Mercedes fait marche arrière : « Nous avons changé de cap sur l’électrique »

EQS vs Classe S

 
L’EQS devait révolutionner le luxe automobile électrique. Deux ans après son lancement, Mercedes admet l’échec et révise sa stratégie : les moteurs thermiques vont rester plus longtemps que prévu.

Ola Källenius, PDG de Mercedes, vient de l’avouer au média Auto Motor und Sport : « Les thermiques hybrides dureront plus longtemps que prévu« . Traduction : Mercedes abandonne son objectif de devenir 100 % électrique d’ici 2030. Une volte-face qui confirme ce qu’on observe depuis des mois : l’EQS, leur voiture électrique phare, est un échec commercial retentissant.

L’EQS, un flop malgré la technologie de pointe

L’EQS était censée être la « Classe S électrique », le summum du luxe allemand en version zéro émission. Sur le papier, tout était parfait : autonomie record, technologie Hyperscreen, finitions irréprochables. Dans la réalité, les ventes sont catastrophiques.

Les clients fortunés de Mercedes boudent massivement l’EQS pour rester fidèles à la Classe S thermique. Pourquoi ? Plusieurs raisons s’accumulent. D’abord, l’autonomie réelle reste insuffisante pour cette clientèle habituée aux longs trajets sans contrainte.

Mercedes EQS

Mais il y a aussi une dimension plus subtile : l’aspect politique. Acheter une Classe S, c’est assumer un certain statut social. Beaucoup de dirigeants et de personnalités fortunées ne veulent pas « faire dans l’écologie » par principe, ou craignent que l’électrique ternisse leur image de puissance. L’EQS, malgré ses qualités, n’a pas réussi à convaincre cette clientèle conservatrice.

AMG contraint de remettre les V8 au menu

Le second révélateur de l’échec de la stratégie électrique de Mercedes, c’est ce qui s’est passé chez AMG. Pour respecter les normes européennes, la division sportive avait misé sur des moteurs 4 cylindres hybrides. Même avec 680 chevaux, ces voitures ont fait un bide.

Les clients d’AMG, qui dépensent plus de 100 000 euros, exigent le grondement d’un V8. Point final. Mercedes a donc été contrainte de réintégrer ses gros moteurs dans la gamme, certes électrifiés, mais toujours thermiques. BMW l’avait compris plus tôt en annonçant qu’ils continueraient à développer leurs 6 et 8 cylindres.

C’est révélateur : dans le luxe, l’émotion prime sur la raison écologique. Un moteur électrique, même plus puissant, ne procure pas les mêmes sensations qu’un V8 atmosphérique. Mercedes l’a appris à ses dépens.

La CLA électrique, dernier espoir de démocratisation

Face à ces échecs dans le haut de gamme, Mercedes mise maintenant sur la future CLA électrique pour réussir sa transition. Cette fois, l’approche est différente : cibler le grand public avec une voiture abordable et une autonomie vraiment convaincante.

La CLA électrique ne sera pas la Mercedes la moins chère, mais elle vise un positionnement plus accessible que l’EQS. Mercedes a compris que pour réussir en électrique, il faut d’abord convaincre les classes moyennes supérieures, pas forcément les ultra-riches. L’autonomie sera l’argument massue : Mercedes promet des performances qui pourraient enfin rivaliser avec le thermique. On parle d’une autonomie de 792 km, Mercedes annonce aussi 325 km d’autonomie récupérés en 10 minutes, avec une puissance maximale de charge de 320 kW. Tout cela grâce à la nouvelle architecture 800 volts.

Mercedes CLA 2025

Cette stratégie s’inspire de Tesla, qui a démocratisé l’électrique premium avec la Model S, puis généralisé avec la Model 3. Mercedes espère reproduire ce schéma avec la CLA, après avoir échoué à faire de l’EQS leur « Model S allemande ».

Pragmatisme ou aveu d’échec ?

Ola Källenius assume cette nouvelle ligne « rationnelle » : vendre la bonne technologie au bon endroit. Hybrides et gros moteurs aux États-Unis et en Europe pour ceux qui peuvent payer, électrique en Chine où c’est devenu indispensable pour survivre.

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Cette approche ressemble à celle de Toyota, longtemps moquée pour son « retard » sur l’électrique, mais qui se révèle aujourd’hui pertinente. Proposer plusieurs technologies selon les marchés et les usages, plutôt que de forcer un passage à l’électrique partout.

En Chine, Mercedes n’a pas le choix : les clients locaux veulent de l’électrique, du logiciel avancé, et considèrent leur voiture comme « un deuxième salon ». L’EQS y fonctionne mieux qu’en Europe, mais la concurrence locale sur le premium électrique devient féroce.

L’électrique premium, un marché qui n’existe pas encore

Au final, l’échec de l’EQS montre aussi que le marché du luxe électrique n’existe pas vraiment en Europe. Les clients fortunés ne sont pas prêts à abandonner leurs habitudes, leurs codes, et surtout leurs moteurs thermiques.

Mercedes le reconnaît implicitement en gardant même son V12 pour les Maybach. Quand on peut se payer une Classe S à 150 000 euros, on s’affranchit des considérations écologiques du commun des mortels. L’autonomie, la recharge, les contraintes : tout cela devient secondaire face au plaisir et au statut social.

L’avenir de l’électrique se joue donc ailleurs : sur les segments plus accessibles, avec des voitures comme la future CLA. Mercedes l’a compris, mais après avoir perdu beaucoup de temps et d’argent sur l’EQS.


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