Où en est le rachat d’Activision-Blizzard par Microsoft ? Va-t-il échouer ? Tout comprendre au feuilleton

Que va devenir Call of Duty ?

 

Le rachat d'Activision Blizzard par Microsoft sort très largement du cadre du jeu vidéo et touche à la fois à des sujets juridiques et politiques. Derrière ce rachat se joue peut-être le rapport de force entre les Gafam et le pouvoir politique. On fait le point sur toutes ces questions.

Microsoft a annoncé le rachat record d’Activision Blizzard le 18 janvier 2022. Depuis, la firme mène une bataille juridique et politique pour faire valider le rachat par les autorités dans le monde entier. Avec une somme annoncée à 68,7 milliards de dollars, il s’agit tout autant du rachat le plus important de l’histoire du jeu vidéo et de Microsoft.

Où en est le rachat d’Activision-Blizzard par Microsoft ?

Voici les dernières actualités concernant ce sujet.

Ce dossier couvre tous les pans de ce feuilleton avec des explications autour du rachat lui-même, sur la procédure pour faire valider l’opération devant les autorités, sur l’affaire judiciaire opposant la FTC (Federal Trade Commission) à Microsoft et sur les conséquences du blocage par la CMA au Royaume-Uni.

Le projet de rachat

On commence par les informations autour du projet de rachat dévoilé par Microsoft en janvier 2022.

La raison de ce rachat par Microsoft : Call of Duty, World of Warcraft et Candy Crush

Avec ce rachat, Microsoft intégrerait plus de 17 000 employés répartis dans le monde au sein de 13 studios. Si la franchise Call of Duty d’Activision s’est vite retrouvée au milieu des discussions, Microsoft rachète aussi des licences cultes comme World of Warcraft, Diablo, Starcraft, Tony Hawk, Crash Bandicoot ou encore Spyro et Overwatch. Par ailleurs, il ne faut pas oublier King et la licence Candy Crush, en plus de Call of Duty Mobile et Hearthstone.

Source : Microsoft

Microsoft gagnerait donc en force à la fois sur le marché mobile, où la firme est en retrait actuellement, mais aussi sur le PC, où elle accumulerait beaucoup de licences cultes (Age of Empires, Elder Scrolls, Doom, Warcraft, Starcraft). Évidemment, le rachat de Call of Duty serait aussi un avantage tonitruant sur le marché des consoles.

L’affaire Activision Blizzard et Bobby Kotick

À l’été 2021, une série d’enquêtes journalistiques révèle une culture d’entreprise pour le moins toxique au sein des studios de développement d’Activision Blizzard. Harcèlement et violence sexuelle, crunch à répétition et problèmes de management y sont légion et de longue date.

L’affaire se poursuit au fil des mois, causant le départ de la direction de Blizzard et ouvrant aux États-Unis une enquête au niveau fédérale. La situation des studios continue de se dégrader pour atteindre peut-être son pire point au mois de novembre. C’est à ce moment-là qu’une enquête du Wall Street Journal révèle que le patron du groupe, Bobby Kotick, est lui-même impliqué dans des actes particulièrement critiquables. Il aurait notamment aidé des employés accusés de harcèlement sexuel à rester en poste et aurait menacé de mort l’une de ses subalternes.

L’action Activision tout au long de 2021 et la chute à partir de l’été

Entre les mouvements secouant les studios et le report de certains gros titres comme Diablo 4 et Overwatch 2, le cours de l’action dévisse en bourse tout au long de 2021.

C’est dans ce contexte que le projet de rachat de Microsoft se matérialise. La firme propose de racheter Activision Blizzard à 95 dollars l’action, soit sa valeur en février 2021 avant les scandales.

Les employés d’Activision au centre de l’équation

La question des ressources humaines et de la culture d’entreprise d’Activision Blizzard devient très logiquement l’un des sujets importants de ce projet de rachat. Dans son premier communiqué à ce sujet, Microsoft est claire sur son intention de transformer Activision Blizzard après la clôture du projet : « Nous avons hâte d’étendre notre culture inclusive proactive pour la partager avec les équipes formidables d’Activision Blizzard. » La communication de la firme suggère aussi que Bobby Kotick ne resterait pas dans l’organigramme de Microsoft une fois l’intégration de ses équipes réalisée.

Les employés d’Activision Blizzard n’ont toutefois pas attendu Microsoft pour se mobiliser. Après plusieurs mois de batailles, le studio Raven Software d’Activision accueille officiellement le premier syndicat de l’histoire du jeu vidéo américain AAA.

Source : Activision

Dans sa stratégie pour faire accepter cet énorme projet de rachat, Microsoft se montre docile auprès des projets de syndicat, alors que la firme avait plutôt une réputation antisyndicale dans la tech. En juin 2022, Microsoft annonce un changement de paradigme et signe un accord majeur avec la CWA, le groupement de syndicats ayant ouvert une branche chez Raven Software.

Le 6 décembre 2022, la CWA annonce son soutien public au rachat d’Activision Blizzard par Microsoft, jugeant que le changement de propriétaire sera positif pour les employés des studios. Le même jour, 300 développeurs QA répartis dans les studios Zenimax (Microsoft) annoncent la création d’une branche de la CWA en leur sein.

Faire valider le rachat par les autorités

Pourquoi le rachat doit-il être vérifié par les autorités ?

Dans toutes les régions où opèrent Activision Blizzard et Microsoft, la firme doit faire autoriser le rachat. Il s’agit de vérifier qu’avec ce rachat, le marché ne serait pas trop déstabilisé à court, moyen et long terme. Les autorités doivent être garantes d’un marché qui reste concurrentiel pour protéger les consommateurs.

Elles peuvent le plus souvent valider ou bloquer le rachat, ou négocier avec Microsoft pour des ajustements dans le contrat. Tout est imaginable dans les négociations : séparer une partie d’Activision Blizzard, rendre Call of Duty multiplateforme, interdire l’arrivée du jeu sur des services d’abonnements, des contraintes sur la gestion des employés, etc.

Parmi les autorités, quatre ressortent comme les plus importantes, car s’occupant de grands marchés du jeu vidéo où Microsoft est présente : la FTC aux États-Unis, la Commission européenne pour l’UE, la SAMR en Chine et la CMA au Royaume-Uni. Ces quatre juridictions sont explicitement mentionnées dans le contrat entre Microsoft et Activision Blizzard.

Pourquoi Call of Duty est-il si important ?

Call of Duty est l’une des licences les plus lucratives dans l’industrie du jeu vidéo. Chaque année, le nouvel épisode de la franchise bat des records de vente. En 2022, Call of Duty Modern Warfare II a dépassé la barre du milliard de dollars de chiffre d’affaires en seulement 10 jours. Cela en fait le plus gros lancement dans l’industrie du divertissement en 2022, devant la musique ou le cinéma. En 2021, Activision annonçait que Call of Duty avait dépassé les 400 millions d’exemplaires vendus sur la totalité de la franchise, tout juste derrière Pokémon (440 millions).

Call of Duty: Modern Warfare II // Source : Activision

La franchise représente une part importante des revenus de Sony PlayStation grâce aux commissions sur les ventes de jeux et les DLC. C’est pour cette raison que le constructeur négocie des partenariats marketing ou des exclusivités avec Activision depuis de nombreuses années maintenant. À titre d’exemple, au mois d’octobre 2022 au Royaume-Uni, 57 % des ventes de jeux de Call of Duty Modern Warfare II se faisaient sur PlayStation, contre 33 % pour Xbox.

Quels sont les pays qui ont validé le rachat ?

Plusieurs territoires ont déjà validé le rachat par Microsoft :

Quels sont les pays qui bloquent le rachat ?

La FTC a été la première à décider de porter l’affaire devant un tribunal pour tenter d’empêcher l’acquisition d’Activision Blizzard aux États-Unis. À ce stade, la procédure judiciaire lancée par la FTC ne bloque pas le processus de rachat.

Elle a été rejointe par la CMA au Royaume-Uni qui a purement et simplement bloqué le rachat en avril 2023. Cette dernière a ouvert une nouvelle enquête en août après des modifications apportées par Microsoft concernant son projet de rachat.

Que se passe-t-il si le rachat est bloqué par les autorités ?

En cas de blocage par les autorités, Microsoft devra abandonner son projet et payer des frais à Activision pour les procédures. La firme peut aussi faire le choix de faire appel ou de négocier des concessions plus importantes avec la ou les autorités qui ont décidé du blocage.

En théorie, Microsoft pourrait aussi décider de sortir du marché en question. Une hypothèse peu réaliste à ce stade, surtout s’il s’agit des États-Unis ou du Royaume-Uni. Lors d’une interview datée du 17 mai, Satya Nadella, le patron de Microsoft, s’est toutefois refusé à exclure une sortie du Royaume-Uni. En réalité, cette théorie aurait été utilisée par Microsoft pour pousser la FTC à accélérer son calendrier.

Quel est le calendrier des prochaines dates cruciales ?

Voici les quelques dates à avoir à l’esprit pour les prochaines étapes dans ce projet de rachat :

  • Expiration du contrat de rachat (forçant les renégociations) : 18 octobre 2023 ;
  • Date limite pour la décision de la CMA au Royaume-Uni : 18 octobre 2023 ;
  • Procédure d’appel de Microsoft devant le CAT au Royaume-Uni : 23 octobre 2023 ;
  • Appel de la FTC devant la Cour d’appel des États-Unis pour le neuvième circuit : décembre 2023 ;
  • Verdict du procès FTC – Microsoft au tribunal administratif : 2024.

Microsoft peut abandonner à tout moment

Toutes les dates que nous mentionnons dans notre dossier peuvent évoluer à tout moment en fonction des décisions des autorités ou de Microsoft. En effet, Microsoft peut à tout moment décider d’abandonner le projet de rachat d’Activision Blizzard. Dans ce cas, la firme devra payer à Activision une certaine somme pour couvrir l’affaire.

Depuis le 18 juillet 2023, Microsoft doit payer 3,5 milliards de dollars de frais de dédommagement auprès D’Activision Blizzard si la firme abandonne son projet. Cette somme passe à 4,5 milliards de dollars le 15 septembre.

À partir du 23 octobre, Microsoft doit quoi qu’il arrive renégocier avec Activision. Si les deux acteurs sont toujours sûrs de leur dossier, il est facilement possible pour les deux groupes de prolonger le contrat. Ils peuvent aussi modifier les conditions du rachat et notamment son prix.

Les arguments de Microsoft pour défendre son dossier

Microsoft a présenté publiquement ses arguments pour convaincre les autorités de valider son projet de rachat. La firme estime tout d’abord que le rachat ne lui ferait pas prendre une taille dangereuse sur le marché puisque Sony et Tencent resteraient les leaders de l’industrie. Microsoft s’est d’ailleurs attaquée publiquement à Sony, jugeant que son opposition au rachat était analogue à celle des loueurs de DVD devant l’arrivée de Netflix, autrement dit un acteur démodé qui refuse l’innovation qu’apporterait le Game Pass.

Les arguments de Microsoft pour défendre son dossier

Sur le sujet de Call of Duty, Microsoft estime que si 100 % des joueurs de Call of Duty sur PlayStation quittaient l’écosystème de Sony, un cas très peu probable, il resterait toujours plus de joueurs que ce que compte l’écosystème Xbox actuellement. Si l’on ne regarde que le marché des consoles en limitant à PlayStation et Xbox, alors le premier représente 70 % du marché d’après Microsoft contre 30 % pour Xbox. De quoi affirmer que la marque est loin d’une situation dominante, même en intégrant le plus gros éditeur au monde.

Pour diminuer les craintes autour des licences Activision Blizzard, Microsoft a signé une série de partenariats avec d’autres acteurs du cloud gaming ou de la console de jeu comme Nintendo et Nvidia.

Microsoft essaie également de convaincre les autorités que son poids renforcé dans le mobile grâce au rachat de King lui permettrait de concurrencer plus efficacement Apple et Google, deux cibles privilégiées des autorités sur le sujet de la concurrence. En mars 2023, la firme a réitéré cette ambition en Europe avec l’idée de créer une boutique d’applications alternative au Play Store ou à l’App Store.

Enfin, Microsoft fait également peser sa capacité à transformer la culture interne d’Activision pour améliorer la situation des employés. C’est dans ce cadre que l’accord avec la CWA, le principal syndicat du secteur, est important.

Les concessions acceptées par Microsoft

Depuis l’annonce du projet de rachat et au gré des négociations avec les agences de régulation, Microsoft a procédé à la signature de certains compromis ou de contrat avec ses concurrents.

Si le rachat va jusqu’au bout, Call of Duty arrivera chez Nintendo

L’Union européenne est parvenue à imposer une concession importante : sur le marché économique européen, Microsoft a l’obligation de proposer les jeux actuels et futurs d’Activision Blizzard pour PC et consoles pendant 10 ans à ses concurrents sur le cloud gaming. De même, les consommateurs doivent pouvoir streamer les jeux dont ils ont acquis une licence sur la plateforme de leur choix sans frais supplémentaire.

Ubisoft rachète les droits sur les jeux Activision Blizzard pour le streaming

L’autorité de la concurrence au Royaume-Uni a bloqué dans un premier temps le projet de rachat autour d’inquiétude pour l’avenir du marché du cloud gaming. Pour lever ces inquiétudes, Microsoft a annoncé un compromis majeur : la revente des drois sur le streaming de jeu à l’éditeur Ubisoft.

Pour un montant inconnu, Ubisoft met la main sur l’ensemble des droits de diffusion en cloud gaming des jeux Activision Blizzard passé, présent et pour les 15 prochaines années. Ces droits sont valables à perpétuité et pour le monde entier, à l’exception du marché européen, en raison des contraintes déjà signées par Microsoft sur ce territoire.

Cela signifie que pour proposer les jeux Activision Blizzard sur Xbox Cloud Gaming, Microsoft devra négocier et payer des droits de diffusion à Ubisoft. Ce dernier pourra également les commercialiser à d’autres acteurs du marché. Dans son communiqué de presse, l’éditeur français mentionne explicitement PlayStation. Ubisoft pourra également contraindre Microsoft à développer des adaptations des jeux Activision Blizzard pour les serveurs de cloud gaming ne tournant pas sous Windows.

L’Union européenne valide le rachat

Après plusieurs mois de travaux, l’Union européenne a annoncé la validation du rachat d’Activision par Microsoft le 15 mai 2023.

D’après la Commission européenne, le marché de la console de jeu ne posait pas de problème sur son territoire. PlayStation y tient une position importante et Microsoft n’aurait que trop peu d’intérêt financier à priver la console de Sony des jeux Activision Blizzard.

En revanche, c’est bien le marché naissant du cloud gaming qui posait un problème à l’Union européenne. Microsoft a toutefois su trouver un accord convaincant. La firme s’est engagée pendant 10 ans à fournir gratuitement une licence à ses concurrents et aux consommateurs permettant de streamer en cloud gaming l’intégralité des jeux PC et consoles Activision Blizzard présent et futur.

Une infographie de l’accord signé par Microsoft // Source : La commission européenne

L’accord tel que signé par Microsoft ne les lie qu’aux consommateurs et aux acteurs du cloud gaming dans l’EEE, l’Espace Économique Européen. En revanche, la firme a promis de proposer les mêmes bénéfices dans le monde entier sans y être contrainte par le contrat signé avec l’UE.

États-Unis : l’échec de la FTC

Le 8 décembre 2022, la FTC aux États-Unis a annoncé qu’elle souhaitait bloquer le rachat en attaquant Microsoft en justice. D’après la FTC, avec ce rachat, Microsoft « prendrait le contrôle des meilleures franchises de jeux vidéo » et donc pourrait « nuire à la concurrence dans le secteur des consoles de jeux haute performance et des services d’abonnement en refusant ou en dégradant l’accès de ses concurrents à son contenu populaire ».

La FTC a donc décidé de définir deux marchés pour prouver la future situation dominante de Microsoft : le marché des consoles haute performance regroupant PlayStation et Xbox et le marché du jeu vidéo par abonnement. La commission retire donc Nintendo de l’équation et doit prouver que le jeu vidéo par abonnement est un marché séparé de celui de la vente à l’unité. Autrement dit, qu’un changement de modèle économique constitue un nouveau marché.

Par ailleurs, la FTC doit démontrer que ce rachat serait dangereux pour le consommateur. Une opération plus complexe quand il s’agit d’une intégration verticale et non horizontale. En effet, ici, Microsoft ne rachète pas un concurrent comme Sony ou Valve, un cas où il serait plus simple de démontrer le danger pour le consommateur à avoir moins de choix, mais plutôt un « fournisseur » de contenu pour sa plateforme.

Enfin, la FTC estime que Activision Blizzard est une perle rare : l’un des seuls éditeurs de jeux AAA du marché avec EA, Take Two, Ubisoft et Epic Games. La Commission ne semble donc pas prendre en compte les géants asiatiques du secteur comme Tencent, Square Enix ou Capcom dans son observation du marché.

Microsoft peut-il valider son rachat sans la FTC ?

Le procès entre la FTC et Microsoft devait s’ouvrir le 2 août 2023, mais la FTC a décidé le 20 juillet de suspendre le dossier. Cette procédure lancée par la FTC devant son propre tribunal administratif n’est pas suspensive. En d’autres termes, Microsoft n’est pas empêchée de racheter Activision Blizzard.

Si les deux entreprises fusionnent et que la FTC obtient gain de cause, le verdict est attendu en 2024, alors elles devront se séparer, ce qui engendrera de gros frais. C’est donc une prise de risque pour Microsoft et Activision de ne pas attendre le verdict définitif.

Sentant que les deux entreprises pourraient prendre ce chemin, la FTC a fait une demande d’injonction devant le tribunal fédéral de Californie qui doit permettre de bloquer le rachat en attendant d’obtenir le verdict du tribunal fédéral. La FTC a obtenu un blocage temporaire du rachat jusqu’au 15 juillet 2023.

L’affaire fédérale FTC vs Microsoft / Activision

Il y a donc désormais deux affaires judiciaires entre la FTC, Microsoft et Activision.

Il y a tout d’abord le procès lancé en décembre 2022 dont l’ouverture était programmée le 2 août 2023 et dont le verdict devrait tomber en 2024. Ce premier procès a été suspendu. Il doit déterminer si le rachat pose des problèmes de concurrence sur le marché américain et aura lieu devant le tribunal administratif de la FTC. Si la FTC gagne ce procès, Activision et Microsoft peuvent faire appel. Si Microsoft gagne ce procès, la FTC peut elle-même décider d’annuler le verdict, ce qui amènerait Microsoft à faire appel devant une cour fédérale.

L’autre affaire est donc la demande d’injonction demandée par la FTC en juin 2023. Ce procès a eu lieu du 22 au 29 juin et permis de découvrir de nombreux secrets sur l’industrie du jeu vidéo et Xbox plus précisément. Les arguments de la FTC n’ont pas convaincu la Juge Corley qui a rendu un verdict défavorable concernant la demande d’injonction. La FTC a depuis fait appel de la décision devant un nouveau tribunal.

Une affaire politique aux États-Unis

Le conflit entre la FTC et Microsoft dépasse largement le cadre du jeu vidéo. La présidente de la FTC, Lina Khan, a été nommée par Joe Biden à ce poste pour sa position critique vis-à-vis des géants de la tech. Son mandat consiste donc principalement dans la lutte contre le gain en pouvoir d’Amazon, Apple, Meta, Microsoft et Google. Avec ce rachat record, la FTC avait ainsi une cible toute trouvée pour mettre un point d’arrêt aux grossissements de géants.

Lina Khan, commissaire à la FTC // Source : FTC

La FTC a également tenté de bloquer le rachat de Within par Meta en juillet 2022. Le procès s’est ouvert le jeudi 8 décembre avant de trouver une première conclusion le 1er février 2023. Le juge Edward Davila a tranché en faveur de Meta et du projet de rachat. Cette défaite juridique n’a pas d’impact direct sur l’affaire Activision, mais fragilise publiquement la FTC.

Des joueurs américains attaquent Microsoft en justice

La FTC n’est pas la seule à tenter le blocage du projet de rachat aux États-Unis. Une dizaine de joueurs ont créé un groupe d’action pour poursuivre Microsoft en justice en reprenant essentiellement les mêmes arguments que la FTC. Il y a peu de chance en l’état que cette affaire ait un impact sur le projet au niveau de la justice, mais elle ajoute un peu plus de pression médiatique sur Microsoft et Activision Blizzard.

Le Royaume-Uni : dernier frein au rachat

Comme la FTC, la CMA se penchait initialement sur le duel entre Xbox et PlayStation avec, au centre, la question de Call of Duty. L’autorité britannique a toutefois abandonné cet angle le 24 mars 2023. Elle observe en revanche attentivement le marché naissant du cloud gaming où elle estime que l’acquisition d’Activision pourrait nuire à la concurrence actuelle, Sony et Nvidia, ou futur comme Amazon, Meta, Netflix ou encore Tencent.

Le 8 février 2023, la CMA dévoile ses conclusions provisoires : son avis est défavorable en l’état en raison des risques posés par le rachat dans le marché de la console de jeu et du cloud gaming. Le 24 mars 2023, elle exclut finalement le marché de la console de jeu, pour se concentrer uniquement sur celui du cloud gaming. Pour Sony, la décision d’exclure le marché de la console est un revirement « irrationnel ».

Pour soigner son image et son dossier, Microsoft multiplie les contrats offrant les jeux Xbox Game Studio et Activision Blizzard aux autres services de cloud gaming, en particulier au Royaume-Uni.

Le 26 avril 2023, la CMA annonce qu’elle a décidé de bloquer définitivement le rachat. Microsoft et Activision ont lancé dans la foulée la procédure pour porter leur dossier en appel au Royaume-Uni. Le 22 août, Microsoft annonce une nouvelle structuration de son projet de rachat où Ubisoft pourrait racheter les droits des jeux Activision Blizzard concernant le cloud gaming. La CMA ouvre une nouvelle enquête.

Ce qui pose un problème au Royaume-Uni

Pour justifier ses conclusions, la CMA met en exergue l’avenir du marché du cloud gaming.

En prenant le contrôle des jeux Activision Blizzard, la CMA craint que Microsoft prenne une importance dominante sur ce marché encore naissant. Elle estime que Microsoft occupe déjà 60 à 70 % de ce marché, et que la firme a de nombreuses cordes à son arc grâce à ses studios, sa présence dans le cloud computing avec Azure et sa force dans le PC avec Windows.

Ce que la CMA craint pour le consommateur, c’est que l’on arrive à l’avenir dans une situation où les joueurs qui n’ont pas les moyens d’acheter un PC de jeu ou une console de jeu soient contraints de passer par du cloud gaming où Microsoft serait le seul fournisseur.

Les nombreux accords signés par Microsoft avec des concurrents du secteur ont été notés par la CMA qui n’a toutefois pas été convaincue. En effet, ces accords portent sur des services de cloud gaming dont l’infrastructure repose sur la vente de jeux et Windows. Autrement dit, Microsoft en serait le bénéficiaire direct et le Xbox Game Pass n’aurait pas réellement de concurrence sur le marché de l’abonnement à un catalogue.

Les compromis demandés par le Royaume-Uni

Dans son compte-rendu de 277 pages du 8 février, la CMA indiquait que pour son étude du marché du jeu vidéo et des risques posés par le projet de rachat, elle n’avait pas pris en compte les accords de Microsoft promettant une disponibilité de Call of Duty sur des plateformes concurrentes.

Contrairement à son avis dans d’autres projets de rachat, notamment Giphy par Facebook, la CMA était toutefois ouverte à l’idée de compromis non structurelle comme le type de contrat proposé par Microsoft.

L’autorité de la concurrence propose toutefois plutôt des compromis structurels qui seraient en mesure de la convaincre. Elle propose ainsi à Microsoft les options suivantes :

  • Séparation complète de l’activité Call Of Duty (qui resterait donc indépendante de Microsoft après le rachat) ;
  • Séparation d’Activision du groupe : Microsoft ne rachèterait que Blizzard et King ;
  • Séparation d’Activision et Blizzard du groupe : Microsoft ne rachèterait que King.

Pourquoi Microsoft prendrait l’option 2 ou 3 plutôt que la première ? Ici, la CMA laisse la porte ouverte à Microsoft et Activision Blizzard qui doivent définir dans quelle mesure Call of Duty est plus ou moins dépendant de la structure du groupe en place. Par exemple, si la licence a besoin d’Activision Blizzard, Microsoft devra accepter de se séparer des deux ensembles pour ne garder que King.

Microsoft n’a retenu aucune de ces options et préféré tenter le pari des compromis non structurel. Ce n’était visiblement pas le bon pari.

La procédure d’appel

Microsoft a décidé de faire appel de la décision de la CMA devant le CAT, le Competition Appeal Tribunal au Royaume-Uni. Une première audience a eu lieu le 30 mai 2023 pour fixer le cadre de la procédure. Le procès est prévu pour s’ouvrir la semaine du 24 juillet. Après la défaite de la FTC aux États-Unis, Microsoft et la CMA ont accepté de mettre en pause la procédure d’appel pour demander l’étude d’un nouveau projet de rachat susceptible d’être validé par la CMA.

Le juge aimerait proposer un verdict « dans le courant de l’été » pour ne pas faire trainer les choses jusqu’à l’automne.

Si la procédure d’appel est un succès pour Microsoft, la CMA devra à nouveau se pencher sur le dossier et corriger les problèmes identifiés par le juge. L’autorité peut alors revenir à la même conclusion.

Autrement dit, il s’agit d’une procédure où il est difficile d’imaginer Microsoft et Activision Blizzard sortir victorieux avec une validation du projet. À ce stade, la décision du Royaume-Uni représente le plus gros danger pour le rachat avec la demande d’injonction de la FTC aux États-Unis.

La nouvelle enquête et Ubisoft

Le 22 août, la CMA a ouvert une nouvelle enquête concernant le projet de rachat d’Activision Blizzard par Microsoft. Cette fois, la firme propose un projet en retirant le cloud gaming de l’équation : les droits seront revendus à Ubisoft à l’échelle internationale, sauf en Europe où Microsoft a déjà signé un contrat concernant le cloud avec l’UE.

La première phase de l’enquête doit durer jusqu’au 18 octobre 2023. En admettant que le cloud gaming était le seul frein identifié par la CMA au rachat, et que la solution d’une revente des droits à Ubisoft soit convaincante, la CMA pourrait alors valider le rachat.

Le rachat d’Activision Blizzard va-t-il réussir ?

Évidemment, il est impossible de prédire l’avenir, mais on peut raisonnablement évaluer les risques pour le projet de rachat et Microsoft.

Le blocage par la CMA au Royaume-Uni avait sérieusement compromis l’avenir du projet de rachat. Cependant, la revente des droits à Ubisoft et l’ouverture d’une seconde enquête laissent penser que le rachat pourrait finir par être validé. Il s’agit du dernier frein pour Microsoft après la défaite de la FTC devant le tribunal fédéral aux États-Unis, et la validation du rachat par l’UE et la Chine. La procédure d’appel lancée par la FTC constitue également un risque, mais il semble très limité à ce stade.


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