geely possède Volvo, Polestar, Lotus ainsi que Zeekr, et une partie de Mercedes avec la marque Smart. Et Xiaomi arrive fort.
On pense à BYD, mais également à MG ou encore plus récemment à Xpeng. Sans oublier Omoda et Jaecoo, qui viennent d’annoncer leur arrivée en France dès le printemps 2026.
Face à ça, les constructeurs européens doivent être « très créatifs« . Mais avec des directions « qui n’ont pas le niveau », comment faire ? Carlos Ghosn ne le dit pas explicitement, mais le sous-texte est limpide : il faut virer les managers médiocres et recruter des vrais leaders.
Il va falloir être novateur dans les années qui arrivent pour les marques européennes. Mais maintenant c’est une question de vie ou de mort.
Sinon, dans 10 ans, on conduira tous des voitures chinoises. Et Renault fera des petits utilitaires électriques pour la Poste. Si l’entreprise existe encore.
Carlos Ghosn a peut-être fui le Japon dans une malle, mais il n’a rien perdu de sa lucidité sur l’industrie automobile. Son diagnostic sur la menace chinoise est le plus clair et le plus brutal que j’aie entendu d’un ancien grand patron.
Les constructeurs chinois ne sont pas une menace future. Ils sont déjà là. Ils ont la technologie, les coûts, l’ambition et le soutien de Pékin.




Ce contenu est bloqué car vous n'avez pas accepté les cookies et autres traceurs. Ce contenu est fourni par Disqus.
Pour pouvoir le visualiser, vous devez accepter l'usage étant opéré par Disqus avec vos données qui pourront être utilisées pour les finalités suivantes : vous permettre de visualiser et de partager des contenus avec des médias sociaux, favoriser le développement et l'amélioration des produits d'Humanoid et de ses partenaires, vous afficher des publicités personnalisées par rapport à votre profil et activité, vous définir un profil publicitaire personnalisé, mesurer la performance des publicités et du contenu de ce site et mesurer l'audience de ce site (en savoir plus)
En cliquant sur « J’accepte tout », vous consentez aux finalités susmentionnées pour l’ensemble des cookies et autres traceurs déposés par Humanoid et ses partenaires.
Vous gardez la possibilité de retirer votre consentement à tout moment. Pour plus d’informations, nous vous invitons à prendre connaissance de notre Politique cookies.
Gérer mes choix