Comment le PS Plus devient l’arme de PlayStation contre le Xbox Game Pass

 
L’abonnement PlayStation Plus a entamé un virage stratégique qui a pu passer inaperçu. Il est pourtant crucial pour la marque face au Xbox Game Pass.

Microsoft n’est clairement pas sortie victorieuse de la précédente génération de consoles. Alors que la PlayStation 4 et la Nintendo Switch ont ou devraient dépasser largement les 100 millions d’exemplaires vendus, la Xbox One semble avoir stagné autour des 60 millions d’exemplaires. Cela représente d’ailleurs une baisse significative vis-à-vis de la Xbox 360, vendu à 84 millions d’exemplaires. Pourtant, depuis deux ans, l’industrie du jeu vidéo n’a plus qu’une marque à la bouche : Xbox Game Pass.

Depuis le début de l’année 2018, il ne se passe plus un mois sans que l’on se pose des questions sur le futur du Xbox Game Pass, sa rentabilité, son potentiel, les nouveaux jeux qui intègrent l’abonnement de Microsoft, ou encore son arrivée sur de nouvelles plateformes, notamment grâce à xCloud. C’est aussi cet abonnement qui a été le moteur des rachats de studios par Microsoft, jusqu’au géant du secteur, Zenimax Bethesda.

Alors forcément, nombreux sont les analystes à s’interroger sur la stratégie de Sony : faut-il imaginer un PlayStation Game Pass ? Comment la marque pourrait-elle réagir si le Xbox Game Pass venait à devenir un succès incontournable. Comment la firme peut-elle ajuster sa stratégie, pour le moment orienté vers la vente en masse de blockbusters ? Depuis plusieurs mois, Sony semble discrètement nous apporter un début de réponse.

Pourquoi Sony ne lance pas un PlayStation Game Pass ?

D’abord il faut se remettre dans la perspective de Sony. Le fabricant japonais ressort complètement victorieux de la précédente génération de console. D’une part la PlayStation 4 a été un carton incroyable, défiant toutes les prédictions d’analystes, nombreux craignaient en 2013 que le marché du jeu mobile phagocyte celui de la console. D’autre part, avec la PS4, Sony a énormément renforcé son portefolio de jeux cultes. En plus de l’indétrônable Uncharted, on peut compter sur Ratchet & Clank, Horizon, God of War, The Last of Us ou encore Days Gone. Autant de titres qui enflamment aussi bien la critique que les ventes quand ils sortent.

Sony a un incroyable catalogue d’exclusivités

Quand on arrive à vendre des jeux à 70 ou 80 euros l’unité, dès leurs sorties, à des millions d’exemplaires, on n’a évidemment pas d’intérêt à les « offrir » dans un abonnement mensuel. Si Microsoft a entamé cette stratégie, c’est justement parce que la firme de Redmond n’avait pas d’exclusivités aussi fortes, et n’arrivait pas à concurrencer Sony sur la même stratégie. Aujourd’hui, Xbox a trouvé au travers du Game Pass, son identité la distinguant de PlayStation et Nintendo.

Pour prendre une analogie avec le monde du cinéma, situation sanitaire mise de côté, on imagine mal Disney souhaiter proposer le prochain Avengers dès le premier jour sur Disney+, et se passer des éventuelles ventes de tickets ou de Blu-ray, contrairement à Netflix qui mise avant tout sur son service d’abonnement.

Pour autant, avec le Xbox Game Pass, Microsoft arrive à convaincre de plus en plus d’éditeurs et de développeurs indépendants de se lancer dans l’aventure. Ce ne sont pas des titres développés par Microsoft, ou même des exclusivités, mais ils sont disponibles dès leurs sorties sur Xbox, dans le Game Pass. C’est le cas par exemple de SpiritFarer, sorti le même jour sur plusieurs plateformes, dont la Nintendo Switch ou la Xbox, mais dès le premier jour dans l’abonnement de Microsoft. Contre cette percée, Sony semble avoir développé une nouvelle stratégie.

Le PS+ devient fer de lance de Sony sur l’abonnement

Sony n’est pas complètement absent des services d’abonnement dans le jeu vidéo. La marque propose notamment depuis 2006 son service PS+ qui permet à ce jour de jouer en ligne sur les consoles PlayStation, mais aussi et surtout de recevoir quelques titres chaque mois « gratuitement » du moment que l’on reste abonné. Ce service est un véritable succès pour Sony, et les revenus générés permettent notamment à la marque de sillonner vers une année record, alors que les années de lancement de consoles sont habituellement dans le rouge, en raison des investissements demandés.

Depuis plusieurs mois, la marque a commencé à discrètement faire évoluer son service. D’abord avec le lancement de la PS5, il intègre désormais un catalogue « PlayStation Plus Collection » qui permet aux abonnés d’acquérir une vingtaine des meilleurs jeux de la PS4, de façon totalement gratuite. Mais le plus intéressant, et sans doute la sélection mensuelle des jeux PS+. On parle des quelques jeux offerts chaque mois si vous êtes abonnés. Si auparavant Sony proposait d’anciens titres, parfois cultes, la marque a commencé à proposer des titres récents plus régulièrement, voir des titres le jour de leur lancement.

Bugsnax, Fall Guys, Control Ultimate Edition et Destruction All Stars

Ainsi en novembre, Sony a offert le jeu indépendant Bugsnax, dès le jour de sa sortie. Puis il a eu le cas un peu particulier de Control Ultimate Edition. Certes le jeu Control est sorti en 2019, et la version Ultimate Edition est sortie en 2020, mais son arrivée dans le PS+ en février 2021 coïncide jour pour jour avec le lancement des versions next-gen du jeu, pour PS5 et Xbox Series. Il est d’autant plus important à mentionner que le Xbox Game Pass se contente depuis décembre 2020 de la version simple du jeu, pour les consoles Xbox One.

Et il y a enfin le jeu Destruction All Stars, édité et développé pour Sony en exclusivité pour la PlayStation 5. Ce jeu a été disponible dans le PlayStation Plus dès son lancement. Si l’on remonte un peu plus loin en arrière, il faut aussi mentionner la sortie à succès de Fall Guys sur le PlayStation Plus, le carton de l’été 2020.

PlayStation le confirme : le lancement des jeux day one dans le PS+ va continuer

En marge de ses annonces sur le PlayStation VR et les stocks de la PS5, le patron de PlayStation Jim Ryan a répondu aux questions du magazine GQ, et il est revenu sur le PlayStation Plus. Dans cette interview, le magazine pose très directement la question des sorties de jeux dans le PS+ dès leur date de lancement « day one ». Jim Ryan explique que Sony compte bien continuer cette stratégie, et signer avec des éditeurs pour offrir leurs jeux dès le départ dans son abonnement.

Cette stratégie ne transforme pas tout d’un coup le PlayStation Plus en concurrence frontale du Xbox Game Pass, mais il en désarme partiellement l’un des arguments : la sortie d’un jeu dans l’abonnement. Cette impression auprès des joueurs qu’ils pourront jouer à ce jeu gratuitement sur Xbox dès sa sortie, plutôt que (le payer) sur une autre plateforme.

Une stratégie très intelligente

De tout cela commence à se dessiner une stratégie très pertinente pour PlayStation. Les grandes exclusivités des PlayStation Studio vont continuer de sortir au prix fort, et devraient très probablement bien se vendre grâce à leur grande qualité. Mais Sony va se permettre d’aller investir davantage dans le PlayStation Plus avec des mois forts, qui pousseront les joueurs à rester dans son écosystème, et surtout à garder leur abonnement. Il ne faut pas oublier que le PS+ ne coûte que 60 euros par an, contre 120 euros pour le Xbox Game Pass.

Cela permet à Sony de ne pas trahir sa vision, tout en concurrençant le service d’abonnement de Microsoft d’une façon différente, mais pertinente. Il sera très intéressant de surveiller ce que Sony proposera dans les mois à venir sur son service, pour découvrir à quel point la firme a ouvert son budget sur ce point. Ces derniers mois sont déjà encourageants.


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