La Renault 5 E-Tech peut diviser par deux votre facture d’électricité grâce au V2G : voici nos calculs

Et on a fait les calculs !

 

La Renault 5 E-Tech électrique vient tout juste d'être officialisée. Mais elle n'arrive pas seule. Ce sera la première voiture électrique, en France, à proposer la recharge bidirectionnelle V2G. Ce qui va permettre, selon Renault, de diviser la facture d'électricité liée au coût de la recharge par deux. Nous avons pu nous entretenir avec un ingénieur en charge du projet et avons obtenu des premiers chiffres intéressants.

Renault 5 E-Tech Electric // Source : Renault

Nous avons tourné une vidéo sur le sujet et l’avons ajouté à ce papier.

Article actualisé le 5 mars 2024 avec des informations supplémentaires : Mobilize a répondu à toutes les questions que l’on se posait. Ainsi, la Renault 5 E-Tech et la borne Mobilize, ne permettront pas, dans un premier temps, d’alimenter la maison en électricité. Ce qui signifie que la fonction V2H ne sera pas proposée.

L’autre question, c’est de savoir si un client pourrait avoir plus de crédit sur sa facture d’électricité que de coût de l’énergie. Dans le cas où, par exemple, il part en vacances et laisse branchée sa R5. La réponse est positive : il sera possible d’avoir un crédit à la fin du mois. Est-ce que celui-ci sera reporté ou est-ce que le client recevra un remboursement ? Il faudra attendre le lancement de l’offre pour en savoir plus.

Enfin, Mobilize nous précise que « nous facturerons au client uniquement l’énergie consommée pour son utilisation finale. L’énergie consommée pour être injectée dans le réseau est « soustraite » du volume consommé dans le process de facturation« .


Article original, du 1er mars 2024 : la Renault 5 E-Tech électrique, dévoilée à Genève le lundi 26 février 2024, est clairement l’une des voitures électriques qui va marquer l’année 2024. Elle a de nombreux atouts, à commencer par son tarif en entrée de gamme, autour de 25 000 euros. Nous avons d’ailleurs pu monter à bord pour nous faire un premier avis.

Mais, la R5 électrique va clairement révolutionner les usages de la voiture électrique en France, grâce à une fonctionnalité inédite sur le marché hexagonal, et extrêmement peu répandue au niveau mondial. Il s’agit de la recharge bidirectionnelle de type V2G (vehicule-to-grid) qui permet d’alimenter le réseau électrique grâce à la batterie de la voiture.

La charge inversée V2L de la Kia EV6 alimenant un ordinateur portable

Une sorte de recharge inversée, différente de la fonction V2L (vehicule-to-load), également présente sur la Renault 5 E-Tech, qui permet quant à elle d’alimenter des équipements électriques (barbecue, frigo, etc.) avec la batterie de la voiture, et beaucoup plus répandue.

La bonne nouvelle, c’est que cette recharge bidirectionnelle V2G va permettre aux clients de réduire le coût de leur facture d’électricité mensuelle, en percevant des revenus liés à la revente. Renault annonce qu’en France, « ces revenus pourront correspondre à environ 50 % en moyenne du coût de la recharge à domicile ».

Qu’est-ce que la recharge bidirectionnelle V2G ?

Si vous ne connaissez pas la technologie V2G, une rapide explication s’impose. Cette fonctionnalité, qui n’est pas disponible sur les motorisations les moins puissantes de la R5 électrique, nécessite une borne spéciale, développée par Mobilize, filiale de Renault. Cette borne permet aussi bien de recharger la voiture, que de la « décharger », pour envoyer l’électricité sur le réseau électrique.

L’idée est simple, pour le client : recharger la batterie de la voiture lorsque l’énergie coûte le moins cher et qu’elle est la moins carbonée, puis réinjecter de l’énergie sur le réseau électrique national, dans le cas inverse. Ce qui permet au fournisseur d’énergie d’utiliser l’électricité contenue dans les batteries des clients au lieu de l’acheter à un producteur à un prix trop élevé. Et pour remercier le client, le fournisseur d’énergie va rémunérer ce dernier, comme s’il était un producteur d’électricité.

Fonctionnement du V2G

On en vient donc à notre deuxième prérequis : la fonction V2G nécessite de souscrire à un contrat auprès d’un fournisseur d’électricité partenaire. Dans le cas de la Renault 5 E-Tech, il s’agit de The Mobility House pour la France. Si vous êtes chez EDF, il faudra changer de fournisseur pour pouvoir profiter de la fonction V2G. Dans le cas inverse, vous pourrez bien entendu toujours recharger la voiture.

Si vous avez une voiture compatible V2G (comme la R5 électrique), une borne V2G et un abonnement électrique spécial, alors vous rentrez dans les clous. Dans le cas de The Mobility House, le partenariat avec Renault et Mobilize permet de rendre la fonction totalement autonome, via l’application dédiée à la voiture.

Et dans la pratique ?

Voici comment cela va se passer dans la pratique : vous arrivez chez vous, et vous branchez votre Renault 5 E-Tech à la borne Mobilize. Vous aurez préalablement indiqué dans l’application dédiée, le taux de recharge souhaité (par exemple, 80 %) à une heure précise (par exemple, 8h du matin). Vous indiquerez également combien d’autonomie minimum, vous souhaitez conserver à n’importe quel moment de la journée et de la nuit. Ainsi, la borne ne pourra pas décharger la batterie plus que ce niveau indiqué, afin d’avoir une autonomie suffisante en toute situation.

Puis la borne fera sa petite vie, et décidera, selon les conditions tarifaires du marché spot de l’électricité, s’il vaut mieux recharger la voiture immédiatement, s’il vaut mieux attendre, ou si, au contraire, il convient d’envoyer de l’énergie dans le réseau. Un genre de trading. Puis, la voiture sera rechargée, pour être prête à reprendre la route à l’heure prévue. En cas de besoin, il est bien sûr possible d’outrepasser le système, et de « forcer » le plein d’électrons directement, en désactivant la fonction V2G.

Mais attention, car Mobilize a choisi un système un peu étonnant, comme nous l’avons vu dans notre papier sur les points noirs de la Renault 5 E-Tech. Le client est rémunéré par The Mobility House, non pas selon la quantité d’énergie qu’il renvoie sur le réseau électrique, mais selon la durée mensuelle de branchement de la voiture à la borne, exprimée en heure.

 

La borne Mobilize Powerbox // Source : Renault

Ainsi, un client qui branche sa voiture 450h par mois (15h par jour) recevra une rémunération liée à la revente d’énergie deux fois plus importante qu’un autre client qui ne laisse sa voiture branchée que 225h par mois (7,5h par jour). Le problème, c’est que Renault a refusé, pour le moment, d’indiquer le prix de rachat de l’électricité.

Quel gain dans la pratique ?

Ce que l’on sait officiellement, c’est que « ce contrat garantit de fournir cette électricité à un tarif aussi compétitif que le prix de référence du marché« . Pour rappel, le prix au kWh du tarif réglementé est passé à 0,2516 euros depuis le 1er février 2024 comme vous pouvez le voir dans notre comparateur des fournisseurs d’électricité. Ce qui donne un coût aux 100 km de 4,5 euros pour une voiture électrique qui consommerait 18 kWh / 100 km.

On peut drastiquement abaisser ce tarif avec les offres EDF Tempo ou EDF ZenFlex, permettant de parcourir 100 km pour 2,3 euros. À comparer avec les 10 euros, au minimum, réclamés pour parcourir cette distance en voiture essence.

Mais pour la revente d’électricité, on ne sait pas combien The Mobility House rémunérera le client. Nous avons posé la question au salon de Genève à Ziad Dagher de Mobilize, en charge du projet. L’homme a botté en touche en reprenant les éléments de langage officiel. Mais c’était sans compter sur la mise en ligne de la page dédiée à la R5 sur le site de Renault.

Le site de Renault a parlé

Dans la partie recharge, on sait enfin comment a été calculé la réduction de 50 % du coût de la recharge à domicile. La petite ligne nous indique que cette hypothèse reflète le « coût estimé de la recharge à domicile pour une personne rechargeant l’équivalent de 10 000 km par an à son domicile, au tarif régulé en vigueur, avec une consommation estimée de 16 kWh / 100 km. Gains V2G calculés pour un temps de branchement moyen de 15h par jour ».

Quelques précisions : la consommation de 16 kWh / 100 km est assez cohérente, puisque la Renault Zoé, avec une batterie de capacité équivalente à la Renault 5 E-Tech et une autonomie proche, est donnée pour une consommation mixte WLTP d’environ 17 kWh / 100 km. Avec un usage périurbain, on peut donc s’attendre à abaisser légèrement cette consommation. En revanche, sur des trajets autoroutiers, attendez-vous à dépasser les 20 kWh / 100 km.

Batterie et moteur de la Renault 5 E-Tech

Le kilométrage annuel (10 000 km) semble cohérent pour une voiture compacte puisqu’il ne prend pas en compte les recharges publiques. À titre indicatif, le kilométrage moyen annuel, toutes catégories de voitures confondues, était de 12 000 km avant la pandémie, et environ 11 000 km en 2021.

Enfin, le temps de branchement de 15h par jour signifie que celle-ci sera débranchée (et donc en dehors de la maison) pendant 9h. Ce qui est plus ou moins en phase avec une journée de travail classique.

Nos calculs

Si on fait nos petits calculs, 10 000 km parcourus avec une consommation de 16 kWh / 100 km et un tarif de l’électricité nous donne un coût total annuel de 402 euros. Diviser ce coût par deux permet d’économiser 201 euros par an et d’avoir un coût de revient à 201 euros pour 10 000 km. Soit 2 euros les 100 km. Pas mal, vu les faibles contraintes réclamées par le système.

On peut en déduire qu’une heure de branchement permet de réduire de 0,0367 euro sa facture d’électricité. Dans le cas où le conducteur roule moins que 10 000 km par an, et que la voiture reste branchée plus longtemps que 15h par jour, on peut donc réduire davantage sa facture.

Renault 5 E-Tech Electric // Source : DPPI

Mais attention, car cette solution nécessite des surcoûts au départ. Il faut en effet acheter une borne qui intègre de l’électronique de puissance plus évolué. Mobilize n’a pas souhaité nous communiquer le prix de la borne bidirectionnelle, mais sa version unidirectionnelle 22 kW coûte 1500 euros avec la pose, en cas d’achat simultanée de la voiture.

C’est un tarif assez intéressant, car l’une des bornes 22 kW les moins chères du marché, le Tesla Wall Connector, est vendue 535 euros, sans installation. Avec l’installation par un professionnel certifié, on grimpe facilement à 1 500 euros, même si le crédit d’impôt (qui est passé de 300 à 500 euros en 2024) pourra alléger la note finale.

Est-ce rentable ?

La borne Mobilize sera donc rentabilisée 7 ans et demi dans l’hypothèse de kilométrage et de consommation retenue par Renault. Mais, une autre solution pourrait être encore plus intéressante. Si vous souscrivez à une offre EDF Tempo, vous pouvez payer le kWh 0,1296 euro selon les jours de l’année et l’heure de la journée. Ce qui donne 207 euros pour parcourir 10 000 km, ou encore 2 euros pour 100 km. Soit à peu de chose près la même chose qu’avec la charge bidirectionnelle de la R5.

Mais la grande différence, c’est qu’EDF Tempo réclame du « travail » de la part du client. Il faut en effet recharger sa voiture uniquement dans les heures « super creuses » (jours bleus) pour bénéficier de ce tarif. Dans le cas contraire, la facture sera plus élevée (3 euros / 100 km) voire très salée lors des heures pleines, en jours rouges (12 euros / 100 km).

SolutionCoût aux 100 kmCoût installation
Borne classique + tarif réglementé4 €0 à 1500 €
Borne V2G Mobilize2 €Plus de 1 500 €
EDF Tempo2 à 3 €0 à 1500 €

Dit autrement, la solution de Renault est largement plus confortable pour le client. Mais, pour les gros consommateurs d’énergie, qui ont d’autres appareils électriques (pompe à chaleur, four, plaques de cuisson) et dont les usages peuvent être différés, la solution d’EDF Tempo ou ZenFlex peut être plus intéressante financièrement.

Un choix difficile

Au final, il nous manque encore quelques éléments pour savoir si cette offre sera vraiment pertinente et intéressante financièrement pour les clients. On ne connaît en effet pas en détail le coût du kWh facturé au client, ni le coût de rachat de l’heure durant laquelle la voiture est branchée. Même si on a pu avoir une idée assez précise avec ces premières données.

Tesla Powerwall
Une maison équipée de panneaux photovoltaïques Tesla et d’une batterie Powerwall

Mais il est clair que la comparaison avec les offres d’électricité classiques sera difficile. On imagine que c’est pour cette raison que Mobilize souhaite que le client soit rémunéré au temps de branchement et non pas à la quantité d’énergie renvoyée sur le réseau. Car cette dernière est variable, selon les besoins du réseau au niveau national. Mais lorsque les prix de l’énergie flambent, le client pourrait être rémunéré davantage avec cette solution.

C’est ce qu’a choisi de faire Tesla aux États-Unis, avec ses centrales électriques virtuelles. C’est le même fonctionnement que chez Renault, sauf que la voiture est remplacée par des panneaux solaires, et que la rémunération se fait selon la quantité d’énergie renvoyée vers le réseau. En d’autres termes, les clients qui ont des panneaux solaires et une batterie Tesla Powerwall peuvent revendre leur énergie à Tesla Electric, fournisseur d’électricité. Avec un coût décidé au cas par cas, qui varie tous les jours.

Une offre qui peut sauver le réseau électrique

Mobilize nous a tout de même précisé que l’offre pourrait évoluer, et qu’il pourrait être envisageable, à l’avenir, de rémunérer le client selon la quantité d’énergie puisée dans sa batterie. Quelques questions restent toutefois en suspens, comme le fait de savoir si la R5 pourra faire du V2H, pour alimenter la maison (et non pas le réseau électrique du quartier), en cas de coupure d’électricité par exemple. Comme le fait le Tesla Cybertruck avec la fonctionnalité PowerShare. Nous attentons la réponse du constructeur français.

Tesla Cybertruck avec la fonction Powershare pour alimenter la maison en V2H

Terminons sur une note positive qui fera réfléchir ceux qui pensent que la voiture électrique est une énorme erreur et qu’elle mettra à genoux le réseau électrique en hiver. La fonction V2G permet justement d’éviter cela. Imaginez une soirée rugueuse d’hiver, avec des températures négatives dans toute la France. Il est 19h, vous rentrez chez vous avec votre R5 électrique et vous la branchez. Vous allez allumer le chauffage, le four et les plaques pour faire à manger.

Vous n’êtes pas seul, car 100 % des Français roulent désormais à l’électrique, et ont faim à 19h. Justement, le V2G va faire en sorte de différer la recharge de votre voiture (et potentiellement celle de vos voisins), pour justement éviter un black-out. Et dans le pire des cas, s’il n’y a pas assez d’électricité qui circule sur le réseau pour alimenter toutes les maisons, les voitures prendront le relai. Et deviendront, en quelque sorte, une centrale électrique… virtuelle.


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