Avant, tout était sous contrôle. Depuis les années 60, Toyota régnait en maître dans la gestion de la fabrication de ses voitures. La clef de voûte : le Toyotisme, un ensemble de concepts qui, rassemblés, permettent d’optimiser à des niveaux jamais vus la production en usine de ses voitures. Des stocks réduits au maximum, un esprit d’amélioration continue et une volonté d’éradiquer le moindre gaspillage ont porté leurs fruits : Toyota est le constructeur numéro un mondial et compte bien le rester.
Quand soudain surgit face au vent
Et puis arrive Elon Musk qui annonce, comme ça, la Giga Press. L’idée est simple : jusqu’à présent, le châssis d’une voiture était composé d’une myriade de petits composants soudés entre eux. Avec la Giga Press, plus rien à voir : d’immenses presses hydrauliques forment d’énormes morceaux de châssis, réduisant drastiquement le nombre de pièces utilisées. Par exemple, sur les Model Y, on est passé de 171 pièces à…deux !
Encore plus fort, Tesla ne compte pas s’arrêter là : pour sa voiture à 25 000 dollars (qui sera fabriquée en Europe), la marque compte carrément créer une seule pièce regroupant 400 composants. Du jamais vu. Sur le papier, c’est tout bénef : la voiture est plus rigide et plus légère, gage sur une voiture électrique d’une meilleure autonomie ; côté production, la fabrication est plus rapide, et donc moins coûteuse.
L’illustration ci-dessus explique parfaitement les différences entre un assemblage traditionnel, que Toyota utilise actuellement, et la nouvelle méthode de Tesla. Dans le schéma classique, les pièces sont moulées séparément puis soudées entre elles ; elles sont ensuite assemblées à blanc lors de l’étape qu’on appelle le ferrage. La caisse, nue, passe ensuite à la peinture, avant qu’on enlève ses portes afin de faciliter le travail des ouvriers : l’ensemble des pièces d’habillement du véhicule sont posées le long d’une ligne d’assemblage (sièges, garnitures, planche de bord, optiques, pare-chocs etc). Les portes reviennent à la fin et la voiture peut partir.
Chez Tesla, c’est radicalement différent : une première pièce arrière est moulée sur lesquels des ouvriers installent le moteur et la banquette arrière. Une seconde pièce avant est moulée en parallèle dans lequel on installe l’autre moteur (dans le cas d’une Tesla à transmission intégrale), puis on assemble ces deux pièces à la batterie faisant office de plancher central — les sièges avant et la planche de bord y ont auparavant été fixés. Il ne reste plus qu’à ajouter la carrosserie peinte en amont, le toit et les roues pour avoir une voiture complète. Rien à voir, donc.
Action — réaction
En face, on est pris de court. Même Toyota est bien obligé de l’avouer : c’est du beau travail, et un avantage concurrentiel sans équivalent. Les ventes parlent d’elles-mêmes : le Model Y est la voiture la plus vendue en Europe depuis le début de l’année, toutes énergies confondues ! En face, Toyota fait grise mine et a même complètement raté le lancement de son premier modèle, le bZ4X.
Il faut donc réagir. Comment ? Faut-il reprendre au mot près la stratégie de Tesla ? D’après le Financial Times, Toyota…va faire du Toyota. Comprenez par là que oui, la marque japonaise va reprendre l’idée de la Giga Press, mais de façon modérée. D’une part, car Toyota reste confiant dans sa capacité à innover dans ce secteur, mais aussi parce que cette technologie a un vrai défaut : la réparabilité est en nette baisse.
Concrètement, si une pièce issue d’une Giga Press est touchée lors d’un accident, le remplacement serait tellement coûteux que la voiture terminera très certainement à la casse, quand bien même, il aurait été économiquement envisageable de ne remplacer que la petite pièce endommagée sur un modèle « traditionnel ». Et comme on l’a vu, Toyota n’aime pas gâcher.
Une histoire d’état d’esprit ?
Si on creuse un peu plus le sujet, on peut finalement trouver une vraie logique dans cette décision : d’un côté, on a Tesla, qui s’est fait une spécialité d’innover de fond en comble, quitte à déstabiliser à peu près tout le monde, clients compris. Et de l’autre, il y a Toyota, un constructeur quasi centenaire, établi, avec des règles, une culture et une inertie qui n’a pas grand-chose à voir avec le turbulent américain. Il sera intéressant de voir comment vont évoluer ces deux états d’esprit dans les années à venir !
Cette petite révolution n’est cela dit qu’une partie des immenses travaux mis en place par Toyota pour concevoir plus efficacement ses prochaines voitures électriques. En plus de cette nouvelle manière de produire les voitures, la marque japonaise prévoit d’utiliser de nombreux autres outils, à l’image de la modélisation 3D, mais aussi de faire rouler les voitures d’elles-mêmes dans l’usine. Les batteries solides seront également un grand pas en avant, puisque Toyota annonce des autonomies d’environ 1 200 km pour ses futures voitures électriques.
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