Voici pourquoi les batteries chinoises de voitures électriques ne vont plus dominer le monde dans quelques années

 
Les États-Unis ne sont pas réputés pour leur attrait envers la voiture électrique. Les normes sont beaucoup moins strictes qu’en Europe et le seront encore moins à l’avenir avec Donald Trump comme pensionnaire de la Maison Blanche. Mais malgré tout, les USA parviennent à dépasser l’Europe dans un domaine que le Vieux Continent priorise : la production de batteries pour les voitures électriques.

Les États-Unis et la voiture électrique, ça n’a jamais vraiment été le grand amour, même s’il y a eu rapprochement pendant le mandat de Joe Biden.

Mais depuis l’investiture de Donald Trump, la voiture électrique devrait prendre du plomb dans l’aile, le président actuel étant formellement opposé non pas à cette technologie, mais à l’adoption à marche forcée d’une énergie qui ne conviendrait pas à tous les Américains.

Les États-Unis et son univers impitoyable (pour la voiture électrique)

Globalement, aux États-Unis, la transition vers les voitures électriques rencontre une résistance plus marquée que dans d’autres régions du monde. Cela s’explique en grande partie par le poids économique de l’industrie pétrolière.

Premier producteur mondial de pétrole, le pays tire une part importante de ses revenus et de ses emplois de cette filière, particulièrement dans des États comme le Texas ou le Dakota du Nord. Par conséquent, une adoption massive des véhicules électriques menacerait cet équilibre. Depuis plusieurs années, cela entraîne un lobbying puissant en faveur des modèles thermiques et une certaine inertie politique face aux politiques de décarbonation.

N’oublions pas également que la culture automobile américaine joue également un rôle non négligeable. Depuis des décennies, les clients américains privilégient les gros véhicules : pick-ups, SUV, muscle-cars, synonymes de puissance et de liberté. Or, l’offre de véhicules électriques dans ces segments reste limitée ou onéreuse, et certains clients perçoivent encore ces modèles comme peu adaptés aux longs trajets ou à la conduite hors des grandes agglomérations.

Ford F-150 Lightning

Cette perception est renforcée par des infrastructures de recharge inégalement réparties, notamment en milieu rural, où l’autonomie et la disponibilité de bornes restent des freins à l’adoption de la voiture électrique.

Le débat autour des voitures électriques est aussi fortement politisé. Dans de nombreux États conservateurs, elles sont perçues comme un symbole des politiques environnementales portées par les Démocrates, ce qui alimente une opposition idéologique. Certains gouverneurs ou élus freinent volontairement les incitations fiscales ou les investissements publics dans les infrastructures de recharge. Le poids des lobbys pétroliers et de l’industrie automobile traditionnelle contribue aussi à maintenir ce clivage politique autour de la voiture électrique.

Enfin, et comme en Europe, la question du prix reste un frein important pour une large partie de la population. Malgré la baisse progressive des prix, les véhicules électriques restent en moyenne plus chers à l’achat que les modèles thermiques. Pour de nombreux foyers, surtout en milieu rural ou périurbain, l’achat d’un pick-up ou d’un SUV thermique d’occasion reste plus abordable et plus en phase avec les usages quotidiens.

Le marché de la voiture électrique aux USA en quelques chiffres

Et dans les chiffres, comment cela se matérialise ? Par un sacré retard face à la Chine et à l’Europe. En Chine, la part de marché du tout électrique en 2024 s’élève à environ 50 % (en excluant les hybrides), tandis que l’Europe oscille entre 15 et 20 % en fonction des mois. Toutefois, la voiture électrique a enregistré une hausse de 25,6 % des ventes en 2024 par rapport à 2023 dans le monde, et les États-Unis ont même participé à ce bon score !

Le marché a enregistré un total de 1,3 million de voitures électriques écoulées en 2024, ce qui se traduit par une hausse de 7,3 %, pour une part de marché totale de 8,1 % (7,8 % en 2023). Sans surprise, les Tesla Model Y et Model 3 occupent les deux premières places du podium avec 372 613 et 189 903 unités respectivement. Loin derrière avec 51 745 exemplaires, le Ford Mustang Mach-E occupe la troisième marche.

Les Hyundai Ioniq 5 (44 400 exemplaires) et Tesla Cybertruck (38 965 modèles) complètent le Top 5. Le pick-up électrique de Tesla détrône le Ford F-150 Lightning (33 510 exemplaires), habituellement en tête de la catégorie. De l’autre côté, 700 000 F-150 thermiques ont trouvé preneur l’an dernier.

Un changement politique non sans quelques conséquences pour l’expansion de la voiture électrique

Bref, vous l’aurez compris, la voiture électrique et les États-Unis, ce n’est pas encore la grande histoire d’amour, même si les chiffres montrent une réelle progression. Le récent changement de président devrait faire ralentir la progression des ventes d’électriques dans le pays, non pas forcément en raison de l’augmentation des droits de douane sur les véhicules importés, mais plutôt en raison de l’arrêt brutal de l’Inflation Reduction Act instauré par Jor Biden.

L’Inflation Reduction Act, qu’est-ce que c’est ? Dans l’unique cadre de l’industrie automobile, la loi mettait en place des crédits d’impôt substantiels pour l’achat de véhicules électriques neufs et d’occasion, mais avec des conditions strictes visant à favoriser la production et l’approvisionnement nord-américains. Pour bénéficier du crédit d’impôt complet de 7 500 dollars pour un véhicule neuf, les véhicules doivent être assemblés en Amérique du Nord, et une part croissante de leurs composants de batterie (matériaux critiques et fabrication) doit provenir de sources nord-américaines ou de pays avec lesquels les États-Unis ont des accords de libre-échange.

Cette exigence de « Buy American » est conçue pour stimuler la création d’une chaîne d’approvisionnement sur le continent, réduisant la dépendance vis-à-vis d’autres régions, notamment la Chine, pour les minéraux critiques et les composants de batteries.

Ces conditions ont créé quelques remous à l’échelle mondiale. De nombreux constructeurs, y compris européens et asiatiques, ont dû revoir leurs stratégies de production et d’approvisionnement pour s’adapter à ces nouvelles règles, souvent en annonçant des investissements massifs dans la fabrication de batteries et l’assemblage de véhicules aux États-Unis.

L’Europe en particulier a exprimé de vives préoccupations, arguant que ces subventions sont discriminatoires et potentiellement en violation des règles de l’Organisation Mondiale du Commerce. Cette situation a non seulement stimulé la concurrence entre les nations pour attirer les investissements dans l’industrie des véhicules électriques, mais elle a également poussé d’autres blocs économiques à envisager des mesures similaires pour protéger et développer leurs propres industries vertes, modifiant ainsi le paysage géopolitique de la transition énergétique.

Fabriquer aux États-Unis pour les États-Unis

Et les constructeurs n’ont pas attendu pour relocaliser et investir de nouveau aux États-Unis. General Motors investit massivement dans la production de batteries pour véhicules électriques, avec quatre usines en cours de développement.

En collaboration avec LG, General Motors a engagé plus de 7 milliards de dollars dans trois usines Ultium Cells, spécialisées dans les batteries NMC (nickel-manganèse-cobalt). La première usine à Warren, dans l’Ohio, a débuté la production en 2022 avec une capacité annuelle de 41 GWh, suivie par celle de Spring Hill, dans le Tennessee, qui a commencé ses activités en mars 2024. Une troisième usine près de Lansing, dans le Michigan, est en construction et doit produire 36 GWh par an à partir de cette année. De plus, General Motors s’est associé à Samsung SDI pour une quatrième usine de 3,5 milliards de dollars près de New Carlisle, dans l’Indiana, qui devrait commencer sa production en 2026 avec une capacité de production de plus de 30 GWh par an.

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D’autres acteurs de l’industrie automobile et de la batterie investissent également aux États-Unis. Hyundai a réalisé deux investissements en Géorgie, pour un total de 12,6 milliards de dollars. Toujours en partenariat avec LG, une usine qui aura coûté près de 7,6 milliards de dollars doit commencer la production de batteries au troisième trimestre 2025 avec une capacité de 35 GWh.

Simultanément, une usine construite en collaboration avec SK On et qui a coûté 5 milliards de dollars, est également prévue pour le second semestre 2025 avec la même capacité. Toyota construit aussi un complexe de 13,9 milliards de dollars en Caroline du Nord, visant une production annuelle de 30 gWh dès le premier trimestre 2025. Enfin, Gotion a investi 2,4 milliards de dollars dans une usine dans le Michigan, avec une capacité de 100 GWh par an.

Ford s’est également positionné sur le marché des batteries avec plusieurs projets en partenariat avec SK On. Les deux projets BlueOval SK à Glendale, dans le Kentucky, et BlueOval City à Stanton, dans le Tennessee, ont coûté respectivement 5,8 milliards et 2,2 milliards de dollars.

Parallèlement, LG Energy a investi 5,5 milliards de dollars dans un campus de fabrication à Queen City, dans l’Arizona, qui produira des batteries cylindriques et des systèmes de stockage d’énergie à partir de 2026, avec une capacité annuelle de 36 GWh.

Les États-Unis ont dépassé l’Europe en termes de production de batteries

Bref, vous l’aurez compris, les États-Unis ne sont pas une terre inhospitalière envers la voiture électrique, du moins quand elle est fabriquée sur place. Et même si la politique américaine envers la voiture électrique est largement moins incitative qu’en Europe, l’Europe qui, pour rappel, veut stopper les ventes de voitures neuves dotées d’un moteur thermique d’ici 2035 et impose également des sanctions en cas de dépassement des normes CO2, se fait coiffer au poteau par les USA en termes de production de batterie.

Même si les projets ne manquent pas en Europe, notamment avec la « Vallée de la Batterie » en France, les États-Unis ont largement accéléré ces dernières années à ce niveau, comme en témoignent les chiffres avancés par l’Agence Internationale de l’Énergie.

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En 2024, la capacité mondiale de fabrication de cellules de batteries a connu une croissance de près de 30 %, atteignant ainsi plus de 3 TWh. Cette capacité représente trois fois la demande combinée en véhicules électriques et en stockage de batteries pour la même année.

Sans surprise, la Chine conserve une position dominante, avec environ 85 % de la capacité de la production mondiale, et plus de 75 % de cette capacité est détenue par des producteurs chinois, une situation similaire à celle de 2023. Aux États-Unis, la capacité de fabrication a bondi de près de 50 %, principalement grâce aux investissements des entreprises coréennes, attirées par les crédits d’impôt. Cette expansion a, de ce fait, permis aux États-Unis de dépasser la capacité de production européenne, qui a néanmoins augmenté de 10 % en 2024, malgré la faillite de l’usine Northvolt en Suède.

Comme énoncé plus haut, les fabricants coréens sont les principaux investisseurs étrangers dans la production de batteries, avec des investissements représentant plus de 400 GWh à l’échelle mondiale, comparé à 60 GWh pour les producteurs japonais et 30 GWh pour les producteurs chinois. En Europe, des entreprises coréennes comme LG (en Pologne), Samsung et SKI (en Hongrie) se sont installés également, mais le marché américain offrant plus de perspectives avec un volume plus important qu’en Europe, leurs efforts se sont concentrés ces dernières années sur les États-Unis, notamment grâce aux aides mises en place par le gouvernement Biden.

Si tous les projets actuellement annoncés se concrétisent, la capacité de production des fabricants coréens en dehors de la Corée pourrait atteindre plus de 1,1 TWh d’ici 2030, ce qui représente une augmentation de 85 % par rapport à la capacité de production annoncée à l’étranger par les fabricants chinois.

L’Europe pose ses pions doucement mais sûrement

Les projets déjà engagés (en construction ou ayant été validé avec un plan de financement voté) vont augmenter la capacité de production chinoise de près de 60 %, et celle de l’Union européenne et des États-Unis va être multipliée par quatre.

Cette expansion portera la capacité de fabrication mondiale à environ 6,5 TWh (et plus de 9 TWh si l’on inclut tous les projets en cours), contre 3,3 TWh en 2024. Cela réduira même la part de la Chine dans la capacité de production mondiale à environ deux tiers d’ici 2030, contre 85 % en 2024.

L’Europe est d’ailleurs la principale destination des investissements étrangers des fabricants chinois de batteries comme CATL ou encore BYD. Leur part dans la capacité de production en Europe pourrait tripler, passant de moins de 10 % en 2024 à plus de 30 % d’ici 2030. Par conséquent, la part des entreprises coréennes dans la production de batteries en Europe devrait chuter fortement, passant d’environ 85 % en 2024 à près de 30 % en 2030.


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