Voici comment Google gagne de l’argent avec Android

 
Si Android est gratuit et open source, cela n’empêche pas l’OS mobile de rapporter beaucoup d’argent à son développeur Google. Voici comment.
Android rapporte beaucoup d’argent à Google // Source : Image générée par IA avec Canva

Android est libre et gratuit. Cette phrase est à la fois vraie et extrêmement réductrice, tant elle ne montre pas l’étendue de la manne financière que représente le système d’exploitation pour Google, son propriétaire depuis 2005.

Nous vous proposons ici de décortiquer les mécanismes utilisés par Google pour faire d’Android une affaire lucrative, que ce soit de manière directe ou indirecte.

Le dossier Google présent par défaut sur les smartphones Android regroupant plusieurs apps du géant américain. // Source : Frandroid

Pour la faire courte, voici un résumé très grossier en deux points.

  • Google gagne de l’argent directement via le Play Store grâce à des commissions sur les achats réalisés et les abonnements souscrits depuis le magasin d’applications.
  • Google s’appuie aussi sur un ingénieux système d’accords bien ficelés pour tisser un immense écosystème d’applications grâce auquel il va tirer des revenus publicitaires.

Maintenant, passons aux explications plus techniques et plus intéressantes pour assouvir notre curiosité.

Android est open source : oui, mais…

Android est le système d’exploitation mobile le plus populaire au monde en se stabilisant à plus de 70 % de parts de marché. Pour une multinationale comme Google, c’est évidemment une opportunité monstre de mettre en place un modèle économique très solide.

Certes, Android Open Source Project (AOSP) est libre et gratuit. C’est la base de l’OS et n’importe quel développeur ou entreprise peut y accéder et s’appuyer dessus pour créer une expérience logicielle sans rien devoir à Google.

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Toutefois, il y a tout un tas de subtilités à l’importance capitale qui viennent s’ajouter dès que l’on commence à s’intéresser à l’écosystème Android auquel nous sommes habitués sur nos smartphones et tablettes dans la grande majorité du globe où, comme en Europe, Android est presque indissociable des services et applications Google.

Or, ce sont justement ces applications et services qui rapportent de l’argent à Google. Pour y voir clair, il vous faudra tout d’abord retenir deux acronymes : ACC et MADA.

Deux accords primordiaux pour Google

L’ACC et le MADA sont deux accords très importants que Google présente aux marques de smartphones.

ACC : la base

ACC signifie Android Compatibility Commitment. Il s’agit d’un accord que Google met en place avec la grande majorité des entreprises exploitant la plateforme Android. En signant celui-ci, les constructeurs s’engagent à faire en sorte que leurs terminaux soient toujours compatibles les uns avec les autres. Autrement dit, c’est en grande partie grâce à l’ACC qu’une application mobile peut fonctionner de la même manière sur un Xiaomi Redmi 15 5G, un Nothing CMF Phone 2 Pro, un Samsung Galaxy S25 Ultra ou un Honor Magic V5 (sans prendre en compte les performances des différents téléphones évidemment).

Pour la petite histoire, cet accord s’appelait avant AFA pour Anti-Fragmentation Agreement.

Samsung Galaxy S25 Ultra // Source : Frandroid

Ce n’est pas encore ici que Google gagne de l’argent, mais cet accord permet au géant du web d’éviter que chaque constructeur ne s’enferme dans son propre écosystème fermé sans pour autant les empêcher de créer des interfaces maison comme One UI, HyperOS, MagicOS, ColorOS, etc. Cela participe grandement au fait que l’OS tourne sur des milliards d’appareils, ce qui le rend presque incontournable.

Précisons que quelques entreprises utilisent AOSP sans signer l’ACC, à l’instar d’Amazon qui a ainsi pu créer FireOS où une grande partie des applications Android classiques ne sont pas compatibles. L’entreprise de Jeff Bezos préfère en effet miser sur son propre écosystème.

MADA : l’accord le plus important

Une fois l’ACC signé, Google pose un autre accord sur la table : le MADA pour Mobile Application Distribution Agreement. C’est le plus important pour faire d’Android une affaire juteuse. Cet accord englobe beaucoup de choses, mais le point le plus important concerne la suite d’applications de Google.

Quand un constructeur de smartphones Android souhaite préinstaller le Play Store ou une application populaire de Google (Maps, ou YouTube par exemple), il doit signer le MADA. Et le MADA a une condition très importante à connaitre : soit le constructeur prend le package complet de toutes les applications comprises dans le MADA, soit il ne prend aucune des applications en question.

Le Play Store de Google // Source : Frandroid

Le MADA est primordial pour Google car l’entreprise perçoit des revenus publicitaires sur ses applications. En faisant en sorte que celles-ci soient présentes sur un grand nombre de terminaux, la multinationale touche évidemment plus d’argent.

Voici, ci-dessous, la liste des applications concernées par l’accord MADA. Nous avons volontairement retiré Chrome et l’application Google (pour Search) de cette liste, car ils représentent un cas particulier en Europe sur lequel nous nous attarderons juste après.

Par ailleurs, l’EMADA comprend une mise en avant sur l’écran d’accueil du Play Store et d’un dossier « Google » regroupant les apps préinstallées du géant américain (au moins celles comprises dans l’EMADA).

Les cas particuliers de Google Chrome et Google Search en Europe

En Europe, il y a une petite particularité à connaître. L’accord MADA porte le nom d’EMADA pour European Mobile Application Distribution Agreement.

Or, l’EMADA n’inclut plus deux applications dans le package de Google. Il s’agit des apps Google Chrome et Google (Search). Cela fait suite à une décision de la Commission européenne en 2018.

Les apps Google comprises dans le MADA de baseApp inclue dans l’EMADA ? (version européenne)
Play StoreOui
GmailOui
MapsOui
YouTubeOui
YouTube MusicOui
Google TVOui
Google DriveOui
Google PhotosOui
Google MeetOui
ChromeNon, optionnel
Google (Search)Non, optionnel

Google s’était alors vu infliger une amende faramineuse de 4,34 milliards d’euros pour des pratiques jugées anticoncurrentielles. C’était justement le modèle économique d’Android qui était visé et tout particulièrement la préinstallation de Chrome et Search.

Par la suite, notamment via le Digital Markets Act (DMA) mis en place en Europe, Google a été contraint de proposer aux utilisateurs Android de choisir eux-mêmes leur navigateur web et moteur de recherche par défaut lors de la première configuration d’un smartphone.

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En conséquence, pour les appareils Android vendus en Europe, les constructeurs peuvent signer un accord EMADA pour la grande majorité des applications phares de Google. Ils peuvent ensuite conclure séparément des licences optionnelles et gratuites pour Google Search ou Google Chrome s’ils veulent les inclure sur leurs produits.

L’Europe n’est pas la seule zone géographique avec une version modifiée de l’accord MADA. On peut par exemple citer l’Inde où l’IMADA a encore des règles très différentes.

Les autres accords de Google

Google a par ailleurs deux autres leviers pour persuader ses partenaires.

Un schéma résumant le modèle économique construit par Google autour d’Android en Europe. // Source : Competition & Markets Authority (Appendix C)
  • Les fabricants qui ont signé l’EMADA et possèdent une licence Search et Chrome peuvent recevoir des paiements pour chaque activation d’appareil s’ils respectent certaines conditions de mise en avant de ces deux applications dans l’interface de leurs smartphones (Placement Agreements).
  • Les fabricants et les opérateurs télécoms vendant des smartphones peuvent recevoir une proportion des revenus publicitaires provenant de Search, de Chrome et du Play Store en fonction de toute une série de conditions.
Un aperçu des différents accords prévus par Google sur Android pour une mise en avant de ses applications. // Source : Competition & Markets Authority (Appendix E)

C’est d’ailleurs encore via d’autres arrangements au cas par cas que des applications et services comme Google Assistant (obligatoire quand l’app Google est préinstallée), Gemini, Localiser mon appareil (Find My Device), Google Agenda, Google Contacts, Google Lens ou Google One peuvent aussi aussi être préinstallés. Autant d’ajouts qui servent évidemment la stratégie de la firme de Mountain View.

Gagner de l’argent avec Android

Grâce à tout cela, Google peut gagner de l’argent via Android. Cela passe évidemment par les achats et les abonnements que réalisent les utilisateurs sur le Play Store. La firme de Mountain View prélève une commission allant globalement de 15 à 30 %.

Cette commission lui échappe si vous passez par un store alternatif. Mais Google ne se contente évidemment pas de ça. Le colosse aux quatre couleurs est notamment un géant de la publicité en ligne grâce à un ciblage particulièrement sophistiqué.

Android rapporte beaucoup d’argent à Google // Source : Image générée par IA avec Canva

Les apps Google permettent justement d’affiner les données sur les habitudes et centres d’intérêt des utilisateurs et donc de rendre le ciblage publicitaire encore plus pertinent. Notez aussi que certaines apps affichent de la publicité ou des résultats de recherche sponsorisés (Search, Maps…).

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Surtout, toutes les applications de Google permettent évidemment à l’entreprise d’habituer les consommateurs à un écosystème bien identifié pour limiter les risques de les voir partir ailleurs, vers Apple et iOS par exemple.

Face à ce constat, les constructeurs de smartphones auraient forcément du mal à quitter le giron des apps Google puisque cela pourrait paraitre étrange de ne pas retrouver cette suite applicative sur leurs téléphones.

L’arrivée de l’intelligence artificielle

À tout cela s’ajoute évidemment la montée en puissance de l’intelligence artificielle. Google en est un acteur majeur avec Gemini. Et la puissance d’Android permet justement à la firme de mettre son assistant IA à disposition de milliards de personnes dans le monde (même si Gemini ne fait pas partie du MADA pour le moment).

C’est forcément une opportunité de façonner des habitudes, proposer des abonnements payants, développer de nouveaux canaux publicitaires et explorer ou optimiser des modèles économiques.

Google a carrément fusionné ses équipes Android et matérielles pour se concentrer sur l’IA, a fait de Gemini un argument phare de ses smartphones Pixel et construit aussi sa stratégie maison connectée autour de cet enjeu.

Autrement dit, aujourd’hui, pour comprendre comment Google gagne de l’argent avec Android, il faut comprendre que la multinationale a une foultitude d’activités commerciales interdépendantes.

Dans cet immense puzzle, Android est une pièce majeure, mais ce n’est pas la seule.

NB. Une première version de cet article avait été publiée en 2018 suite à une conversation à ce sujet avec Google France. Nous l’avons mis à jour avec des données plus récentes.


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